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La Mère Corneille. L’une des reines élémentaires, qui régnait sur ces bois sombres, et au sujet de laquelle, durant toutes ces années, je n’avais entendu que de vagues rumeurs. La Mère Corneille, connue pour son astuce, ses supercheries et sa jalousie violente envers les possessions de la Mère Lune.

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Un tourbillon d’images envahit brusquement mon esprit. Horrifiée, je tentai de les repousser…

Du sang. La douleur et la perte. La soif, la passion. Et un feu argenté dominant le tout. L’appétit de la Chasse, le besoin de détruire, d’apporter le renouveau…

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Le cycle de la Mère Lune, qui renaît de ses cendres, puis mûrit peu à peu, de plus en plus radieuse, jusqu’à ce que, de nouveau, l’obscurité l’engouffre, la détruise et la laisse, toute fripée, sous sa forme de vieille femme, mener la meute vers les profondeurs, pour s’y reposer et revenir à la vie…

Jeune fille, mère, vieille femme, en un cycle infini. Le sien, le mien, celui de la licorne noire…

J’étais figée, terrifiée par ce que le destin avait prévu pour moi. La Bête me poussa gentiment du museau. Je plongeai mon regard dans ses yeux de flammes et frissonnai.

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Soudain, un cri tomba du ciel. La Mère Lune traversait le firmament, suivie d’une légion d’ours et de panthères, de rennes, de renards, d’aigles, de sorcières de la lune, de prêtresses et de guerriers depuis longtemps éteints. Elle était magnifique dans sa tenue de chasse, toute de noir et d’argent, et son visage n’était plus que lumière. Elle tenait entre ses mains l’arc et les flèches de la Chasse. Le groupe s’immobilisa au-dessus de nos têtes.

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La créature se tourna, me présentant son arrière-train.

Oh, meeerde ! Une moufette !

À l’instant même où son nom me revint, la créature visa, tortilla des fesses, et m’envoya un large jet de liquide. Je bondis en arrière avec un miaulement rauque. Trop tard. Ma fourrure était tout imprégnée du nauséabond. Heureusement, la moufette avait raté mes yeux. Sans lui laisser l’occasion de retenter sa chance, je me précipitai vers la maison, la queue entre les jambes.

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J’enfilai mon pyjama Hello Kitty sans cesser de réfléchir à la question, puis j’allumai la télé et m’offris une heure ou deux d’émissions nocturnes et de grignotages. Moi qui craignais de me sentir seule, dans mon grand lit vide et froid, je me trouvai à l’aise, en sécurité, et heureuse, pour une fois, de rester seule avec mes pensées.

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Elle me sourit et me tendit les mains. Et, brusquement, je compris.

— Arial ? Oh, grande Bastet ! Arial ! m’écriai-je. (Prise de sanglots, je me jetai dans ses bras et m’agrippai à elle de toutes mes forces.) Je n’arrive pas à le croire ! C’est vraiment toi ?

— Oui, c’est moi, murmura-t-elle d’une voix qui ressemblait tant à la mienne ! J’habite là, quand je ne rôde pas dans l’astral pour garder un oeil sur toi. Le seigneur de l’automne m’a recueillie après ma mort et j’ai grandi là, par l’esprit sinon par le corps.

— Mais pourquoi n’es-tu pas avec nos ancêtres, dans le royaume des chutes argentées ? (Je parvins, péniblement, à m’imposer de reculer un peu et lui posai les mains sur les épaules.) Pourquoi n’es-tu pas avec notre mère ?

— Les réponses devront attendre. C’est une longue histoire qui également ton propre destin. Pour l’instant, réjouis-toi simplement de nous voir à nouveau réunies. Nous parlerons quand tu viendras nous rendre visite. À l’extérieur de ces murs, je peux uniquement me matérialiser sous ma forme de léopard.

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J’ignore combien de temps je restai là, à l’embrasser, à me blottir contre lui en écoutant son coeur battre aussi fort que le mien. Mais, après ce qui me parut une éternité, il glissa les mains sous mon tee-shirt et caressa ma peau. Je reconnus son toucher. Il m’avait déjà embrassée, sous sa forme d’ombre, et j’en voulais plus. Je sus à cet instant, au plus profond de mon coeur, qu’il pourrait me donner ce que je n’obtiendrais jamais de Hi’ran.

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L'assurance que j'éprouvais encore un instant auparavant parut s'évaporer au contact de son énergie. Elle ressemblait beaucoup à celle du Seigneur de l'automne. Cette femme était imprégnée de l'essence de mon maître; toutefois, elle ne portait pas la saison en elle. Non, elle s'apparentait plutôt à... la chasseresse. Au chien qui poursuit le renard, au tigre qui traque la gazelle - ou le chat la souris.

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