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Parfois, je me sens comme la fille.

Parfois, je me sens comme l'oiseau.

Parfois, je me sens comme le photographe, incapable d'être autre chose qu'un spectateur.

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On le lit sur son visage : son monde vient d'être détruit, et elle le sait.

Sa mère est morte, et elle le sait.

Cette photographie est un supplice.

Chaque fois que je la regarde, je me dis : "Je comprends parfaitement ce qu'elle ressent."

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Mais tu sais qui je suis. Trouve-moi. Empoigne-moi. Secoue-moi. Je t'en supplie.

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Si je réfléchis trop à ce que je suis en train de faire, je vais prendre mes jambes à mon cou... Alors je ferme les yeux et je cogne.

Je ressens encore le choc de l'impact, pourtant je n'ai plus l'impression que mes articulations sont brisées en mille morceaux sous ma peau. Et les scratchs me maintiennent les poignets. Je frappe plus fort. Encore. Et encore. Les vibrations des coups se diffusent dans tout mon corps, une onde de chaleur qui s'épanouit dans mon ventre. Je perds le compte.

- Ouvre les yeux.

Il est juste devant moi. Il tient le sac pour l'empêcher de bouger. Je ne sais pas depuis combien de temps il le fait.

- Plus près, me dit-il.

J'avance sans cesser de fixer ces yeux bleus.

- Encore plus près.

Je m'approche au point de pouvoir enlacer le sac. Ma respiration est précipitée et je ne suis pas certaine que ce soit entièrement dû à l'effort physique.

- Et là, c'est assez ? je chuchote.

Il fouille mon regard du sien.

- Il faut que la cible soit à ta portée.

Mon ton est beaucoup plus sérieux que je ne le voudrais quand je lui lance:

- Je suis plus forte que tu ne le pensais ?

- Tu est exactement aussi forte que je le pensais.

Ses mots semblent chargés d'un sous-entendu que je ne m'explique pas très bien. Peut-être bien que chaque instant a son importance, mais je dirais que celui-ci plus que les autres.

Je sautille sur la pointe des pieds et bourre le sac de coups de poing. On dirait que je me prends pour Mohamed Ali. Je dois être ridicule.

Il incline la tête.

- Vas-y, défoule-toi.

Je décoche un nouveau coup, sauf que cette fois mes yeux sont rivés aux siens. Ma frappe manque cruellement de force. Je me sens tellement déchirée, comme si en étant attirée par Declan je trahissais le Crépuscule. Et pourtant... c'est plus fort que moi. Sous une façade hérissée de piquants à laquelle il vaut mieux éviter de se frotter se cache un garçon attentionné, protecteur et loyal. Et j'aimerais approfondir ma connaissance de cette face-là.

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L'intimité est une illusion.

Visiblement tu en sais quelque chose, puisque tu as lu ma lettre. Elle ne t'était pas destinée. Elle n'était pas pour toi. Elle n'avait rien à voir avec toi. C'était entre ma mère et moi.

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Dans les ténèbres qui m’enserrent,

Noires comme un puits où l’on se noie,

Je rends grâce à Dieu quel qu’il soit,

Pour mon âme invincible.

Dans de cruelles circonstances,

Je n’ai ni gémi ni pleuré,

Sous les coups du hasard,

Ma tête saigne mais reste droite.

En ce lieu de colère et de pleurs,

Se profile l’ombre de la mort,

Et bien que les années menacent,

Je suis et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin,

Nombreux les châtiments infâmes,

Je suis le maître de mon destin,

Je suis le capitaine de mon âme.

Invictus - William Ernest Henley

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Rev & Declan

- Ne parlons pas de Dieu, si tu préfères. Parlons de destin. Tu ne trouves pas ça intéressant que ce soit toi en particulier qui aies trouvé cette lettre ?

C'est l'une des choses que j'aime le plus chez Rev. Il n'impose jamais aucune idée à personne. Je hoche la tête.

- Tu as envie de lui répondre ?

- Je ne sais pas.

- Menteur.

Il a raison. J'ai envie de lui répondre. Pour tout dire, je suis déjà en train de réfléchir à ce que je vais écrire.

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« Je suis prisonnière de ma colère et de ma peine, je me sens coincée dans une ornière, et plus les gens essaient de m’en sortir, plus je mets d’énergie à planter mes talons dans la terre, à m’enfoncer dans les sillons. »

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Je relis la lettre. La douleur irradie de chaque mot. Le genre de douleur qui vous pousse à écrire à quelqu’un qui ne vous lira jamais. Le genre de douleur qui vous coupe du monde. Le genre de douleur qu’on est persuadé d’être le seul à ressentir, le seul de toute l’histoire de l’humanité.

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Il attrape ma main et la presse contre son cœur. Il ferme les yeux.

- Tu me tues, Juliet.

- Regarde moi.

- On ne peut pas choisir son chemin les yeux fermés, je le taquine.

- Ah oui ? Laisse moi te montrer.

Il se penche alors vers moi et sa bouche entre en collision avec la mienne.

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