Extraits

— Rien de tout ça n’est une coïncidence, trésor. C’est l’univers qui conspire pour que l’on soit ensemble. C’est comme ça depuis le tout début, avant même que l’on se soit rencontré.

Fisher prit ma main sur la table et la pressa.

— Je ne pense pas que les choses qui sont arrivées soient des coïncidences. Je pense que la vie est une série de tremplins qui partent dans toutes les directions. On n’a aucune idée du chemin que l’on est censé suivre, alors on a tendance à marcher en ligne droite et à suivre la voie la plus visible, parce que c’est la chose la plus facile à faire. Les coïncidences, c’est le plus petit chemin qui te fait dévier de ta route. Si tu es assez courageux, tu prends ce chemin-là, et tu te retrouves exactement là où tu es censé être.

— Tu te débrouilles très bien. Tu es magnifique, et les publicités vont être parfaites.

— Tu dis ça parce que tu veux finir dans mon lit.

Je glissai deux doigts sous son menton et inclinai sa tête vers le haut.

— Je le dis parce que c’est la vérité. Bien que je veuille finir dans ton lit. Embrasse-moi.

— Tu m’as demandé pourquoi j’avais changé d’avis sur l’investissement dans ta société.

— Tu m’as dit que ta sœur était très persuasive, ou quelque chose du genre.

Il hocha la tête.

— Ce n’était pas toute la vérité.

— Non ?

Hudson secoua la tête, et ses yeux tombèrent sur mes lèvres.

— Je voulais apprendre à te connaître. La semaine après le mariage de ma sœur, je n’ai pas arrêté de penser à toi. Ce n’était pas parce que tu es belle… et ne te méprends pas, tu l’es. J’étais attiré par la force que tu dégages. Tu n’es pas le genre de femme qui a besoin d’un homme. Tu es le genre de femme dont un homme a besoin. Je ne suis pas sûr que j’aurais su faire la différence il y a quelques années. Mais avec toi, il m’est impossible de l’oublier aujourd’hui.

Olivia nous regarda l’un après l’autre avant de passer son bras autour de mon cou. Elle nous fit nous retourner pour que nous soyons dos à Hudson et me parla à voix basse :

— Il t’aime vraiment bien.

— Qui ?

Elle leva les yeux au ciel.

— Euh, l’homme qui ne t’a pas quittée des yeux depuis qu’il est arrivé. Hudson, bien sûr. Je vois la façon dont il te regarde.

— Il est juste très excité par cette journée… par Signature Olfactive.

Elle pointa son doigt vers moi.

— Il est excité par toi.

Je jetai un coup d’œil à Hudson par-dessus mon épaule, et nos regards se croisèrent une fois de plus. Je ne pouvais pas nier que j’avais l’impression de monopoliser son attention aujourd’hui. Il regarda sa sœur, puis moi, et plissa les yeux. Il savait parfaitement que nous parlions de lui.

Je soupirai.

— C’est quelqu’un de génial.

— Alors… commença Olivia en haussant les épaules. Pourquoi vous jouez encore au chat et à la souris ?

— On est partenaires commerciaux. Il a investi dans ma société.

— Et… ?

— Je ne sais pas.

Je secouai la tête.

— Si ça ne marche pas, ça risque d’être compliqué.

Olivia sirota son champagne.

— La vie est compliquée. Tu sais quel est le seul moment où elle ne l’est pas ? Quand tu ne la vis pas, quand tu ne fais que subir tout ce qu’il se passe.

Je souris.

— Ta sœur est assez incroyable.

— Elle n’est pas trop mal, en convint Hudson. Ne lui dis pas que j’ai dit ça.

Il était venu pour remplir nos verres, mais lui n’en avait pas.

— Où est ton verre ?

— J’ai des projets.

Hudson regarda sa montre.

— En fait, je dois y aller. Je venais te dire au revoir.

— Oh.

La déception s’empara de moi, avec peut-être une petite pointe de jalousie. Je me forçai à sourire.

— Eh bien, amuse-toi bien.

Hudson plissa les yeux avant de sourire.

— Tu es jalouse parce que j’ai un rendez-vous ?

— Non, répondis-je beauuuuucoup trop vite.

Il mit les mains dans ses poches et afficha un sourire suffisant.

— Si.

— Non.

Il se pencha en avant, son nez touchant presque le mien, et murmura :

— Jalouse.

— Tu es tellement imbu de toi-même. Tu ne sais même pas faire la différence entre être heureuse pour toi et être jalouse.

Il pencha la tête en arrière.

— Ah oui ? Tu es contente que j’aie un rendez-vous ?

Je fis un sourire et lui montrai ma bouche.

— Oui. Tu vois ?

Le regard d’Hudson m’apprit que ma tentative ressemblait plus aux sourires déformés que l’on voyait dans les palais des glaces des fêtes foraines. Il partit d’un petit rire.

— Je vais chercher Charlie chez une copine à elle. Mon ex est allée à un rendez-vous chez le médecin avec sa sœur enceinte et elle risque de ne pas arriver à l’heure, alors je lui ai dit que je la ramènerais à la maison.

— Oh. D’accord.

— Heureuse que ce ne soit pas un vrai rendez-vous ? Oui.

Je haussai les épaules.

— Peu importe. C’est ta vie.

Il se frotta le menton.

— Je pensais revenir après. Tu seras encore là ?

— J’ai peut-être un rendez-vous ce soir. Est-ce que ça te dérangerait ?

La mâchoire d’Hudson se contracta.

— Je ne suis pas du genre à faire semblant de ne pas être intéressé, alors je ne pense pas que tu seras surprise de savoir que oui.

Je l’avais taquiné, et ça se retournait contre moi. Son expression était trop sérieuse pour que j’en rie. Je soupirai.

— Je n’ai pas de rendez-vous. Je serai probablement ici.

Hudson secoua la tête.

— Tu es insupportable.

Je sirotai mon champagne.

— Eh bien, apparemment tu aimes les gens insupportables.

Ses yeux tombèrent sur mes lèvres.

— Tu sais que je compte toutes les fois où tu me tortures. Je finirai par me venger.

— Et comment prévois-tu de faire ça ?

Il se pencha et me déposa un baiser sur la joue, puis approcha ses lèvres de mon oreille.

— Avec ma bouche.

Je clignai des yeux plusieurs fois, comprenant pleinement la signification du sourire narquois qu’Hudson me lança en s’éloignant. Il s’adressa ensuite à moi par-dessus son épaule :

— Retiens bien ça, Stella. Le murmure dans ta tête devient presque assez fort pour que je l’entende.

Oh merde, j’étais vraiment dans le pétrin !

La chair de poule me picota la peau des bras lorsqu’il baissa la tête et me frôla brièvement le cou avec son nez. — Tu sens incroyablement bon. Est-ce que tu portes un des parfums de ta création ? — En effet, mais ce n’est pas un parfum que l’on peut commander. J’aime l’idée d’avoir une véritable signature olfactive dont quelqu’un pourrait se souvenir. — Je ne pense pas que tu en aies besoin pour qu’on se souvienne de toi.

— Je m’appelle Hudson, au fait. — Enchanté de te rencontrer. Je m’appelle St… commençai-je avant de me rattraper juste à temps. Je m’appelle Evelyn. — Alors comme ça tu es fan de gin, Evelyn ? C’est pour ça que je n’ai pas senti la différence entre les deux ? Je souris. — Je ne me considérerais pas comme fan de gin, non. Pour être honnête, je bois surtout du vin. Mais ai-je mentionné ma profession ? Je suis chimiste en parfumerie, un nez, pour être exact. — Tu fais du parfum ? Je hochai la tête. — Entre autres choses. J’ai développé plusieurs fragrances pour une entreprise de cosmétiques et de parfums pendant six ans. Parfois c’était pour un nouveau parfum, d’autres fois c’était l’odeur d’une lingette démaquillante, ou alors un produit cosmétique qui avait besoin d’une senteur plus agréable. — Je suis presque sûr de n’avoir jamais rencontré de nez avant. Je souris. — Est-ce aussi excitant que tu l’avais espéré ? Il eut un petit rire. — Quelle est la formation qu’il faut faire exactement pour un travail comme celui-là ? — Eh bien, j’ai un diplôme de chimie. Mais on peut avoir suivi toutes les études qu’on veut, impossible de faire ce job si l’on n’a pas également une hyperosmie. — Qui est ? — Une capacité accrue à reconnaître les odeurs, une acuité olfactive exacerbée. — Alors tu es douée pour renifler des trucs ? Je ris. — Exactement.

Je n’avais aucune idée de l’identité du marié – un parent éloigné que j’avais oublié, peut-être ? Les noms ne m’étaient même pas vaguement familiers. Quand j’avais retourné l’enveloppe, j’avais vite compris pourquoi. J’avais ouvert le courrier de mon ex-colocataire. Argh. Je m’en doutais. Ce n’était pas moi qui étais invité à un mariage de conte de fées dans l’un de mes endroits préférés au monde.

— Je pense que tu as tort. Je ne veux pas être grossière, mais le début de vos problèmes, c’était plutôt quand il a foutu sa queue dans une autre femme.