Extraits

(...) la Prusse était restée totalement étrangère au christianisme jusqu'à sa conquête finale par les chevaliers Teutoniques du pape en 1283. Et depuis cette date, Dieu nous punissait durement pour avoir tardé à rejoindre son Eglise. Voilà ce que j'appelle un peuple élu.

Sans émotion, la souffrance n'est que de la souffrance ; ce sont les sentiments humains qui en font un supplice aussi atroce.

Le KGB ou la HVA - c'est-à-dire le service de renseignements extérieurs de la RDA - ne se soucient pas plus que la CIA de qui vous êtes et de ce que vous avez fait. Tout ce qui compte, c'est comment ils peuvent vous utiliser à leur profit. Après la guerre, la HVA a recruté des tas de nazis sur ordre des Russes et ils ont perfectionné bon nombre de techniques de la Gestapo. Presque rien n'a changé sauf l'idéologie : de fait, ça continue à être la Gestapo sans en avoir le nom. Et quand vous êtes un ennemi de l’État condamné à l'échafaud ou à dix ans de camp de travail, rien ne distingue la tyrannie communiste de la tyrannie nazie. C'est le même fascisme, mais avec un drapeau différent. La merde a le même aspect et la même odeur qu'auparavant et c'est toujours de la merde.

(...), je bus deux bonnes bouteilles de Moselle bien frais et au bout de quelques heures nous étions amants. C'est ainsi que ça se passait à l'époque. De manière incroyablement rapide. Personne ne parlait d'amour, de mariage, ni de conséquences. Personne ne songeait à l'avenir, parce que personne ne pensait en avoir un. Vraiment, vous n'imaginez pas combien la vie peut être facile quand vous pensez qu'il n'y aura pas de lendemain.

Sur les murs, des gravures représentant des scènes anodines de la Riviera qui me faisaient toujours apprécier des artistes aussi lugubres que Bosch et Goya, et sur une table une grande coupe contenant des fruits. Le magnétophone Grundig portable de Hebel était posé sur une commode. Je le mis en marche et écoutait du jazz be-bop pendant une minute ou deux, ce que je trouve en général plus que suffisant. Il y avait un carnet d'adresses, un agenda et une trousse de toilette abritant un nombre optimiste de préservatifs.

Vous savez, Henri , il existe une règle non écrite au bridge qui veut que, lorsque votre partenaire se fait tuer, vous êtes censé essayer de trouver le coupable.

- Ça ressemble plutôt au Cluedo.

- Il est plus facile de remplacer un partenaire si on peut découvrir pourquoi le précédent a été tué.

Il s'appelait Henri et, d'après Spinola, il avait fait partie de la Résistance française, organisation dont les effectifs semblaient en augmentation constante : ils étaient assurément deux fois plus nombreux qu'ils ne l'avaient jamais été pendant la guerre.

Tu me traites comme quelqu’un de précieux. Comme si j’avais de l’importance pour toi. Tu écoutes ce que j’ai à dire comme si tu t’en souciais réellement. Je ne peux pas t’expliquer ce que cela signifie pour une femme… C’est tout ce que je désirais : être entendue par l’homme que j’aime.

Je jetai un coup d’œil à la bibliothèque. Devant tous ces livres, je n’eus pas de mal à comprendre pourquoi il éprouvait un tel attachement ridicule et sentimental pour l’endroit. Les livres sont précieux. Ils peuvent vous faire vous sentir chez vous. Dans n’importe quelle autre habitation, ils auraient déjà servi de combustible.

Hier, j'ai essayé de me tuer.

Moins parce que j'avais envie de mourir que parce que je voulais que la souffrance s'arrête. Elisabeth, ma femme, m'a quitté il y a quelque temps, et elle me manque beaucoup. C'est une de mes sources de souffrance, et non des moindres, je dois bien l'avouer.