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Extrait ajouté par phil_foal 2014-05-07T04:17:17+02:00

Vouloir être la plus grande star du show-bizz de la planète, ce qu’il était, ça me dépasse. À un moment, on avait l’impression que c’était Sa Majesté et que nous bossions pour lui, au cacheton ! Quand il était dans la pièce, nous évoquions “cette pétasse de Brenda” pour qu’il ne comprenne pas qu’on parlait de lui. (À propos de Mick Jagger)

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Extrait ajouté par phil_foal 2014-05-07T04:16:28+02:00

Les gens n’ont aucune idée de ce qu’on ressent quand on est en manque. C’est épouvantable, vraiment horrible. Pour donner une idée, c’est un peu mieux que perdre une jambe dans les tranchées. Ou que de mourir de faim. Ça grouille de bête sous ta peau, tes intestins se révoltent, tu ne peux pas empêcher tes membres de s’agiter dans tous les sens, tu te dégueules et te chies dessus simultanément, et il y a de la merde qui s’écoule de ton nez et de tes yeux. Si tu es raisonnable, la première fois que tu vis ça, t’es bien obligé de reconnaître : « Je suis accro. » Mais ça ne t’empêchera quand même pas de replonger, aussi raisonnable sois-tu.

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Extrait ajouté par phil_foal 2014-05-07T04:16:00+02:00

On avait fini par devenir potes, avec John Lennon, et on se voyait assez souvent. Il arrivait avec Yoko, on passait un moment ensemble, mais le problème avec John, c’est que malgré toute sa frime il ne tenait vraiment pas la route. Il voulait essayer tout ce que je prenais, mais il n’avait pas mon solide entraînement. Moi, je prenais un peu de ceci, un peu de cela, des barbis, des amphétes, de la coke et de l’héro, et je pouvais me mettre au boulot, j’étais en roue libre. Mais John finissait invariablement la tête dans la cuvette de mes chiottes. Je me souviens d’une nuit au Plaza, il s’est pointé dans ma chambre et soudain, il n’était plus là. Nous, on papotait et soudain : « Où est passé John ? ». Je l’ai trouvé dans les toilettes, affalé par terre. Trop de vin rouge, avec un peu d’héro par-dessus. Un bâillement en Technicolor, puis : « Laisse-moi là, ce carrelage est trop beau ». Il était d’un vert effrayant.

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Extrait ajouté par siegrid 2011-11-29T15:29:48+01:00

Chapitre Un

Où il est question de mon arrestation par la police dans l'Arkansas pendant notre tournée américaine de 1975, et de l'embrouille qui allait s'ensuivre.

Qu'est-ce qui nous a pris de faire une pause-déjeuner au 4-Dice, une gargotte de... Fordyce, dans l'Arkansas, le jour de la fête nationale américaine ? Ou n'importe quel jour, d'ailleurs. Comme si je ne connaissais pas les dangers du Sud bigot et réac, après dix ans passés à le traverser en voiture. Fordyce ? Un trou perdu. Les Rolling Stones ? Le gibier au menu de toutes les polices des États-Unis. En cet été 1975, le moindre flic de là-bas rêvait de nous coffrer pour débarrasser le pays de ces petits pédés anglais, tout en assurant son avenir professionnel par ce geste patriotique. L'époque était violente, chargée de conflits. Depuis notre tournée STP (pour « Stones Touring Party ») en 1972, la chasse aux Stones était ouverte. Dans notre sillage, le Département d'État avait signalé une flambée d'émeutes (vrai), de désobéissance civile (vrai) et d'actes sexuels illicites (ne me demandez pas ce que ça veut dire). Et nous, pauvres baladins, étions censés en être les responsables. Nous incitions les jeunes à la révolte, nous corrompions l'Amérique et le gouvernement avait juré que nous ne remettrions jamais les pieds ici. Nixon en avait fait une question politique de premier plan. Il avait déjà déployé son talent ès coups tordus contre John Lennon, car il pensait que celui-ci pouvait menacer sa réélection. Quant à nous – notre avocat en avait été très officiellement informé –, nous étions tout simplement le groupe de rock'n'roll le plus dangereux de la planète.

Les jours précédents, notre génial avocat, Bill Carter, avait désamorcé de main de maître les provocations montées de toutes pièces par les polices de Memphis et de San Antonio. Et voilà que Fordyce, un patelin de quatre mille deux cent trente-sept habitants dont le lycée avait pour emblème une sorte d'insecte rouge bizarre, semblait pouvoir remporter le pompon. Carter nous avait conseillé de ne pas traverser l'Arkansas en voiture, et surtout de ne jamais nous éloigner de la route principale. Il nous avait expliqué que l'Arkansas avait failli passer une loi interdisant le rock (j'aurais aimé voir ça : « Est bannie par le présent décret toute musique assourdissante et répétitive comportant quatre temps par mesure... »). Mais ça ne nous avait pas empêchés de sillonner l'arrière-pays dans une Impala jaune toute neuve. Il n'y avait sans doute pas pire endroit pour faire du tourisme au volant d'une voiture bourrée de dope : une contrée de ploucs conservateurs qui détestaient tout ce qui ne leur ressemblait pas, à commencer par un groupe d'étrangers aux cheveux longs.

Avec moi, dans la voiture, il y avait Ronnie Wood, Freddie Sessler – un type incroyable, mon ami et presque un père pour moi, qui apparaîtra souvent dans cette histoire – et Jim Callaghan, notre responsable de la sécurité depuis de longues années. Nous avions décidé de parcourir en voiture les six cents kilomètres qui séparent Memphis de Dallas, où nous devions nous produire le lendemain, au Cotton Bowl. Jim Dickinson, le musicien du sud des États-Unis qui joue du piano sur « Wild Horses », nous avait dit que les paysages du « Texarkana » valaient le détour. Et on en avait marre de l'avion. Le vol de Washington à Memphis avait été un vrai cauchemar. L'appareil avait fait un plongeon de plusieurs milliers de mètres, les gens s'étaient mis à hurler et à pleurer et Annie Leibovitz, la célèbre photographe, était allée donner de la tête contre le plafond de la cabine. Lorsque nous avions enfin atterri, les passagers avaient embrassé le tarmac. Pendant que nous étions ballottés, on m'avait vu me diriger vers l'arrière de l'appareil pour consommer certaines substances avec encore plus d'enthousiasme que d'habitude, car je ne voulais pas gâcher la marchandise. Un mauvais trip, à bord du vieux coucou de Bobby Sherman, le Starship.

On a donc pris la route et je me suis conduit comme un idiot. On s'est arrêtés devant le 4-Dice, une baraque au bord de la route, on s'est installés et après avoir commandé, Ronnie et moi, on s'est enfermés dans les toilettes, histoire de se mettre en jambes, si vous voyez ce que je veux dire. On planait totalement. On n'aimait ni la clientèle ni la nourriture, alors on est restés une bonne quarantaine de minutes dans les toilettes, à se marrer et à faire les cons. Dans le coin, ça ne se faisait pas. Ça a énervé les employés, ils ont appelé les flics. Quand on est sortis, une voiture noire sans plaques était garée sur le bas-côté. Dès qu'on a démarré, une sirène s'est mise à hurler et en moins de deux chacun de nous s'est retrouvé avec le canon d'un fusil à pompe sous le nez.

On était chargés comme des mules. J'avais une casquette en jean avec plein de poches bourrées de came. Les portières de la voiture étaient farcies de sacs de coke, d'herbe, de peyotl et de mescaline. Et maintenant, mon Dieu, comment allait-on se sortir de ce merdier ? Ce n'était vraiment pas le moment de se faire serrer. C'était déjà miraculeux d'être en tournée aux States. Nos visas ne nous avaient été délivrés qu'avec une ribambelle de conditions, connues de tous les flics des États-Unis, fruit d'une interminable et pénible négociation de Bill Carter avec le Département d'État et le service d'Immigration, qui avait duré près de deux ans. Et la première des conditions était bien évidemment de ne pas se faire arrêter pour détention de drogue, ce dont Carter s'était porté personnellement garant.

À l'époque, j'avais arrêté la came dure, je m'étais mis clean pour la tournée. Et j'aurais pu laisser tout le matos dans l'avion. À ce jour, je ne comprends pas pourquoi j'ai pris le risque de trimbaler toute cette merde avec moi. On m'avait refilé tout ça à Memphis et j'avais du mal à m'en défaire, mais j'aurais quand même pu le planquer dans l'avion et prendre la voiture sans rien dans les poches. Pourquoi ai-je décidé de charger la voiture comme un dealer débutant ? Peut-être me suis-je réveillé trop tard pour l'avion. Je me souviens d'avoir passé un bon moment à démonter les panneaux des portières pour y fourguer la came. Et le peyotl n'est même pas mon truc...

Dans les poches de ma casquette il y a donc du hasch, des cachets de Tuinal et un peu de coke. Je salue les flics en faisant un grand geste qui me permet de balancer des pilules et du shit dans les fourrés. « Bonjour, monsieur l'agent (grand geste), aurais-je commis quelque infraction ? Je vous prie de m'excuser, je suis d'Angleterre. Est-ce que je conduisais du mauvais côté de la route ? » Du coup, tu les prends à contrepied et en même temps tu te débarrasses de la dope que tu as sur toi. Mais il en reste encore plein. Et puis les flics ont aperçu un coutelas sur le siège arrière. Par la suite, les salopards s'en serviront pour nous accuser d'avoir « dissimulé des armes ». Ils nous ont demandé de les suivre jusqu'à un parking situé quelque part sous le bâtiment de la municipalité. Chemin faisant, ils ont sûrement observé comment on continuait de balancer notre matos par-dessus bord.

Ils ne nous ont pas fouillés tout de suite, au garage. Ils ont dit à Ronnie : « OK, allez prendre vos affaires dans la voiture. » Ronnie avait un petit sac, et il en a profité pour vider son bazar dans une boîte à kleenex. En sortant, il m'a glissé : « C'est sous le siège du conducteur. » Moi, je n'avais rien à prendre dans la voiture, alors quand mon tour est venu, j'ai fait semblant et j'en ai profité pour récupérer la boîte. Mais je ne savais pas quoi en foutre, et je me suis donc contenté de l'écraser un peu pour la glisser sous la banquette arrière. Et je suis ressorti les mains dans les poches. Aujourd'hui encore, je ne comprends pas qu'ils n'aient pas fouillé la voiture.

À ce stade, ils savaient à qui ils avaient affaire (« Ben, voyez-vous ça, on a attrapé du beau gibier »). Et en même temps, on voyait bien qu'ils se demandaient quoi faire de nous. Ils allaient devoir appeler la police de l'État. Pour nous accuser de quoi, exactement ? Ils savaient également que nous cherchions à joindre Bill Carter, et ça devait leur faire peur parce qu'on était sur son turf. Bill avait grandi dans la ville voisine de Rector et il connaissait personnellement le moindre officier de police, le moindre shérif, le moindre procureur et tous les dirigeants politiques du coin. Ils auraient peut-être mieux fait d'attendre avant d'annoncer notre arrestation à la presse. Parce que les médias avaient commencé à se rassembler devant le tribunal – une chaîne de Dallas avait même loué un jet privé pour être la première sur le coup. C'était samedi après-midi, et les flics passaient leur temps au téléphone avec Little Rock, la capitale, pour prendre conseil auprès des plus hautes autorités. Alors, au lieu de nous coffrer et de voir nos trombines derrière des barreaux s'afficher sur toutes les télés du monde, ils ont préféré annoncer qu'ils nous avaient placés « sous protection » dans le bureau du chef de la police, ce qui nous permettait de nous déplacer un peu. Où était Carter ? Tout était fermé à cause de la fête nationale, et à l'époque il n'y avait pas de téléphones portables. Ce n'était pas si simple de mettre la main sur lui.

En attendant, il fallait qu'on se débarrasse de tout ce qu'on avait sur nous, parce qu'on était vraiment blindés. À l'époque, je carburais à la coke pure, très pure, pharmaceutique, une blanche poudreuse sortie tout droit des laboratoires Merck. Avec Freddie Sessler on est allés aux toilettes, sans même être escortés. « Doux Jésus (Freddie commençait toutes ses phrases comme ça), je suis chargé. » Il avait une tonne de Tuinal sur lui, et ça le démontait tellement de s'en débarrasser dans les chiottes qu'il a laissé tomber le flacon, et voilà que les petits cachets rouge et turquoise se sont éparpillés dans tous les sens alors qu'il était occupé à jeter sa coke dans la cuvette. Moi, j'y ai balancé le shit et l'herbe, mais cette putain de chasse d'eau n'arrivait pas à les évacuer : il y avait trop d'herbe. J'étais là, à tirer et retirer la chasse et soudain le sol autour de mes pieds s'est couvert de cachets. Je les ai ramassés et je les ai jetés dans les chiottes et ainsi de suite, mais il y avait un blème parce qu'il y avait une cinquantaine de cachets par terre dans le box vide qui séparait le mien de celui où Freddie s'était installé. « Doux Jésus, Keith.

— Reste cool, mec. J'ai balancé tous les cachetons qu'il y avait de mon côté, t'as jeté les tiens ?

— Oui, oui, je crois bien.

— Bon, on va s'occuper du box du milieu. » La dope sortait de tous les côtés, c'était à peine croyable, il y en avait absolument partout. Jamais je n'avais imaginé que je trimbalais tout ça !

Le principal souci, c'était la valise de Freddie, qui était restée dans le coffre de la voiture, toujours fermé à clef. Dedans, il y avait de la coke. Les flics allaient tomber dessus, c'était couru. On a pris une décision stratégique : on allait dire que Freddie était un auto-stoppeur ramassé sur la route, et on se ferait un plaisir de le laisser profiter des services de notre avocat si le besoin s'en faisait sentir – et si ce dernier se décidait enfin à refaire surface !

Bordel, où était Carter ? On a mis un peu de temps à rameuter nos forces, et entre-temps la population de Fordyce a explosé au point qu'une émeute menaçait d'éclater. On était venu du Mississippi, du Texas, du Tennessee, pour assister au spectacle. Il ne se passerait rien tant qu'on n'aurait pas mis la main sur Carter, forcément il n'était pas très loin, il avait juste pris un jour de repos bien mérité. J'avais donc tout le temps de réfléchir à la manière dont j'avais baissé la garde et oublié les règles : ne violez pas la loi, ne vous faites pas arrêter. Tous les flics – et en particulier ceux du sud des États-Unis – ont un arsenal d'astuces à la limite de la légalité qui leur permettront de vous coffrer si l'envie leur en prend. Et on peut se retrouver au trou pour quatre-vingt-dix jours en moins de temps qu'il n'en faut pour dire ouf. Voilà pourquoi Carter nous avait dit de ne pas quitter la grande route. À l'époque, le sud des États-Unis était un coin bien plus dangereux qu'aujourd'hui.

Lors de nos premières tournées on avait avalé des kilomètres de bitume. Les roadhouses, ces bouges musicaux au bord de la route, étaient des endroits imprévisibles. En 1964, 1965 ou 1966, si tu débarquais dans un roadhouse où se retrouvaient des camionneurs, au Texas ou ailleurs dans le Sud, il valait mieux être prêt à tout. C'était bien plus dangereux que tout ce qui pouvait arriver en ville. Tu entrais dans une salle pleine de routiers à la nuque rasée, couverts de tatouages, et tu savais d'emblée que le repas n'allait pas être de tout repos. On grignotait nerveusement : « Oh, préparez-moi ça à emporter, s'il vous plaît. » Ils nous appelaient « les filles » à cause de nos cheveux longs. « Comment ça va, les filles ? Vous voulez danser ? » Les cheveux longs... On n'imagine pas les petits détails qui vous changent toute une culture. À l'époque, on ne nous traitait pas mieux dans certains quartiers de Londres : « Bonjour, ma chérie », et toutes ces conneries...

Rétrospectivement, c'était une confrontation de chaque instant, mais on n'y faisait même pas attention. D'abord, tout ça était nouveau et on ne mesurait pas bien l'effet que ça pouvait avoir. On s'y habituait progressivement. Dans mon expérience, tout s'arrangeait dès qu'on sortait nos guitares, soudain on était des musiciens et tous les problèmes disparaissaient instantanément. Il valait mieux se présenter avec sa gratte dans un restau de camionneurs. « Tu sais jouer de ça, fiston ? » Et parfois on jouait, on sortait notre guitare et on payait notre repas en jouant.

Il suffisait de traverser la voie de chemin de fer pour recevoir une vraie éducation. Si on jouait avec des musiciens noirs, ils s'occupaient de nous. On nous disait : « Hé, tu veux coucher avec une fille ? Elle va adorer ça. Elle n'a encore jamais touché un mec comme toi. » On t'accueillait à bras ouverts, on te donnait à manger, et on couchait avec toi. La ville était morte du côté blanc, mais de l'autre côté de la voie, ça déménageait. Si tu connaissais des gars, on ne t'emmerdait pas. Une éducation incroyable.

Parfois, on jouait deux, trois fois dans la journée. Ce n'était pas des sets très longs, ça durait vingt minutes, une demi-heure, trois fois par jour, tu attendais ton tour parce que c'était des sortes de revues, avec des artistes noirs, des amateurs, des Blancs du cru, tout ce qui se présentait, et dans le Sud ça n'arrêtait pas. Les villes et les États défilaient, on appelle ça la « fièvre de la ligne blanche ». Tu es réveillé et tu regardes la ligne blanche au milieu de la route, et de temps à autre quelqu'un dit : « Faut que j'aille aux chiottes » ou : « J'ai la dalle. » Alors tu t'arrêtes et tu entres dans une de ces espèces de théâtre de derrière la route. C'est des petites routes secondaires dans les Carolines, le Mississippi et ainsi de suite. Tu descends de voiture avec une furieuse envie de pisser, tu vois écrit « Messieurs » et il y a là un Noir qui te dit : « C'est réservé aux gens de couleur », et tu te dis : « Je rêve, on me discrimine ! »

Tu passes en voiture à côté d'un de ces petits troquets et tu entends cette musique incroyable, et il y a de la vapeur qui sort par la fenêtre.

« Hé, si on s'arrêtait là ?

— Ça pourrait être dangereux.

— Minute, t'entends ce que j'entends ? »

Et il y a un groupe, un trio, qui joue, des grands enfoirés de Noirs et quelques pétasses qui dansent avec des billets d'un dollar coincés dans le slip. Et on fait notre entrée, et ça jette comme un froid au début, parce que les Blancs ne mettent jamais les pieds ici, mais ils s'en foutent, parce que l'énergie est trop forte pour que quelques mecs blancs y changent quoi que ce soit. D'autant qu'on n'a vraiment pas l'air d'être des types du coin. On les intrigue vraiment, et nous on s'éclate totalement, et soudain il faut repartir. Et merde, j'aurais pu rester là des jours durant. Il faut y aller, et des dames noires adorables te serrent entre leurs immenses nichons. On sort, et l'odeur de sueur et de parfum te colle à la peau, et on remonte en voiture, et ça sent bon, et la musique s'éloigne progressivement. Et je me dis : « On doit être au paradis », parce qu'à peine une année plus tôt on se produisait dans des clubs londoniens et ça marchait bien, et une année plus tard on se trouve dans un endroit où on aurait rêvé d'être, dans le Mississippi. Jusque-là on la jouait, et c'était très respectueux, mais d'un coup on la respire, cette musique. Tu rêves d'être un bluesman, et une minute plus tard tu es un bluesman, tu es entouré d'autres bluesmen et juste à côté de toi il y a Muddy Waters. Ça s'est passé si vite que tu n'as pas eu le temps de comprendre toutes ces sensations qui t'assaillent. Ça revient après en flash-back, parce que c'est tout simplement trop. C'est une chose de jouer un morceau de Muddy Waters, c'en est une autre de jouer avec Muddy Waters !

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