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— J’ai été surpris d’apprendre que tu n’étais pas mariée, que le pauvre type à qui tu feras vivre l’enfer n’est pas encore désigné.

Arabella haussa les épaules.

— Les hommes qui méritent de vivre l’enfer sont si nombreux que j’ai du mal à en choisir un.

— Pourquoi un seul ? Avec ton talent et tes ressources, tu pourrais avoir déjà usé cinq ou six maris.

— Dommage, en effet. Je ferais une veuve charmante.

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— Quoi ? Pas de fleurs ni de poésie ? rétorqua-t-il d’un ton désinvolte, en espérant qu’elle ne remarquerait pas l’éraillement de sa voix. Tu me donnes l’impression d’être un homme trop facile. Tu voles un baiser et tu ne donnes rien en échange ?

Elle lui décocha un regard noir.

— Tes petits jeux me fatiguent, Guy.

— Malheureusement pour toi, ça commence à peine.

Il lui effleura le menton, l’entendit retenir son souffle.

— Tu es trop directe, ma belle. Un homme a besoin d’être courtisé. Il faut l’aguicher, lui susurrer des mots doux, le flatter, l’enjôler avec des caresses furtives et des baisers jusqu’à ce qu’il soit fou de désir.

— Tu as probablement assez d’imagination pour faire comme si je t’avais enjôlé ? Le résultat final sera le même.

— Cela n’ira pas du tout, je le crains. Si tu me veux, tu dois me conquérir.

Avec un soupir théâtral, elle traversa la pièce d’un pas de grenadier, extirpa de leur vase des fleurs coupées, revint se camper devant Guy et lui fourra le bouquet dans les mains. Les tiges étaient gluantes, des gouttes d’eau froide dégoulinèrent sur ses poignets.

— Voilà les fleurs, articula-t-elle en s’essuyant les doigts avec son mouchoir. Quant à la poésie… « Te comparerai-je à un jour d’été ? » « Tes yeux n’ont rien de l’éclat du soleil. » Tu es assez flatté et enjôlé ? On peut s’y mettre ?

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Comment repérer Guy Roth, marquis de Hardbury, qu’elle n’avait pas vu depuis près de huit ans, parmi ces centaines d’invités costumés ?

Facile : chercher une nuée de flagorneurs bourdonnant autour d’un dandy suffisant.

Il se délecterait certainement de leurs flatteries, sans prendre conscience que sans son nom et son argent, il ne serait rien. Quand ils étaient enfants, lorsque leurs familles se retrouvaient à la campagne – hélas bien trop souvent –, Arabella voyait avec stupéfaction comment les autres laissaient toujours Guy gagner, quel que fût le jeu. Il était trop imbu de lui-même pour s’en rendre compte. Arabella faisait exception : elle ne laissait personne gagner.

Pour être honnête, Guy avait la victoire modeste. Il n’était pas non plus mauvais perdant, quand Arabella le battait à plate couture. En public, il la félicitait et riait avec les autres qui se moquaient – être battu par la fille qui serait un jour sa femme ! Mais en privé, il lui disait : « Je t’aurai la prochaine fois, Arabella. » À quoi elle rétorquait : « Tu ne m’auras jamais, Guy. » Sur quoi, ils se foudroyaient du regard et ne s’adressaient plus la parole.

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