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— Que faites-vous ici ? Et depuis combien de temps m'espionnez-vous ?
Un petit sourire sans joie étira les lèvres de Darragh.
— Pas longtemps. À vrai dire, je viens juste d'arriver. Mais vous n'avez pas répondu à ma question.
— Parce que c'était une question ? Il m'a semblé que c'était plutôt une accusation.
Il fouilla la serre d'un œil inquisiteur.
— Où est-il ?
— Qui donc ?
— Vous le savez pertinemment : ce gringalet au bras duquel vous étiez pendue quand vous vous êtes éclipsée du bal. Il a eu peur et a pris la fuite ? Ou embrassait-il si mal que vous l'avez jeté dehors ?
Afficher en entierDurant les deux jours qui suivirent, Jeannette se comporta prudemment et évita de mettre le nez dehors, de crainte de rencontrer O'Brien. Son plongeon dans la mare lui avait manifestement déplu. Elle n'éprouvait cependant aucun remords car le souvenir de ce grand corps musclé couvert d'herbes gluantes l'enchantait. Elle regrettait seulement de n'avoir pas pu partager cette savoureuse anecdote avec Bertie et Wilda qui, malheureusement, n'auraient pas goûté le sel de la chose.
Elle s'était confortablement installée pour dessiner sur la banquette de fenêtre de l'une des chambres d'amis d'où elle avait une vue superbe sur le chantier en contrebas. Les ouvriers travaillaient de nouveau d'arrache-pied et avaient repris leur cadence habituelle, comme si l'épisode des outils disparus n'avait jamais eu lieu.
Depuis, elle était tous les jours tirée du sommeil à sept heures, et chaque matin, à son réveil, elle se rendait compte qu'elle venait de rêver d'O'Brien et de ses baisers.
Une vraie torture.
Malgré ses efforts, elle ne parvenait pas à contrôler ses songes, ces chimères amoureuses qui lui mettaient les nerfs à vif. N'importe quelle lady célibataire de sa classe aurait été mortifiée de s'éveiller entortillée dans ses draps, la fièvre au corps. Pourtant, secrètement, ses égarements nocturnes lui procuraient un indéniable plaisir. Mais succomber dans un rêve était une chose, le faire dans la réalité en était une autre.
Par la fenêtre, elle aperçut O'Brien. Il avait la démarche d'un tigre. Dans ses cheveux châtain foncé, des mèches plus claires brillaient au soleil comme des copeaux de cuivre.
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Doux Jésus ! Pourquoi n'y avait-il aucun divertissement dans ce trou perdu ?
Elle s'arrêta devant un grand massif de digitales roses et se plongea dans la contemplation des abeilles qui, de corolle en corolle, récoltaient le pollen. Une voix masculine la tira soudain de sa rêverie.
— Qu'est-ce qui vous fascine tant, jeune fille ?
Jeannette sursauta. Cette voix grave et mélodieuse lui fit l'effet d'une exquise caresse et un frisson la parcourut. Elle se retourna et découvrit Darragh O'Brien, vêtu d'un pantalon chamois, d'une chemise blanche immaculée et d'une veste marron. Jamais elle ne l'avait vu aussi bien habillé. Une mèche châtain foncé tombait sur son front.
Qu'il aille au diable ! Elle n'était pas obligée de lui répondre. Après tout, elle pouvait simplement le saluer et s'en aller. Elle n'était pas d'humeur à ce qu'il l'accompagne dans sa promenade, surtout si son chien traînait dans les parages.
Songeant au molosse, elle jeta un regard circulaire, craignant de voir l'animal surgir d'un bosquet et accourir au triple galop.
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