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Liste des extraits

Rafe eut un geste dégoût tandis que Neil croisait les bras et demandait:

- Où irez-vous le premier soir?

- À l’opéra.

- Oh, misère!

- Voir quoi? s’enquit Rage.

Ses deux compagnons lui jetèrent un regard ahuri.

- Quoi? se défendit-il. J’aime l’opéra.

- Tu aimes les chanteuses d’opéra, rectifia Neil, ce n’est pas pareil.

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Comme d’habitude, Ewan avait du mal à trouver ses mots.

— Je ne sais pas si je l’aime… Quel effet cela fait-il ?

— Comment veux-tu que je le sache, répliqua Neil, l’air horrifié.

Jasper se leva avec un soupir.

— Vous êtes aussi idiots l’un que l’autre. Ce n’est quand même pas si compliqué.

— Parce que tu sais toi ?

— Oh, n’aie pas l’air si surpris ! J’ai lu des romans et je connais les symptômes.

— Les symptômes de l’amour ? ricana Neil.

Ewan le fusilla du regard. Il avait hâte de connaître ces fameux symptômes.

— Quand on est amoureux, on a mal au ventre.

— Non, ça c’est la dysenterie.

— Ferme-la, Neil, aboya Ewan. Et quoi d’autre, Jasper ?

Ewan n’avait pas mal au ventre. Il avait faim, ça oui. Mais c’était habituel.

— Le cœur bat plus vite à la vue de la dame. Et quand elle n’est pas là, on pense à elle tout le temps.

— Quelle misère ! gémit Neil.

— Et on a envie de coucher avec elle. Follement.

— Ah, je retire ce que j’ai dit ! déclara Neil. Finalement, j’ai été très souvent amoureux.

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Lady Lorraine était à peine moins exaspérante, et Ewan ne pouvait pas lui briser la nuque ou la balancer du haut d'une muraille. En revanche, il aurait volontiers fait subir ce sort à celui qui la faisait danser en cet instant, un gringalet imberbe qui ne devait pas peser plus lourd que le bras gauche d'Ewan. Sans doute un fils de vicomte, de pacha ou de Dieu sait quelle sommité, du genre romantique mis à la mode par Byron : cheveux bruns bouclés, visage émacié qui donnait envie de le nourrir de force, et regard mélancolique qui rappelait à Ewan le carlin de sa mère.

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Seigneur, il était prêt à l'embrasser juste pour la faire taire !

- Très bien, lâcha-t-il.

Il ébaucha un mouvement vers la porte. Elle se précipita à sa suite.

- Très bien ? Cela veut dire oui ?

- Oui.

- Oui, vous acceptez que je vous apprenne à lire, ou oui à autre chose ? J'avoue que je ne me rappelle pas tout ce que j'ai…

Ewan lui plaqua la main sur la bouche.

- Oui, j'accepte que vous m'appreniez à lire.

Elle marmotta sous ses doigts.

- Oui, demain soir, dit-il. Après… quelle que soit la réception à laquelle vous assisterez.

Elle marmonna encore et Ewan, qui avait bâillonné plus d'un ennemi, la comprit sans difficulté.

- D'accord, mais une heure après que tout le monde sera couché.

Autre marmonnement. Il soupira.

- Si vous voulez.

Qu'elle amène son maudit cabot. Il apprendrait à lire bien avant lui !

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Les symptômes de l’amour ? ricana Neil.

Ewan le fusilla du regard. Il avait hâte de connaître ces fameux symptômes.

— Quand on est amoureux, on a mal au ventre.

— Non, ça c’est la dysenterie.

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— Vous êtes venu voir mon père ? Le Viking leva les yeux sur la façade, puis considéra Lorraine d’un air dubitatif, comme s’il peinait à croire qu’elle puisse être la fille d’un duc.

— Le duc. Mon père. Vous êtes venu lui raconter ce qui s’est passé hier ? Ce n’est pas possible, vous savez. Il arqua un sourcil. Un seul.

— Enfin, si, c’est possible. Je veux dire, je ne peux pas vous en empêcher. Vous êtes bien trop costaud. Un euphémisme. Elle n’était pas particulièrement petite, mais cet homme la dépassait d’une bonne tête. Il mesurait au moins un mètre quatre-vingt-dix. Il avait les cheveux très blonds, coupés court – ce qui n’était pas du tout à la mode –, et des yeux bleus très pâles. Son visage était aussi saisissant que sa stature. Ses traits semblaient taillés à la serpe : pommettes saillantes, mâchoire anguleuse. Et ses vêtements, par ailleurs de qualité, paraissaient presque étriqués sur son corps athlétique. Il ne portait ni cravate ni chapeau, ce qui était plutôt bizarre chez un homme qu’on devinait de bonne naissance.

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Il était capable de déchiffrer quelques titres. Si certaines lettres restaient bien en place, d’autres s’éparpillaient, s’interchangeaient. Les mots n’étaient pas censés danser ainsi. Ses frères et ses cousins avaient cru qu’il plaisantait quand il leur avait dit que les mots et les lettres bougeaient lorsqu’il essayait de lire. Ewan n’en avait plus jamais reparlé, mais l’écho de leurs rires résonnait encore dans sa mémoire. Quelque chose clochait dans son cerveau. Il s’en était rendu compte ce jour-là, alors qu’il n’avait guère plus de cinq ou six ans. Il s’en doutait déjà, parce qu’il avait eu beaucoup de mal à apprendre l’alphabet et les comptines. Mais ce jour-là, il avait eu la certitude qu’il était différent des autres. Il avait compris qu’il était stupide. Un idiot. Un benêt. Par la suite, il s’était senti bête à de nombreuses reprises. Son précepteur semblait prendre un malin plaisir à le faire lire à voix haute, ce qui était une corvée pour lui autant que pour les autres. Son cousin Francis, qui était le plus proche de lui en âge, ricanait dans son dos et le tournait en dérision chaque fois qu’il disait loin pour lion ou cascapade pour escapade.

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— Je vais tout dire à mon père ! s’écria-t-elle. Lui lançant un coup d’œil par-dessus son épaule, il répliqua :

— Trop tard. Vous êtes à moi.

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Pour l’heure, Ewan ne connaissait pas encore bien lady Lorraine. À première vue, elle avait le don de chercher les ennuis, et elle était têtue et capricieuse, comme nombre de filles de duc, ou de comte. Mais elle détestait l’opéra. Elle ne pouvait donc être totalement mauvaise. Et elle était si jolie que cela le mettait dans tous ses états. D’ordinaire, les femmes ne le mettaient pas dans tous ses états. Elles avaient plutôt tendance à l’agacer avec leurs minauderies et leurs bavardages. Or il n’avait ressenti aucun agacement quand il l’avait soulevée dans ses bras pour l’emporter loin des deux ivrognes. Il avait aimé tenir contre lui son corps doux, tiède et parfumé. Et lorsqu’il avait baissé les yeux sur son visage pâle, il avait eu envie de l’embrasser jusqu’à la faire rougir. Cela la rendait dangereuse. On avait beau le considérer comme un idiot, il n’était pas stupide. Il savait qu’il n’avait pas le droit de l’embrasser. Elle était intouchable. Il devait la protéger, rien de plus ; et, dorénavant, éviter à tout prix de la regarder plus que nécessaire.

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Elle fit un petit signe de la main au Viking. Il fronça les sourcils, puis pivota légèrement et hocha la tête, comme s'il acquiesçait à quelque chose que venait de lui dire le duc. Lorsque son regard revint vers Lorraine, elle posa l'index sur ses lèvres.

Il ne réagit pas. Agacée, elle se mit à sautiller pour capter son attention, mais son père fit face à la fenêtre juste à ce moment-là. Elle se baissa si vivement qu'elle perdit l'équilibre et se retrouva assise sur les fesses dans le massif.

Elle se releva, les bras écorchés, des feuilles dans les cheveux et la robe déchirée. À ce stade, elle se moquait un peu que le Viking la trahisse ou pas. Elle époussetait sa robe quand, levant les yeux, elle surprit le regard alarmé du Viking. Elle agita la main pour lui faire comprendre qu'elle n'avait rien. Il affichait une expression incroyablement sérieuse. Cet homme ne souriait donc jamais ?

Elle lui envoya un baiser du bout des doigts – et tant pis si elle avait une allure épouvantable – avant de s'éloigner. Hélas elle avait oublié le massif et trébucha sur une racine de manière fort inélégante.

Rouge de honte, elle fila sans un regard en arrière.

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