Extraits

"C'est dans les moments de faiblesse que tu trouveras ta plus grande force"

Et souvent, depuis quelque temps, c’est Anna qu’elle choisissait pour les solos. Il était tellement plus facile de chanter que de lire, pensait Anna. Quand elle chantait, il lui suffisait de fermer les yeux, d’ouvrir la bouche, et un son qui semblait plaire à tout le monde en sortait.

Parfois, elle rêvait de chanter devant l’assemblée dans une grande église de Christiania. Quand elle chantait, c’était le seul moment où elle avait l’impression d’être bonne à quelque chose. Mais en réalité – comme sa mère le lui rappelait toujours –, à part chanter pour ramener les vaches ou, un jour, pour bercer ses enfants, son talent n’avait pas grande utilité. Toutes les filles du chœur de son âge étaient à présent fiancées, mariées, ou accablées par les conséquences de ce qui arrivait une fois qu’elles l’étaient. À savoir qu’elles se sentaient très mal, grossissaient, tout ça pour produire un bébé rouge et brailleur qui les empêchait ensuite de chanter.

Le taxi ralentit en arrivant sur le port, un endroit ravissant. Il était entouré de bâtiments à la façade en bois, peints en blanc, bordeaux, ocre ou jaune, et au toit caractéristique en forme de V, recouvert de tuiles rouges. Toutes les couleurs devinrent soudain floues à mes yeux, picotés par les larmes.

— Non, mais... À part le fait de pouvoir me manger tout cru, es-tu certaine de vouloir m'épouser ?

— Pardonne-moi, Pip, fit Karine en lui souriant.

Mon besoin de résoudre le côté pratique de la situation a pris le pas sur la dimension romantique de notre conversation. Évidemment que je veux t'épouser ! Et je ferai le nécessaire pour faire de ce désir une réalité.

Jens examina son reflet comme il le faisait chaque matin pour s'assurer qu'aucun cheveu blanc n'était venu ternir sa crinière de boucles d'acajou. À seulement vingt ans, il savait qu'il ne devrait normalement pas trop s'en soucier, mais étant donné que les cheveux de son père étaient devenus tout gris du jour au lendemain quand il n'avait que vingt-cinq ans – sans doute à cause du choc d'avoir épousé sa mère la même année –, Jens se levait chaque jour avec appréhension.

Bien qu'Anna s'habitue au langage élaboré de son mentor, elle se demandait ce qu'il entendait par "pleinement formée". Allait-il lui pousser une troisième main ? Voilà qui l'aiderait certainement pour ses leçons de piano. Ou peut-être des orteils en plus, ce qui améliorerait sa mauvaise posture.

— Anna... sais-tu pourquoi je suis là ? commença Lars.

— Parce que... tu es toujours là ?

Tandis qu'Anna essayait d'absorber les paroles de Herr Bayer, elle se rendit compte qu'elle avait la bouche ouverte de stupéfaction et s'empressa de la refermer. Elle ne souhaitait pas qu'un citadin sophistiqué comme lui la prenne pour une paysanne simple d'esprit.

— Rien de nouveau là-dedans, soupira Rob.

— Ouais, où est le scoop ? fit Guy.

Stupéfaits, nous dévisageâmes nos coéquipiers.

— Vous étiez au courant ? demanda Theo.

— Désolé, skipper, mais nous avons vécu collés serrés ces derniers jours et, comme personne d'autre n'a encore eu ni le plaisir de caresser le dos d'Al sans se prendre son poing dans la figure, ni celui de recevoir un câlin de bonne nuit, ça n'a pas été très difficile à comprendre, déclara Rob. Ca fait une éternité qu'on est au courant. Désolé !

Puis, ne réussissant toujours pas à dormir, je me souvins de mon père me disant que l'énervement que ressentaient les gens face aux observations personnelles naissait en général parce qu'il y avait un fond de vérité. Et alors que les heures s'égrenaient, je dus concéder que Theo avait sans doute raison. Je n'étais pas "moi-même".