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Tout ce que je savais, c’était qu’en apparence au moins, Eva Braun avait l’air d’une femme innocente. Par calcul ou authentique naïveté, je l’ignorais, mais j’avais du mal à croire qu’elle ait pu choisir de coucher avec un monstre, et encore moins d’avoir un enfant de lui. Seulement, les nazis ne juraient que par la famille. « Cuisine, enfants, église », voilà le credo des bonnes épouses allemandes, que l’on appelait d’ailleurs les soldats du foyer et qui se voyaient bizarrement décorées de véritables médailles pour leur abondante progéniture.
Afficher en entierIl n’y avait pas de journaux, rien qui permette d’évaluer notre positionnement sur le grand échiquier. C’était sûrement voulu : l’ignorance constituait un élément du régime de la peur et lui permettait ainsi de faire pression sur nos vies et celles de nos familles. Tout était bon pour isoler notre humanité.
Afficher en entierQuelque part en moi, j’eus envie de lui faire part de ces aspects moins gais, mais c’était une règle tacite parmi les sages-femmes : ne pas s’attarder sur les côtés négatifs. Après tout, à quoi bon ? Les femmes enceintes étaient embarquées dans un voyage qui passait par les heures éprouvantes du travail pour arriver à la maternité, sans possibilité de prendre un raccourci. Alors pourquoi révéler que ce parcours était plein de dangers, réaffirmant ainsi la vieille conception allemande de l’accouchement comme un moment de péril suprême ?
Afficher en entierLe mot viol ne faisait tout simplement pas partie du vocabulaire du camp. Quelle ironie, pourtant, qu’une grande partie des bébés nés ici soient à moitié aryens et sacrifiés au nom de la race supérieure...
Afficher en entier" Plus bas, dans le monde, des milliers, des millions de personnes pleuraient, hurlaient et mouraient; et moi, j'entendais des gens s'amuser. Je partis me coucher et collai l'oreiller sur mes oreilles dans une tentative désespérée de me couper de ce monde de fous qu'on appelait encore la vie."
Afficher en entierAu camp, les décisions étaient faciles, car tout y était noir ou blanc. Il y avait eux et nous, et lorsque des faveurs étaient échangées, c’était forcément une question de vie ou de mort. Les femmes les plus saines n’hésitaient pas à vendre leur corps aux gardiens en échange de nourriture pour maintenir en vie leurs enfants, ou une amie ; un contrat acceptable puisque nous étions déjà coupées de notre sexualité, devenue une simple fonction anatomique. Mais les informations données, qui pouvaient mener nos consœurs prisonnières à la mort par torture, c’était une tout autre affaire. Cela arrivait, bien sûr, lorsque certaines cultures s’affrontaient, mais j’avais toujours fait confiance istinctivement aux femmes qui m’entouraient. Plutôt mourir que vendre notre âme au diable.
Afficher en entierLes contractions étaient fortes et la poche des eaux, un volume bien maigre de liquide, se rompit au pic d’une contraction, mais Irena résistait de toutes ses forces. Dans tout autre cas de figure, le corps aurait été forcé de céder à la puissance du besoin d’expulsion. Pour leur première grossesse, les femmes se demandaient souvent si elles sauraient quand pousser.
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