Extraits

Dans ma chambre, ce soir-là, j’ai écouté France Gall en pensant à David, un garçon que je ne voyais qu’en cours d’espagnol et de physique, parce que nos classes fusionnaient alors, et devant le collège, parfois, quand j’avais la chance de le croiser. J’ai essayé de me faire pleurer parce que ça me faisait du bien, cette mélancolie, et j’ai observé mon visage défait et triste. Et à force de coller mon nez contre ce miroir moche acheté au Prisu, j’ai vu ces horribles boutons qui essayaient d’éclore au niveau du front, entre mes deux yeux. Ça faisait comme un petit feu d’artifice, c’était d’une laideur. Comme mes cheveux, dont les racines se mettaient à frisotter de façon totalement anarchique. On m’a toujours dit que j’avais de beaux cheveux, surtout mamie, qui expliquait à tout le monde que j’étais une sirène. Si ça continuait comme ça, j’allais devenir vraiment hideuse. Et alors je n’aurais plus aucune chance de plaire à qui que ce soit, et ma vie ne servirait plus à grand-chose.

- Maman, je te dis que c’est super ! J’arrive. On prépare l’exposé.

- Bon, bon. Mais tu raccroches, hein ? On t’attend dans la cuisine avec Charlotte.

Elle est partie sans fermer la porte. Elle faisait ça tout le temps, pour écouter. Ça la rendait dingue, que je puisse me confier à quelqu’un d’autre qu’elle. Elle voulait tout savoir. Comment se passait l’école, si je m’entendais bien avec les profs, si personne ne m’embêtait. Elle m’avait bien fichu la honte lorsque Vanessa était venue dormir à la maison pour la première fois, la semaine précédente. Déjà que montrer notre appartement, et ma chambre, était une épreuve – c’était quand même un immense dévoilement de moi-même – alors avoir ma mère qui lui déballait son grand numéro, la pauvre, je nous avais plaintes toutes les deux.

Dans mon ancien collège, j’étais première de ma classe. Très sérieuse, le genre lunettes, cartable Tanns et meilleures notes. Le genre peu d’amies.

- Dépêche-toi, on va être en retard ! Dis, c’est quoi, SVT ?

- Qu’est-ce que j’en sais !

- T’es timide ?

- Hein ?

- T’es timide, c’est ça ? Tout à l’heure, ce qui t’est arrivé. Ma sœur aussi, elle rougit. Pas à la maison, mais dans les déjeuners de famille, ça lui arrive parfois. Ça nous fait rigoler, mais pas elle. Ça ne me dérange pas, tu sais.

- Pas du tout. Je n’avais simplement pas envie de lui répondre. Tu sais où est la salle de SVT ? C’est quoi d’ailleurs, les SVT ?