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Vue de près, la taverne avait plus mauvaise apparence encore que de loin. La faible lueur, passant à travers le papier huilé des fenêtres, révélait des murailles croulantes, perdant leur plâtras en larges écailles blafardes, comme sous la poussée d’un mal intérieur. Mais Ballantine avait soif et il en eut fallu bien davantage pour le faire reculer.
Afficher en entier— En admettant qu’on en trouve une, dit Bob, crois-tu que tu pourrais y déguster un scotch ? Tout juste du mauvais choum-choum dont un Tibétain ne voudrait même pas.
Dans la pénombre, Bill haussa ses lourdes épaules, pour maugréer :
— Choum-choum ou non, j’ai l’estomac aussi sec qu’une clavicule de dinosaure. Si je ne l’arrose pas, il va craquer comme une peau de tambour mal huilée.
Tout en parlant ainsi, les deux amis avaient continué à avancer. D’une impasse, sur leur droite, leur parvinrent les accords insolites d’une musique chinoise jouée sans doute sur quelque instrument à cordes, et auxquels se mêlaient des éclats de voix.
Afficher en entierCette quête, infructueuse ce jour-là, les avait menés fort loin, et la nuit les avait surpris, du côté de la Porte du Requin, dans cet infâme quartier qui semblait sorti d’un moyen âge asiatique, avec ses rues tortueuses, riches en relents, dont certaines débouchaient soudain sur des bassins où s’agglutinaient les cités aquatiques des sampans aux coques pourries, ses impasses où, à tout instant, on pouvait s’attendre à être acculé par des bandits prêts à tuer pour quelques pièces de monnaie. Quartier de honteux trafics, de mesquines filouteries, de misères cachées où, une fois le soir tombé, toutes les portes se ferment, où les humains se changent en ombres, les ombres en fantômes.
Afficher en entierLe géant parut peiné de cette remarque.
— Là, commandant, fit-il, vous avez tort de dire du mal des buveurs de whisky, surtout s’ils sont Écossais, comme moi. Quand un Écossais vide un verre de whisky, c’est un peu comme si un Français entonnait la Marseillaise.
— Je connais cette excuse, Bill. Depuis le temps que tu me la sers. Et puis, cesse de m’appeler « commandant ». Depuis que je me suis rendu à la vie civile et que j’ai dit adieu à l’Armée de l’Air, je ne commande plus rien du tout. Compris ?
— Compris… commandant…
Afficher en entier— Que le cric me croque, commandant, si nous ne sortons pas de ce maudit quartier avec au moins chacun trois poignards entre les épaules. Parfois, il m’arrive de me tâter et de m’étonner d’être encore entier.
Ces paroles, prononcées par un géant roux, à la carrure de gorille, s’adressaient à un grand gaillard bien découplé, à l’allure décidée et dont le visage, dur et énergique, était surmonté par des cheveux noirs et drus. Ce second personnage se mit à rire.
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