Extraits

(Bas) - Elle a raison.

(Serra) - Evidemment que j'ai raison. (Elle recula, le menton relevé.) Je suis une femme.

- Cours.

L'homme s'exécuta. Et à une vitesse qui aurait pu lui valoir une place dans l'équipe olympique de relais s'il n'avait pas été un couillon pathétique.

Un coup d’œil dans la salle de sport ferait fuir d’humiliation la plupart des humains.

Quel homme normal souhaiterait faire des haltères à côté d’une dizaine de Sentinelles ?

Non seulement ces guerriers représentaient plus d’un mètre quatre-vingts de purs muscles ciselés et d’attitude à la gros dur, mais l’air même puait l’agressivité et la compétition alimentée à la testostérone.

Pas vraiment un endroit pour le sportif du dimanche qui tentait de lutter contre sa bedaine.

En revanche, c’était le lieu parfait pour que les Sentinelles se défoulent un peu.

Le vaste centre de fitness était rempli de tapis, de punching-balls et de tapis de course. Et dans le fond de la salle était disposée une rangée d’appareils de musculation où le plus gros des gros durs était en ce moment même en train de soulever des haltères qui écraseraient un mortel.

Fane semblait avoir été sculpté dans la pierre. Béhémoth d’un mètre quatre-vingt-dix, il était fort comme un bœuf et rapide comme un guépard. Le résultat des aptitudes naturelles que possédaient les Sentinelles de naissance, et du fait qu’il avait été façonné dès l’enfance pour devenir une arme.

Il était aussi couvert du sommet de son crâne rasé à la pointe de ses orteils de tatouages élaborés qui le protégeaient de toute magie.

Les moines qui l’avaient accueilli enfant lui avaient enseigné tous les arts martiaux connus, ainsi que l’usage des armes les plus sophistiquées.

Il était la mort ambulante.

Ce qui signifiait que rares étaient ceux à remarquer les yeux sombres qui recélaient une intelligence affûtée ou les traits à la beauté sauvage sous ses élégants tatouages.

Ce qui ne dérangeait guère Fane. Au cours de la dernière décennie, il avait été le gardien de Callie Brown. Tout ce que les gens avaient besoin de savoir à son sujet était qu’il les tuerait à la seconde où ils menaceraient la jeune devineresse.

- Tu n’en as rien à foutre d’Anna, dit-il Qu’espères-tu obtenir ?

Elle hésita, comme si elle envisageait de mentir. Puis, haussant les épaules, elle lui avoua la vérité brutale.

- Le chaos. La guerre. La destruction.

Même en s’étant attendu à cette réponse, Bas fut choqué.

- Pourquoi ?

Elle s’avança vers lui, un sourire féroce sur son visage ravagé.

- Parce que j’ai découvert que je n’aime pas particulièrement ce monde, dit-elle entre ses dents. J’ai été abandonnée par les miens et brûle par des norms. Vous méritez tous de souffrir.

- Ça n’a pas d’importance puisque tu n’as pas la moindre chance au monde de jamais te débarrasser de moi.

Une explosion de chaleur la traversa. Elle voulait le mettre sur le compte du maudit talent de Fane pour réchauffer l’’air de ses émotions. Ou de la ménopause.

Elle refusait de se dire qu’elle était le genre de femmes à être sensible à une approche du style « homme des cavernes ».

C’était juste… pathétique.

- Tu devrais essayer de formuler ça plus comme une promesse que comme une menace, l’informa-t-elle avec un petit reniflement.

- Serait-ce mieux pour toi si je te repoussais pour que tu n’aies pas à éprouver la douleur de savoir que je suis en danger ?

Il grogna quand elle lui renvoya son raisonnement à la figure, et, à la seule pensée de se voir refuser le droit de protéger cette femme, son sang se figea dans ses veines.

Oh bon Dieu, non !

Peu importait la peur, la souffrance ou même le chagrin qu’il était obligé d’endurer rien ne pouvait être pire que de ne pas avoir une place dans sa vie.

- Arrête, grommela-t-il.

- Alors ne me repousse pas.

- J’essaie, milaya moya, mais je suis un homme. Il me faut du temps pour reconnaître que je puisse avoir tort.

Bas marcha vers son bureau, et son regard s’attarda sur la liasse de clients potentiels. Il avait consacré plus de cent ans à établir un réseau d’influence fondé sur l’argent, l’intimidation et le chantage. Il avait pensé que ça le rendait fort. Trop tard, il avait pris conscience qu’il avait au contraire crée un volcan endormi destiné à lui exploser au visage.

- Tôt ou tard l’un d’eux ne pouvait que chercher à se venger reprit-il. Je n’ai simplement jamais envisagé que Molly paierait le prix de mes péchés.

- Depuis quand crois-tu au karma ? demanda Kaede.

- Depuis que je me le suis pris en pleine figure.

- Pourquoi dresses-tu un mur entre nous ? demanda-t-il.

Elle releva le menton.

- Ce n’est pas moi qui l’ai dressé.

- Alors c’est ma punition ?

Son regard accusateur lui brûla la peau, mais elle résista à l’impulsion de se détourner. Elle avait cédé à la tentation. Non, elle n’avait pas cédé. Elle avait sauté la tête la première dans la tentation puis s’y était vautrée. Mais ça ne signifiait pas qu’elle avait totalement sombré dans la folie.

Pas quand elle portait encore les blessures que lui avait infligées son amour pour lui.

- C’est une question de survie.

Bas sentit un frisson lui descendre dans le dos. Il n’était peut-être pas un héros. Bon Dieu ! Il était même probablement un méchant. Mais la pensée des quatre jeunes sorcières qui se faisaient massacrer le rendit malade.

Sans parler du fait que les pouvoirs d’Anna se répondaient peut-être en ce moment même à travers le pays…

De quoi lui faire regretter que cette salope diabolique n’ait pas péri sur le bûcher.

- Tu dois me faire confiance, Serra, murmura-t-il. Je ne te ferai jamais de mal.

Elle ferma les yeux. Comment pouvait-il dire ça ? Il l’avait déjà blessée maintes et maintes fois.

[…]

- Je te fais confiance pour savoir ce que tu fais au lit.

- C’est un début.