Extraits

La Déesse m’avait donné un aperçu de l’affection inconditionnelle et éternelle que le véritable amour signifiait, et je préférais être maudite plutôt que de laisser les prêtres m’en priver. J’y avais goûté et j’avais besoin de le récupérer.

En tant que guerrière d’acier douée de magie, je savais que j’avais reçu une bénédiction, un talent inné pour combattre et manier les armes. Je possédais un extraordinaire pouvoir de guérison. Si je me posais de nombreuses questions sur ma propre magie – la magie d’une sorcière de sang –, elles allaient devoir attendre, car la Rouille Noire se répandait à une vitesse folle.

— Que veulent-ils ?

— Le pouvoir, dit Ada. Par-dessus tout, ils cherchent à contrôler la vie, à nous plier à leur volonté. L’équilibre naturel entre la lumière et l’ombre a déjà été perturbé. L’un ne peut exister sans l’autre, pas dans ce monde. Mais ce que les nécromanciens prévoient, c’est l’oblitération totale de tout ce qui est lumineux, de tout ce qui est naturel et bon. Les ténèbres s’étendront jusqu’à consumer toute la lumière. Jusqu’à ce qu’il ne reste rien de ce glorieux monde vert et bleu, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que de la cendre et du feu.

Je tombai par terre et son épée effleura le sommet de mon crâne, arrachant un morceau de ma capuche.

L’immonde bâtard. J’aimais cette cape. C’était Rose qui me l’avait offerte et je n’en avais pas d’autre.

Le sang affluait dans ma tête. Je ne pouvais absolument rien faire. Je ne pouvais pas lutter contre ces mains d’acier. Ma magie ne m’octroyait pas ce genre de force.

J’étais incapable de respirer. Je ne pouvais pas appeler au secours. Ma magie ne me sauverait pas.

— Tous les royaumes et toutes les villes de tout Arcania… tous cherchent à tuer… la sorcière qui manie l’épée. Tu ne seras plus jamais à l’abri. C’est toi qui sèmes la mort. Et ce n’est que par ta mort que les terres pourront guérir. Le Créateur s’en assurera. Il faut que tu meures pour que le monde puisse retrouver son éclat.

Il se mit à rire, d’un rire gras et malsain qui fit se dresser les poils sur mes bras.

— Pour que le monde soit sauvé… la sorcière doit mourir.

— Je ne suis peut-être pas capable de cracher du feu, mais je n’en suis pas moins une sorcière.

Une lumière brilla dans les yeux de Fawkes et un infime sourire apparut sur son visage, me donnant le courage de poursuivre.

— Et peu importe que vous soyez une sorcière, un humain, un cheval ou un satané moustique.

Je pris une inspiration mesurée.

— La Rouille Noire ne fera aucune différence. Elle viendra. Elle viendra et elle nous tuera tous. Sorcier ou pas, personne ne pourra y échapper, si nous ne restons pas ensemble pour lutter côte à côte.

Tous les sorciers et sorcières des Terres Enchantées sont-ils aussi habiles et aussi farouches que Fawkes ? Pourquoi se trouve-t-il dans cette partie du royaume ? Est-il lui aussi un paria ? A-t-il été banni par son propre peuple, comme Ada et les autres ? Pourquoi éprouve-t-il une telle aversion pour les humains si son propre peuple l’évite ?

— Malgré tout ce que tu as vu, dit-il, tu t’accroches toujours aux enseignements des prêtres.

— Pas des prêtres, mais du Créateur.

Fawkes éclata de rire.

— Vous autres, les humains, vous êtes tous les mêmes. Vous êtes des fous. Vous croyez des mensonges, parce que c’est plus facile que d’accepter la vérité.

Torak s’agitait nerveusement dans mon dos. Il était aussi terrifié que moi par la fumée. Je me demandais quelle mort était pire, brûlée ou dévorée.