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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-18T20:07:57+02:00

** Extrait offert par Louise Fuller **

1.

Margot Duvernay leva pour la première fois les yeux de son ordinateur portable. Le train d’atterrissage de son jet privé venait de toucher le tarmac. Pensive, elle regarda par le hublot et ses doigts caressèrent le bracelet « équipe de la mariée » qui ornait son bras.

Elle songeait aux cinq dernières années, particulièrement difficiles sur les plans émotionnel et financier, à tel point que cette semaine où Gisèle enterrait sa vie de jeune fille à Monte-Carlo était la première pause qu’elle s’autorisait depuis des mois. Présidente directrice-générale de la célèbre Maison Duvernay, qui vendait du champagne depuis des générations, elle travaillait dur.

Un message inattendu de son père avait abruptement mis fin à son séjour.

Elle quitta le jet, rejoignit d’un pas décidé la limousine qui l’attendait sur le tarmac et sortit son téléphone. Elle écouta une seconde fois le message d’Émile, fronçant les sourcils à cause des rires féminins sur fond de bossa-nova qu’elle entendait à l’arrière-plan. Si seulement elle l’avait écouté plus tôt, se dit-elle, amère et soucieuse. On ne pouvait vraiment pas compter sur Émile, il était si peu raisonnable !

Mais le côté positif était qu’il mentionnait effectivement la vente de ses parts et c’était bien la première fois.

Elle s’adossa confortablement à la banquette de cuir. Le magnifique domaine au cœur du légendaire vignoble d’Épernay, siège de la maison familiale depuis deux cent cinquante ans, venait d’apparaître. Elle en admira les lignes pures. Chaque fois qu’elle voyait la superbe bâtisse, à laquelle une toiture à la Mansart conférait une élégance toute royale, elle éprouvait un sentiment de fierté, mais aussi de responsabilité. Elle adorait cette maison, la symétrie de sa façade, son intérieur frais et tranquille, ainsi que le sens de l’histoire qui se dégageait de la pièce principale, toute lambrissée de bois, où se tenaient les réunions du conseil d’administration. Pour elle, le bâtiment était plus qu’un simple assemblage de pierres, de briques et de plâtre, c’était un héritage — et surtout un fardeau.

Tout comme sa position de P-DG…

Margot exhala un lent soupir.

En grandissant, elle n’avait jamais imaginé être un jour en charge de la Maison Duvernay. D’ailleurs, elle n’en avait jamais voulu ni le pouvoir ni la responsabilité. Par nature, elle détestait être au premier plan ; une fois ses examens en poche, elle avait été ravie de rejoindre, au sein de la société, le département nouvellement créé qui s’occupait d’écologie.

Cependant, la mort tragique de son frère aîné, Yves, sur les pentes de ski de Verbier ne lui avait pas laissé le choix : il lui fallait reprendre les affaires familiales. Bien sûr, Émile aurait aimé jouir du statut que conférait la gestion d’une grande maison de champagne. Mais n’aurait-il pas été boudé par sa belle-famille qu’il aurait préféré, comme toujours, cultiver son bronzage plutôt qu’analyser les marchés financiers. L’autre frère de Margot, Louis, n’avait que seize ans à l’époque et il était bien trop jeune pour prendre la tête d’une telle entreprise. Quant à leur grand-père, il était au contraire trop âgé, et ravagé par le chagrin. Il lui avait déjà été dur de gérer l’overdose accidentelle qui avait emporté sa fille, mais le choc de perdre aussi son petit-fils lui avait causé une série d’attaques dont il ne s’était toujours pas remis.

Donc Margot avait dû faire ce qu’elle avait toujours fait : recoller les morceaux. C’était la raison de son retour précipité à Épernay, ce matin-là.

* * *

Dès qu’elle eut pénétré dans le couloir brillamment éclairé par de grandes fenêtres, la rassurante familiarité des lieux la calma un peu. Mais, comme elle s’avançait vers l’ascenseur, son téléphone se mit à vibrer. Un coup d’œil à l’écran la renseigna : c’était son père. Enfin, grâce au ciel ! Elle décrocha, le souffle un peu court, le cœur serré par un mélange d’espoir et de soulagement.

— Émile, j’allais te rappeler…

— Vraiment ? Je croyais que tu faisais la tête.

Serrant les dents, Margot réprima son irritation. Son père dépassait les limites. Il était vraiment sans considération pour elle. Comme il ne répondait pas aux messages dont elle avait saturé son téléphone, elle avait commencé à paniquer : et s’il avait changé d’avis ? En fait, il s’était fait désirer, un simple petit jeu pour lui.

À présent qu’elle entendait l’enthousiasme dans sa voix, elle reprenait courage. Les jeux stupides auxquels il se livrait n’avaient plus d’importance ; ce qui comptait, c’était qu’il soit enfin prêt à vendre ses parts de la société.

Le pouls de Margot se mit à battre plus vite. Il n’aurait pu mieux choisir son moment. Non seulement cela signifiait que le domaine serait à nouveau entre les mains des Duvernay, à temps pour le mariage de son frère Louis, mais cela donnerait à son grand-père de quoi se réjouir — une première depuis bien longtemps. Après sa dernière attaque, il n’était plus lui-même, mais la bonne nouvelle serait pour lui le tonique idéal. Car ce mariage était plus qu’une simple cérémonie romantique, c’était la continuation du nom de la famille et un futur assuré pour la Maison Duvernay.

Margot inspira à fond. Pouvoir racheter les parts de son père enverrait en outre un signal positif à la banque. Même si, cela, elle était seule à le savoir.

— Papa, pourquoi ferais-je la tête ?

Son père était un tel enfant… Or aujourd’hui, pour une fois, elle était prête à lui passer ses caprices. En dépit de son agacement, elle s’adressa à lui d’un ton conciliant.

— Tu sais que j’ai essayé de te joindre, reprit-elle. Je t’ai appelé au moins une douzaine de fois.

Elle avait toujours en tête les paroles du message de son père. Il avait mentionné le fait de venir à Reims en avion et, à l’heure qu’il était, il avait dû arriver.

— Où est-ce que tu te trouves, papa ? Je peux venir ou envoyer une voiture te chercher.

Elle avait peine à y croire : enfin les choses se mettaient en place. C’était le moment qu’elle avait attendu la plus grande partie de sa vie.

Racheter les « parts perdues », comme les appelait son grand-père, était un but qui l’avait motivée depuis qu’elle avait repris les rênes de l’affaire. Retrouver ces parts manquant au capital serait non seulement excellent pour la Maison Duvernay, mais cela mettrait aussi un point final à la triste affaire qu’avait été le mariage de ses parents, et aux répercussions de la mort tragique de sa mère.

Elle vacilla, tremblante. Son père et ses grands-parents maternels avaient toujours eu une relation difficile. Émile avait beau avoir l’allure d’une vedette de cinéma, aux yeux de ses grands-parents il n’était qu’un vulgaire entraîneur de chevaux ; et s’enfuir avec Colette, leur fille de dix-neuf ans, ne l’avait pas mis dans les bonnes grâces de cette famille rigide et soucieuse de son image. La décision qu’il avait prise de vivre sur les revenus du fonds financier de son épouse, la mère de Margot, avait agrandi le gouffre qui les séparait. Mais, après la mort de Colette, c’était le refus d’Émile de céder ses parts à ses enfants qui avait fait évoluer cette relation difficile en affrontement.

Émile avait toujours prétendu qu’il s’agissait d’un acte de sauvegarde personnelle. Les grands-parents de Margot, eux, avaient soutenu qu’il s’agissait d’un acte de dépit. Quelle que soit la façon de juger la chose, les faits étaient là : son père avait menacé de les emmener, ses frères et elle, en Suisse si on ne l’autorisait pas à détenir les parts de feu sa femme. Son grand-père avait cédé au chantage à deux conditions : qu’Émile abandonne la garde de ses enfants à sa belle-famille et qu’ils portent le nom de leur mère.

Margot frissonna. Elle avait pensé que le chagrin rapprocherait les deux parties de la famille, et c’était tout le contraire qui s’était produit. Il y avait une telle acrimonie entre Émile et sa belle-famille qu’ils ne manquaient pas une occasion de sortir les griffes. Mais peut-être qu’à présent les choses allaient enfin changer…

Cette pensée la galvanisa. Ce serait si beau de pouvoir mettre tout ceci derrière eux avant le mariage de Louis !

— Papa, répéta-t-elle en essayant de garder un ton léger, dis-moi où tu voudrais que nous nous rencontrions.

— C’est bien pour cela que j’appelle…

Sa voix avait changé. Son père semblait soudain mal à l’aise, presque méfiant. Margot se demanda fugitivement pourquoi. Mais, avant qu’elle ait eu une chance d’éclaircir ce point, il reprenait :

— J’ai essayé de te joindre, donc, tu ne peux m’accuser de rien… Ah, pas maintenant, chérie ! Mets ça de l’autre côté, dit-il soudain, s’adressant sûrement à l’une de ses nombreuses conquêtes. Franchement, Margot, j’ai essayé ! Ce n’est pas ma faute si tu ne rappelais pas.

À entendre le murmure féminin qui avait un instant interrompu son père, Margot fronça les sourcils. Même quand le moment était grave, Émile ne pouvait lui accorder son attention pleine et entière. Ses lèvres se pincèrent. Il avait sans doute déjà commencé à célébrer la vente des parts avec sa compagnie habituelle de parasites. Puis, brutalement, le cœur de Margot se serra et ses doigts se crispèrent autour du téléphone pendant que les mots de son père s’entrechoquaient dans son cerveau comme des autos tamponneuses à la foire.

— T’accuser ? T’accuser de quoi ?

— J’ai attendu autant que j’ai pu, poussin, mais l’offre était tellement tentante…

L’utilisation de son petit nom d’enfance tout autant que le ton gémissant qu’il avait adopté alarmèrent Margot. Son père ne l’appelait jamais « poussin », sauf lorsqu’il voulait quelque chose ou qu’il cherchait à se faire pardonner.

— Quelle offre ? demanda-t-elle lentement.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. Margot sortit dans l’espace entièrement vitré qui desservait les bureaux. À l’instant où elle abordait le hall, elle aperçut Simone, son assistante personnelle, qui attendait, nerveuse, devant la porte de son bureau. Son cœur se serra d’appréhension.

— Qu’as-tu fait, papa ?

— J’ai fait ce que j’aurais dû faire il y a longtemps.

Le gémissement avait disparu, remplacé par un ton défensif.

— J’espère que tu ne vas pas en faire toute une histoire, Margot, reprit-il. En fait, tu me disais depuis des années de vendre mes parts. Eh bien voilà, c’est fait ! Et je dois dire que j’en ai obtenu un sacrément bon prix.

* * *

C’était comme si une bombe venait d’exploser dans la tête de Margot. Le sang bourdonnait à ses oreilles et le sol semblait se dérober sous elle.

— Tu m’as toujours dit que si tu devais vendre tes parts, tu me contacterais en premier…, bafouilla-t-elle.

La panique, chaude et liquide, descendait le long de sa colonne vertébrale.

— Mais c’est bien ce que j’ai fait !

Il y eut un éclat de rire à l’arrière-plan, et elle comprit qu’encore une fois l’attention d’Émile se détournait d’elle.

— Tu n’as pas décroché, poursuivit-il.

— Je ne pouvais pas, j’étais avec Gisèle pour l’essayage de sa robe…

Elle secoua la tête. Son père s’en moquait bien.

— Écoute, papa, reprit-elle, on peut sûrement arranger tout ça. Surtout ne signe rien, d’accord ? Ne bouge pas, j’arrive.

— C’est trop tard. J’ai signé les papiers à la première heure ce matin. Quand je dis la première heure, ce n’est pas du pipeau : il m’a vraiment sorti du lit, précisa-t-il d’un ton grognon. Donc, pas la peine de râler, Margot. Au mieux, tu peux tenter de lui parler. Il devrait être arrivé.

— Qui ? commença-t-elle. De qui est-ce que tu…

Même sans le cliquetis des glaçons versés dans un verre, elle aurait pu jurer que son père n’écoutait plus. Elle entendit son briquet et la lente expulsion de fumée.

— Apparemment, dit-il, c’est pour cela qu’il fallait signer de si bonne heure : il voulait arriver à Épernay au plus vite pour jeter un coup d’œil aux lieux.

Margot jeta un regard éperdu autour d’elle. Ce n’était pas étonnant que son assistante ait l’air si troublé. Visiblement, le dernier associé de la Maison Duvernay était déjà sur le site. Mais qui était-il ?

Son pouls se mit à battre de façon irrégulière. Il y avait déjà suffisamment de rumeurs qui circulaient au sujet de l’entreprise. Qu’allait penser la banque s’ils apprenaient qu’Émile avait soudainement vendu ses parts ?

Elle se maudit de ne pas avoir écouté plus tôt ses messages, et elle maudit son père d’être si irrémédiablement égoïste.

— Ça va aller, fit Émile d’un ton bref.

Maintenant que le pire était passé et qu’il avait avoué son méfait, il brûlait de raccrocher.

— Tu es si rationnelle et si terre à terre, poussin, reprit-il.

Elle le voyait pratiquement frissonner de dégoût rien qu’à l’évocation de telles qualités.

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