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Quel esprit perspicace pourrait soupçonner que la fillette avait été enlevée à l'affection des siens ? A moins qu'un jour elle n'exprimât des doutes sur son identité et celle de sa mère. Là résidait le véritable danger avec celui de devoir justifier son existence. Elle n'était pas inscrite sur un registre sous le nom d'Agathe Avelange. Agathe Avelange était un fantôme, une invention, un rêve né du cerveau malade de Clémence.
Afficher en entierC'était pourtant l'été
Comme toujours, les femmes apportaient leur déjeuner aux hommes qui travaillaient dans les champs. Aussi loin que portait le regard, les dos se courbaient sur les tiges ondoyantes du blé, le bruit des machines couvrait celui des voix, des interpellations, des rires, des cris parfois. La sueur dégoulinait sur les fronts déjà embrasés par un soleil généreux. Les paysans côtoyaient les garçons de ferme, les saisonniers et les enfants qui avaient déserté l'école plus tôt que prévu, dans une convivialité besogneuse. Le temps des moissons s'accompagnait depuis des siècles de tout un rituel adoucissant le rythme effréné des journées qui s'achevaient très tard. La nourriture y avait la part belle. Les femmes qui s'avançaient vers les moissonneurs transportaient dans leurs paniers de quoi leur offrir une trêve gustative dont ils se souviendraient : charcuterie, flamiche aux poireaux, ficelles picardes, fromages du cru comme le rollot et le maroilles, macarons d'Amiens, vin de rhubarbe... La fin de la moisson se profilait ; elle s'accompagnait toujours d'un repas pantagruélique réunissant tout le monde dans une ambiance festive, comme autrefois.
Afficher en entier- Elle a des parents, des frères et soeurs ?
- Je n'en sais rien, mentit Clémence.
- Donc, il est possible qu'à cet instant, c'est même plus que probable, une mère cherche cette fillette, la peur et le désespoir au ventre ?
Clémence soupira en contemplant son verre vide.
- Oui... Quoi que tu soutiennes, Charles, ma décision est prise : je la garde.
- Tu t'arroges le droit de dévaster toute une famille et l'existence de cette enfant ?
- Je crois qu'elle sera heureuse avec moi. Et je suis sincèrement peinée pour ses parents, s'ils existent, mais leur souffrance est le prix à payer pour... mon bonheur.
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