Ajouter un extrait
Liste des extraits
Récemment, je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide débordant que ne comble que ton corps serré contre le mien […] Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble.
Afficher en entierTu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais.
Afficher en entierJ’étais arrivé à l’âge où on se demande ce qu’on a fait de sa vie, ce qu’on aurait voulu en faire. J’avais l’impression de n’avoir pas vécu ma vie, de l’avoir toujours observée à distance, de n’avoir développé qu’un seul côté de moi-même et d’être pauvre en tant que personne. Tu étais et avais toujours été plus riche que moi. Tu t’es épanouie dans toutes tes dimensions. Tu étais de plain-pied dans ta vie ; tandis que j’avais toujours été pressé de passer à la tâche suivante, comme si notre vie n’allait réellement commencer que plus tard.
Je me suis demandé quel était l’inessentiel auquel je devrais renoncer pour me concentrer sur l’essentiel.
(extrait pg 34 epub)
Afficher en entierTu t’étais unie, disais-tu, avec quelqu’un qui ne pouvait vivre sans écrire et tu savais que celui qui veut être écrivain a besoin de pouvoir s’isoler, de prendre des notes à toute heure du jour ou de la nuit ; que son travail sur le langage se poursuit bien après qu’il a posé le crayon, et peut prendre totalement possession de lui à l’improviste, au beau milieu d’un repas ou d’une conversation. « Si seulement je pouvais savoir ce qui se passe dans ta tête », disais-tu parfois devant mes longs silences rêveurs. Mais tu le savais pour avoir toi-même passé par là : un flux de mots cherchant leur ordonnancement le plus cristallin ; des bribes de phrases continuellement remaniées ; des aurores d’idées menaçant de s’évanouir si un mot de passe ou un symbole ne réussit pas à les fixer dans la mémoire. Aimer un écrivain, c’est aimer qu’il écrive, disais-tu. « Alors écris ! »
(Extrait pg 15 epub)
Afficher en entier« Si tu t’unis avec quelqu’un pour la vie, vous mettez vos vies en commun et omettez de faire ce qui divise ou contrarie votre union. La construction de votre couple est votre projet commun, vous n’aurez jamais fini de le confirmer, de l’adapter, de le réorienter en fonction de situations changeantes. Nous serons ce que nous ferons ensemble. »
(Extrait pg 9 epub)
Afficher en entierJ’imagine ton désarroi et ta solitude. Tu te disais que si c’est cela l’amour, si c’est cela un couple, tu préférais vivre seule et ne jamais être amoureuse. Et comme les querelles de tes parents portaient principalement sur des questions d’argent, tu te disais que l’amour doit mépriser l’argent pour être vrai.
Afficher en entierNous sommes allés à Cuernavaca l’été suivant. J’y ai étudié la documentation qu’Illich avait réunie en vue de sa Némésis médicale. Il était entendu que je ferais des articles à la sortie de ce livre. Le premier article était intitulé « Quand la médecine rend malade ». La majorité des gens estimerait aujourd’hui qu’il énonçait des évidences. À l’époque, seules trois lettres de médecins ne l’ont pas attaqué. L’une d’elles était signée Court-Payen. Elle soulignait la différence entre syndrome et maladie et défendait une conception holistique de la santé. Je suis allé voir ce médecin quand ton état de santé s’est aggravé dramatiquement. Tu ne pouvais plus t’allonger, tant ta tête te faisait souffrir. Tu passais la nuit debout sur le balcon ou assise dans un fauteuil. J’avais voulu croire que nous avions tout en commun, mais tu étais seule dans ta détresse
Afficher en entierIl faut que je reprenne du recul pour aborder la suite de notre histoire. Durant nos années rue du Bac, nous avons connu progressivement une relative aisance matérielle. Mais nous n’avons jamais porté notre niveau de vie et de consommation à la hauteur de notre pouvoir d’achat. Il y avait entre nous un accord tacite à ce sujet.
Afficher en entierLe récit de ce que je présente comme une conversion est ensuite empoisonné par onze lignes qui le démentent. Je me décris bien tel que j’étais en ce printemps 1948 : invivable. « Après s’être mis à vivre ensemble sur six mètres carrés […], il entrait et sortait sans dire un mot, passait ses journées sur ses papiers et répondait [à Kay] par monosyllabes impatientes. "Tu te suffis", disait-elle.
Afficher en entierJusqu’en 1958 ou 59, j’étais conscient qu’en écrivant Le Traître je n’avais pas liquidé mon désir « d’être Rien, nul, tout entier au-dedans de moi-même, non objectivable et non identifiable ». Assez conscient pour noter que « cette réflexion sur moi-même confirmait et prolongeait nécessairement le choix fondamental [de l’inexistence] et ne pouvait donc espérer [le] remanier ».
Afficher en entier