Extraits

Jack ne pouvait rien changer à son apparence. S’il avait l’air dangereux, c’était tout simplement parce qu’il l’était effectivement.

Caroline ne pouvait pas voir le Glock qui se trouvait dans son holster d’épaule ni le calibre 22 qu’il avait glissé dans son holster de cheville, mais un homme armé n’a pas la même attitude qu’un homme qui ne l’est pas. Deux jours auparavant, Jack avait tué quatre hommes à deux continents de là. À un niveau subliminal, Caroline le sentait.

Elle se tenait toute droite, les narines légèrement frémissantes, et aspirait instinctivement de l’oxygène au cas où elle aurait besoin de s’enfuir en courant. Elle n’avait pas conscience de le faire, mais Jack le savait. Il savait comment une proie réagit au danger.

Pour commencer, il devait apaiser ses craintes.

Il la regarda attentivement en conservant la plus parfaite immobilité. Il aurait préféré mourir plutôt que lui faire le moindre mal, mais Caroline ne pouvait pas le savoir. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle était seule face à un homme potentiellement dangereux.

— Bonsoir.

Leurs corps menaient une véritable conversation.

D’une caresse de la main, Caroline demandait : « Tu aimes ça ? » Et le corps de Jack répondait : « Oh, oui ! »

— Tu ne te serais pas détourné de Toby, dit-elle.

Ce n’était pas une question.

— Non, admit-il en affermissant la pression de sa main sur son crâne. Je ne me serais pas détourné.

Elle écarta la tête de son épaule pour l’observer.

— J’aurais aimé te rencontrer plus tôt.

Quelque chose – une vive émotion – passa sur le visage de Jack. Les plis qui encadraient sa bouche se creusèrent et ses traits se tendirent.

— J’aurais aimé être là plus tôt, moi aussi.

Mais Jack, ajouta-t-elle en fronçant les sourcils, j’ai vu un revolver dans ta main tout à l’heure. Comment se fait-il que tu sois armé ? D’où as-tu sorti cette arme ?

Jack comprit qu’il devait faire très attention au choix de ses mots. Caroline venait d’avoir un premier aperçu de son univers familier, et il voulait qu’elle prenne sa sécurité au sérieux sans l’effrayer. Il savait que la majorité des gens considèrent les hommes dans son genre comme de dangereux paranoïaques. Quand on a toujours vécu dans le confort et qu’on n’a jamais mis les pieds dans les endroits où il avait été envoyé en mission, on a tendance à considérer les précautions que Jack estimait aller de soi comme le reflet d’un esprit malade.

— Je suis toujours armé, se contenta-t-il de répondre calmement. Et j’ai appris à dégainer vite.

Jack savait à quoi ressemblait le monde. Être armé, capable de défendre les valeurs qui étaient les siennes, était profondément inscrit dans sa nature, incrusté dans son ADN. Caroline figurait tout en haut de la liste des choses qu’il défendrait jusqu’à la mort.

Il posa les mains sur ses épaules et sentit à travers l’épais tissu du manteau ses os fragiles et délicats. Tout en elle était fragile et délicat, dans un monde qui haïssait la beauté et la délicatesse.

Caroline avait veillé sur son frère pendant six ans alors qu'elle croulait sous les dettes.

Cette femme avait un courage exceptionnel.

A tout instant, quelqu'un pouvait la blesser ou la tuer. Le monde était vaste, froid et cruel. Jack le savait mieux que personne. Il connaissait la vie dans toute sa brutalité et toute sa sauvagerie. Le destin pouvait balayer Caroline de la surface de la Terre en un instant, d’un simple revers de main.

Sa beauté et sa gentillesse pouvaient disparaitre aussi vite que la flamme d'une chandelle sur laquelle on souffle.

Cette femme était incroyablement précieuse, aussi précieuse que la lumière dans l'obscurité, que le répit dans la tourmente.