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Au bout d’un moment, la panique me gagna. Un poids pesait sur ma poitrine, mes mains tremblaient et j’avais des fourmis au bout des doigts qui menaçaient de tétaniser. Ma respiration se faisait plus lourde, plus forte, plus hachée à mesure que le nombre de salons que je traversais augmentait. Un cri aigu était sur le point de jaillir de ma gorge serrée, des points noirs dansaient devant mes yeux. Avant de perdre connaissance complètement, je repris place dans le fameux fauteuil, comme s’il était le seul point d’ancrage possible dans cette pièce maudite. Pourquoi un tel piège ? Quel était l’intérêt de m’enfermer dans un lieu pareil ? Pourquoi maman avait-elle décidé cela ?

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Heureusement, rien n’avait bougé, me semblait-il. Je me trouvais dans un séjour très classique : canapé, tapis, fauteuil, baie vitrée… Tout le mobilier était d’un blanc immaculé, ainsi que les murs. À part le rhododendron en pot, qui faisait une tâche verte presque trop soutenue au milieu de toute cette pâleur, et l’horloge en bois sombre au balancier de bronze brillant, il n’y avait pas de couleur. C’était un peu oppressant, trop immaculé, trop parfait. Le décor sentait l’artificiel, mais j’ignorais le but de cette mise en scène. En me levant avec mille précautions, afin d’être certaine qu’aucun piège n’était dressé près de moi, je repérai une porte fermée – blanche elle aussi – qui, je l’espérais, me conduirait dans une autre pièce.

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LES SEMELLES de mes chaussures produisirent un son mat en rencontrant le sol du monde inconnu dans lequel je venais de pénétrer. Il y faisait un noir d’encre, et instinctivement je tendis les bras devant moi pour prévenir toute rencontre avec un obstacle. Je restai immobile quelques instants, tous les sens en alerte, afin de capter la moindre information susceptible de me parvenir. Tout d’abord, je m’astreignis à calmer les battements de mon cœur qui résonnaient exagérément dans mes oreilles et quand, enfin, je pus percevoir un élément extérieur, c’est le tic-tac profond et grave d’une horloge qui me parvint. Un parfum de cire d’abeille, le craquement du bois, un oiseau qui émettait un bruit bizarre dehors, furent les autres détails que je relevai.

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C’était étrange de revenir ici. Comme de se réveiller d’un long rêve incroyable, peuplé de mondes merveilleux et de créatures étranges, pour se retrouver finalement, hébété, les yeux ouverts sur son quotidien banal.

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Il décida de reléguer ces questions dans un coin de sa tête pour le moment. Quoi qu’il fasse, il n’obtiendrait pas les réponses maintenant. Autant prendre le temps de se reposer et de récupérer. À cette pensée, il sentit une onde de fatigue immense le submerger. Il avait beau avoir faim, il était encore plus épuisé. Avec des gestes incertains, il grimpa sur la mezzanine, ôta tous ses vêtements et se laissa tomber sur le matelas. Il eut à peine le temps de ramener la couverture sur son corps grelottant qu’il sombra enfin dans un sommeil réparateur.

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Josh réfléchit quelques instants au temps passé. La dernière fois qu’il était allé sur Terre, il n’y était resté qu’un court moment, pour rendre visite à ses parents. C’était juste avant que le monde de Moone ne s’ouvre et que le cauchemar ne commence. Sur Terre, c’était le début des vacances scolaires. La librairie était fermée pour un mois entier. Il n’avait donc pas eu besoin de se présenter en cours ni au travail. S’il retournait maintenant à Paris, sans avoir à utiliser l’astuce habituelle – revenir juste au moment où il était parti pour que son absence ne soit jamais remarquée –, il arriverait au bon moment pour reprendre son poste dans la petite boutique et, ainsi, ne pas perdre la ligne temporelle dans laquelle se trouvait Mia.

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Josh ouvrit les yeux et découvrit qu’il marchait à présent dans un long corridor sombre, dont les murs bombés filtraient une sourde lumière rosée. Les premiers rayons de lumière qu’il voyait depuis des jours. Combien cet éclat tout simple avait pu lui manquer ! Il posa la main sur la paroi qui laissait passer cet éclat bienfaisant, qui le réchauffait presque autant qu’un soleil d’été. Elle était souple, chaude et palpitante. Ici, sa main n’avait pas de doigts. C’était une patte épaisse, griffue et couverte d’une fourrure sombre.

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Bien que Josh eût rassemblé toutes les provisions possibles, la quantité de nourriture avait fini par s’amenuiser au même rythme que la température chutait. Et ce soir (ou ce matin ? la notion du temps lui échappait depuis que le ciel n’était plus qu’un bourbier gris et triste), il grelottait de fièvre, de faim, de tristesse, de solitude.

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Josh frissonna. Non pas de peur, mais de froid et de faim. Le château était vide. Il n’y avait jamais croisé Garmon dans cette réalité, Mia en était absente depuis trop longtemps à présent, et il avait demandé à tous les soldats qui l’habitaient et gardaient symboliquement son entrée de rentrer chez eux, de fuir avec leurs familles tant qu’il en était encore temps. Même Bertrand, malgré une résistance longue et têtue, avait fini par quitter Josh, seule âme consciente entre ces murs de pierre glacée par l’horreur qui dégoulinait sur leur surface extérieure. Ensemble, ils en avaient mené, des batailles. Les dernières avaient toutes eu pour but de défendre Doregon contre l’ombre. Ils avaient tout tenté. Bertrand avait mis le feu à la masse informe qui s’étalait dans la cour et avait pris possession du grand hall d’entrée du château. La boue s’était comme recroquevillée sur elle-même. Une sorte de cri suraigu, plus proche d’un sifflement, en avait jailli. Elle avait mal, visiblement, et la surface en contact avec le feu avait commencé à cloquer, à se déformer. Jusqu’à ce qu’une autre vague de fange recouvre la flamme et l’étouffe. La parcelle de tourbe qui avait été contact avec le feu avait légèrement durci, mais cela ne représentait qu’une surface minuscule. Mettre le feu à l’ensemble de la nappe sombre qui recouvrait le pays entier relevait de l’impossible. L’ombre aurait réussi à étouffer chaque départ de flamme avant qu’elle n’ait le temps de se développer, même un peu.

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Josh eut un sursaut et se redressa d’un coup dans son lit. Hagard, il inspecta les recoins sombres pour vérifier que rien ni personne ne l’avait réveillé. Non, tout était calme, immobile et vide. Il n’aurait pas dû se laisser aller aux frontières de l’endormissement. Dehors, il ne pleuvait pas. Les « ploc, ploc » qui résonnaient à intervalles réguliers dans la pièce plombée de ténèbres n’étaient que le bruit provoqué par l’ombre, qui continuait à suinter du ciel, glissait sur les tuiles des tours du château et frappait contre les carreaux de la fenêtre fermée, barricadée, scellée de manière à ce qu’aucune goutte de poison malfaisant ne puisse s’insinuer dans le sanctuaire qu’était devenue sa chambre. Leur chambre.

Et ce n’était pas non plus le bruit des pas de Mia qu’il avait cru entendre. Mia n’était plus là, elle avait disparu depuis des jours déjà, après s’être rendue dans le monde créé par Moone. Le monde d’où venait toute cette matière sombre et froide qui avait recouvert l’ensemble de Doregon d’une couche gluante, indestructible et qui absorbait tout éclat de lumière ainsi que toute parcelle de chaleur.

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