Il était plus jeune qu’Eli. Plus jeune qu’Allam. Bien moins impressionnant qu’Ingham ou même Edmund, aux premiers abords. Cependant, mon souffle se coupait d’horreur, à la simple mesure du regard qu’il posait sur moi.

« Je ne savais plus quoi ressentir. De la gratitude ? De la peur ? De la tristesse ? Tout cela était allé trop loin. J’étais allée trop loin avec eux, avec Eli, avec Jake. J’aurais dû leur épargner tout ce mal et me jeter dans le vide à la minute où j’étais arrivée sur cette île. 
Mais il y avait Michael. Tout pour revoir Michael.
Une excuse à laquelle je n’étais plus certaine de croire moi-même. »

« Inconsciente, absorbée par mon désir, hypnotisée par ce regard, je ne contrôlai pas ma main lorsqu’elle laissa Sekhmet tomber au sol pour se poser sur la poitrine d’Eli. Je sentis son cœur pulser contre ma paume sans pouvoir dévier les yeux des siens.
Et finalement, ce fut cela, ce détail ridicule, qui zébra mon esprit d’un bref éclair de lucidité.
— Ton… ton cœur bat…
Un souffle rauque était tout ce qu’il me restait d’éloquence.
Il haussa un sourcil circonspect, partagé entre surprise et amusement.
— Oui. Et jusqu’alors, cela me semblait être une bonne nouvelle…
— Les vampires sont censés être morts, non ?
Cette conversation n’avait aucun sens, surtout dans un moment pareil. Eli sourit pourtant et une lueur de tendresse glissa dans son regard. Il répondit sur le ton de la plaisanterie :
— Et ils dorment dans des cercueils, n’ont pas de reflet dans un miroir et sont terrifiés par une gousse d’ail.
— Tout ça est faux ?
— Tout ce que je viens de te citer, oui. J’admets que Bram Stoker avait de la suite dans les idées. Mais le terme immortel n’est pas anodin, Léna. Cela signifie « qui ne meurt pas ». Je suis vivant, j’ai un cœur qui bat, et ce depuis neuf cents ans.
Je détournai brièvement le regard vers ma main, toujours figée contre sa poitrine. Je baignais désormais dans une étrange bulle de bien-être qui, en même temps, provoquait en moi une tension à peine supportable, pareille au plaisir d’avoir la tête sous l’eau quand la respiration, malgré tout, vient à manquer.
— Oh… Sacrée endurance, ce cœur… »