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Je traversai la dernière rue et marchai un peu plus vite vers les escaliers menant à mon appartement. Un sans-abri frissonna devant les marches, blotti à côté de ce qui ressemblait à l’un de ces sacs verts fournis par l’armée. Probablement un autre vétéran qui était revenu de la guerre – peut-être le Vietnam, peut-être le Moyen-Orient ; l’un semblait aussi probable que l’autre ces temps-ci – et avait atterri dans la rue.
Je compatissais pour lui. Vraiment. Je compatissais pour tous les gens qui vivaient dans la rue, en particulier avec ce genre de temps.
Ces jours-ci, j’étais aussi absolument terrifié d’aborder quelqu’un que je ne connaissais pas déjà très bien, j’enfonçai donc mon visage un peu plus profondément dans mon col et commençai à grimper les marches.
–– Neil ?
Je m’arrêtai, un pied en suspens au-dessus de la marche suivante. La peur habituelle me donna envie de courir comme un dératé jusqu’au bâtiment, mais la curiosité me fit lentement me retourner.
Le sans-abri se tordit le cou, levant les yeux sur moi de dessous le rebord d’une casquette de base-ball des Dodgers. Il avait une barbe d’au moins deux ou trois jours, et il était maigre, pâle, et épuisé, mais dès que les lampadaires de la rue éclairèrent ses yeux, mon cœur s’arrêta.
–– Jeremy ?
Je descendis l’escalier avec précipitation, oubliant complètement le verglas et atterrissant presque sur le cul pour ma peine. Je retrouvai mon équilibre, et quand je fus stabilisé, je me retrouvai face à face avec Jeremy Kelley, mon meilleur ami d’enfance.
–– Dieu merci, dit-il, en claquant des dents. J’espérais que tu vivais toujours ici.
–– Oui, c’est le cas. Et…
–– Écoute, je sais que j’arrive de nulle part, dit-il, rapidement. Je peux expliquer, mais s’il te plaît, ne me…
–– Jeremy.
Il s’arrêta, et je vis de la terreur dans ses yeux alors qu’il rivait les miens. Je n’avais pas besoin de demander pourquoi. La dernière fois que nous nous étions vus, cela ne s’était pas si bien fini, et il se demandait probablement si j’allais le laisser dehors. J’espérais sincèrement qu’il me connaissait mieux que cela.
Je le regardai de haut en bas, me demandant par quel miracle il n’était pas mort d’hypothermie dans des bottes de facture militaire, un jean, et une parka qui n’était pas faite pour affronter un hiver au nord de la ligne Mason-Dixon. Je ne sais pas ce qui l’avait mené sur le seuil de ma porte, mais il était désespéré et pas du tout en état de rester dehors une minute de plus.
Je fis un geste vers l’escalier.
–– Rentrons avant que tu gèles. Allez viens.
Afficher en entierIl toucha mon visage et soutint mon regard. Il semblait que quelque chose devait être dit à cet instant précis, mais je en pouvais pas mettre le doigt sur ce que c’était ou comment le dire. Et en même temps, le moment était parfait tel qu’il était. Comme si nous avions passé nos vies entières à essayer d’atteindre cet instant, et qu’il n’y avait rien d’autre à dire que : nous y sommes. Enfin.
Afficher en entierJe gardais une main dans ses cheveux et l'autre sur sa nuque et laissai son baiser me consumer de la façon dont aucun baiser à part le sien ne l'avait fait jusqu'à présent.
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