Extraits

Quand Dominique entra dans le Temple, une lumière vive brilla tout autour d’elle. C’était une belle lumière douce, comme elle, dorée avec une touche de rouge sur les côtés. Elle se retourna et le regarda d’un air émerveillé. Le sol frémit et quelque chose sortit du centre du Temple. Un long corps musclé s’enroula autour de Dominique. Un Dragon chinois. Ses écailles dorées brillaient, et son long visage aux yeux puissants regarda vers eux avant de relever la tête et de rugir.

Dominique leva les bras, le sourire aux lèvres. Le Dragon se pencha et colla son front au sien tandis qu’elle l’enlaçait.

Virdi regarda le sourire sur son visage et se sentit mourir. Ça devait être son partenaire. C’était logique... L’Empereur était un Dragon chinois, après tout. Et il était clair qu’elle aimait déjà ce Dragon. Peu importe ce qu’elle avait pensé, il n’était pas son partenaire. Tous les rêves et les fantasmes qu’il avait eus, en pensant à eux deux ensemble, disparurent et il s’effondra sur les marches.

« Salut, belle gosse », dit une voix derrière elle, la faisant sursauter. Dominique laissa échapper un soupir de dégoût et lança un regard noir à l’homme qui venait d’entrer dans son camping-car. Virdi Einskis. Il appartenait à l’un des clans de Dragons des alentours. Plus pâles que les autres Dragons originaires de la région, les similitudes entre le langage unique de leur clan et une langue islandaise laissaient supposer qu’ils étaient à l’origine des réfugiés européens ayant fui la Persécution des Dragons par les Vikings à la fin du huitième siècle. Beaucoup de Dragons prenaient ceci au mot et prétendaient être de sang royal. Certains s’étaient même donné un nom de dieu nordique. « Qu’est-ce que tu veux, Einskis ? » demanda sèchement Dominique. Elle n’avait pas la patience de se laisser distraire aujourd’hui. Elle fit semblant de ne pas remarquer qu’il était torse nu — et bien foutu. Vraiment, ça devrait être interdit d’avoir autant de muscles. La première fois qu’il était arrivé au campement, portant un jean déchiré et un pécari sur l’épaule, comme si de rien n’était, avec des biceps impressionnants, Dominique s’était presque évanouie. Elle devait encore faire des efforts pour ne pas baver devant lui chaque fois qu’il passait la voir. Dommage qu’il soit un tel con. « J’espérais pouvoir jeter un coup d’œil à cet œuf que vous avez trouvé, charmantes demoiselles... » dit-il. Ses yeux sombres croisèrent ceux de Dominique et elle détourna le regard. Regarder Virdi dans les yeux avait quelque chose de déconcertant. Il y avait toujours quelque chose d’enfoui sous la surface, quelque chose d’invisible qui menaçait de l’aspirer et de la retourner complètement. Elle l’avait vu travailler avec des étudiants pendant les fouilles — surtout avec des étudiantes. Quelle que soit la technique qu’il utilisait pour les attirer dans la forêt à la nuit tombée, elle n’allait pas se laisser avoir. « Je suis occupée, rétorqua Dominique. Va ennuyer quelqu’un... » « Hey, Dommy, dit une voix vive et joyeuse juste derrière Virdi. Oooh, je me disais bien que j’avais vu entrer notre Dragon harceleur attitré... » Dominique se pinça l’arête du nez. Génial. Pile ce dont elle avait besoin — l’arrivée de sa dragueuse de chef. Les cheveux d’un roux ardent de Claire étaient ramassés sur sa tête, et elle portait sa tenue habituelle, short en jean moulant et chemise d’homme nouée sur le devant, plus adaptée à une version pornographique de l’archéologie qu’à la réalité. Elle se colla immédiatement à Virdi et rit bêtement en serrant son biceps gonflé. « Tu as l’air chaud comme la braise aujourd’hui, roucoula-t-elle. Que puis-je faire pour le fils de la princesse Skaldi ? » Virdi tapota le nez de Claire et gloussa. « J’aimerais voir l’œuf que vous avez trouvé, mesdames. J’ai entendu dire que ça vaut le détour. » « Bien sûr ! C’est un œuf de Dragon après tout, et tu es un Dragon, dit Claire. Dominique ? Pourquoi ne viendrais-tu pas montrer notre trouvaille à notre invité ? » « J’attends la confirmation de la datation au carbone », protesta Dominique. Elle se leva et mit ses mains sur ses hanches. « En plus, il n’a fait que nous causer des problèmes depuis notre arrivée il y a trois ans. L’œuf est un objet précieux qui appartient à tous les Dragons de la région, et les membres du groupe de Skaldi ont déjà essayé de s’approprier des objets qui ne leur appartenaient clairement pas... » Claire l’interrompit avec ce sourire à la fois doux et affecté dont elle avait le secret. « Dominique, je t’en prie. Virdi ne va pas essayer de le voler, n’est-ce pas ? » Virdi mit un bras autour de sa taille et l’attira près de son corps sculpté. Dominique se renfrogna encore plus. Le Dragon ne répondit pas — il n’en avait d’ailleurs pas besoin, car Claire se mit à glousser, comme si elle n’attirait jamais l’attention d’un homme, et enroula une mèche de cheveux autour de ses doigts. Franchement. Cette fille avait des mecs qui flirtaient avec elle tout le tour du ventre, et elle se comportait quand même comme si chaque homme qu’elle voyait était le dernier au monde. « Et c’est moi qui finance cette fouille, ajouta-t-elle, en battant des cils en direction de Virdi. Tu vas le faire pour moi, Dominique, non ? » Et voilà. Dominique ouvrit brutalement le tiroir de son bureau et y prit les clés du coffre-fort où ils gardaient l’œuf. Face à Claire Perry « Je-finance-notre-fouille », elle devait agir de façon stratégique. Ce n’était pas comme si Virdi allait essayer de voler l’œuf. Il avait toujours envie de voir les nouvelles choses qu’ils trouvaient, et, même s’il causait des problèmes, c’était plus ennuyeux que vraiment grave. C’était juste que Dominique ne l’aimait pas. Il se comportait comme si le monde lui appartenait. Quand elle passa près de lui, elle fit passer sa longue tresse noire et brillante par-dessus son épaule, et le fouetta en plein visage. Elle n’eut droit qu’à un rire amusé en guise de réponse. Elle mena Virdi et Claire jusqu’au camping-car d’Esther. Sa collègue était penchée sur une statue qu’ils avaient déterrée un mètre au-dessus du coffret brûlé qui contenait l’œuf. Ses cheveux brun foncé étaient collés à sa peau, et quand Dominique entra, Esther remonta ses lunettes sur son nez. « Dom ! Qu’est-ce qu’il y a ? » Dominique montra Claire et Virdi qui entraient derrière elle. A quatre dans ce camping-car, ils étaient plus que serrés, et Dominique se retrouva écrasée contre le flanc de Virdi quand il s’avança pour expliquer ce qu’il voulait. Elle se recula le plus loin possible de lui, ne prêtant aucune attention à ses joues qui commençaient à s’enflammer. Ils étaient dans la jungle : il était tout à fait normal d’avoir un peu trop chaud. « L’œuf, hein ? » Esther regardait Virdi en gloussant à peine moins que Claire. Mais sérieusement. Dominique leva les yeux au ciel. Elle ressentit une douleur dans le ventre quand Virdi s’approcha pour mettre sa main sur l’épaule d’Esther. Il était sans cesse en train de flirter avec toutes les filles sur le chantier. Ou du moins, avec toutes les jolies filles. Apparemment, elle n’avait pas la taille assez fine pour qu’il perde son temps avec elle. Non pas qu’elle en ait quelque chose à faire. Elle ne l’appréciait même pas.