Extraits

Sois heureuse ! Détache-toi des horreurs que tu as vécues ! Affranchis-toi des pensées et des actes que l'on t'a injustement imposés. Ce n'est pas de ta faute ! Alors il est temps de vivre ! Maintenant ! Pas plus tard, pas demain, ni dans un an. N'attends pas ! Honore la vie et aime-la. Tu es capable de faire de grandes choses, Joanne. Tu est apte à changer le monde et à combattre les pires violences et injustices. J'ai confiance en toi.

Garde l'espoir d'être aimée par des gens qui savent aimer et qui en valent la peine. 

Reste humble, reste digne, reste fidèle à tes valeurs.

Crois-moi, la vie peut être belle.

Ce n'est pas un suicide lâche, comme certains le penseront, ma chère filleule. C'est un acte de courage.

La jeune femme accorda un regard radieux à son grand frère, avant de sourire timidement à Damien. Elle avait l’impression d’avoir à nouveau quinze ans, émoustillée par quelques minutes dans les bras du garçon qu’elle aimait. Elle but une gorgée de son troisième mojito et renversa sa tête en arrière. Était-ce donc cela d’aimer ? Cela faisait-il tant de bien ? Elle avait oublié ce que c’était. Ou n’avait-elle jamais aimé réellement ? Ou alors, était-ce l’alcool ?

Le procédé n’était pas vieux. Certains l’appelaient « le suicide assisté », « un assassinat » ou l’ « autodélivrance », d’autres « l’euthanasie ». Peu importait le nom, le résultat était le même : une mort douce et sans souffrance, décidée et consentie par la personne. Sa mère, Flavia, lui avait d’abord expliqué comment ça se passerait : ils iraient en Suisse dans un petit chalet qui appartenait à l’association à qui elle avait confié le soin de la laisser partir sans souffrance et en toute dignité, le jour dont elle aurait convenu au préalable.

Elle se souvenait que, petite, Lucas avait tiré une grande rallonge électrique à travers le jardin pour aller brancher son gros ampli de guitare sous le saule pleureur où elle faisait de la balançoire. Il avait commencé à faire résonner l’instrument et le son avait tellement plu à la petite fille qu’elle lui avait immédiatement demandé de lui apprendre à jouer de la guitare électrique. Chose à laquelle ils s’étaient attelés avec le sérieux d’un enfant qui joue, durant toutes les vacances d’été. Joanne arriva, à terme, à apprendre quelques accords et mélodies.

Joanne entra dans une pièce où elle n’avait pas encore mis les pieds depuis son arrivée. C’était comme si elle avait fui ce coin de la maison, comme si le fait que ce soit l’endroit où le corps sans vie de son parrain avait été retrouvé faisait qu’il était habité par la mort et devait rester fermé à jamais tel un caveau, un sépulcre.