Extraits

Il arrive que des mots pleins de tendresse fassent éclore l’amour comme des graines semées dans la terre. dans cet endroit perdu, Li Chin, l’ex-danseuse de la cour, entendit le représentant officiel de la France Collin de Plancy l’appeler « mon ange ». en coréen, et non en français. elle fut moins surprise par l’expression en elle même que par sa bonne prononciation. Il avait appris le coréen à ses moments perdus, mais les phrases qu’il ébauchait se perdaient dans la confusion, il y manquait toujours quelque chose.

Accompagner cet homme dans son pays, au-delà des mers, impliquait de vivre avec des gens qui parlaient une autre langue. Il avait dû deviner l’inquiétude qu’elle s’efforçait de cacher, car c’est de façon parfaite qu’il l’appela « mon ange ».

Ces mots coréens énoncés avec douceur bouleversèrent Li Chin. Lorsqu’il les murmura, lui qui n’était même pas capable de prononcer correctement son nom, des vagues se soulevèrent dans son cœur jusque-là paisible. la fatigue qu’elle avait accumulée tout au long de cette journée passée dans le palanquin reflua pour céder la place à une langueur semblable à celle que l’on éprouve quand on plonge ses pieds dans de l’eau chaude. la distance qu’elle avait toujours maintenue entre eux lorsqu’il avait voulu se rapprocher d’elle se trouva effacée.

Cette femme adorable qui contemplait ce port entouré de montagnes peu élevées, ne savait pas qu’avant le traité de chemulp’o 1 conclu dix ans auparavant, il n’y avait là qu’un hameau dont les habitations se comptaient sur les doigts de la main. dans la vie, l’inattendu survient pour changer le cours des choses. Après la signature de cet accord, le petit village de pêcheurs se transforma à toute allure. les Japonais prirent le contrôle d’un territoire, les chinois et les pays occidentaux firent de même. A chemulp’o, un habitant sur dix était japonais ou chinois. Il était impossible de deviner à l’époque si leur présence serait source de malheur ou au contraire de grande prospérité.