Extraits

Des ténèbres insondables régnaient au sommet de la tour de Marcus. Un démon des crevasses y savourait le silence. Il battait l’air de ses ailes de chauve-souris de six mètres d’envergure, la gueule bavante. L’air était lourd des effluves doux-amers de sang qu’appréciait tant le démon. Venu des Neuf Enfers, le tueur haineux jubilait à la perspective de sa nouvelle mission. De toute sa morne existence, il ne se souvenait pas avoir eu meilleure occasion de s’amuser.

Dans les rues ravagées par la guerre, les habitants faisaient leurs dernières courses avant le crépuscule. Même si la succession des jours et des nuits était devenue artificielle dans la caverne oubliée des dieux, la pénombre pouvait signifier un nouvel affrontement. Les citadins observaient d’eux-mêmes le couvre-feu ; ils se risquaient rarement hors de leur logis la nuit venue.

Parmi les villageois se trouvait un gaillard de grande taille, aux cheveux blancs. Mais sa musculature était celle d’un jeune homme. Il venait de passer les troupes en revue, et d’inspecter l’armement et les défenses.

Loin du champ de bataille et du danger, le sorcier qui dirigeait l’armée ennemie observait l’assaut. Il jubilait – une réaction plutôt étrange, vu les pertes considérables que subissaient ses forces. Elles n’avaient pas encore réussi de percée notable. Mais les citoyens ne soupçonnaient pas que le pire était à venir. La ville entière avait été volée ; elle était tombée dans une immense grotte. Baine le Fléau serait heureux. Le sorcier gagnerait un pouvoir plus grand encore que tout ce qu’il aurait pu rêver.

La journée s’était annoncée ensoleillée et prodigue en fraîches senteurs. Mais le temps tourna vite à l’orage. À midi, le ciel bleu fut éclipsé par des nuages menaçants. Une cascade d’éclairs noirs s’abattit sur la ville à une cadence anormale.

Les citoyens de Phlan avaient vu pire. Hommes et bêtes coururent se mettre à l’abri.

— Cela ne va pas recommencer !

Ivre de rage, le dieu foudroyait les créatures qui rampaient devant lui.

Celles qui ne parvenaient pas à esquiver l’ire divine étaient catapultées à travers cieux sur les habitants de Féérune. Des marchands, des fermiers et des familles entières coururent se mettre à l’abri.