Extraits

La noirceur se déverse de moi. Elle glisse le long de mes joues et va tomber par terre pour former une flaque sur le carrelage.

La lumière quitte son regard à ces mots. Quelque chose de profond et de radieux meurt en elle. L'espoir. Mais elle reprend aussitôt le dessus et dissimule le choc sous un tapis d'exaspération sardonique. Elle est extrêmement douée pour cacher sa douleur.

"- Tu ne...tu ne déconnes pas? Tu pense vraiment ce que tu viens de dire? Parce que... je ne voudrais pas me faire de faux espoirs. Je ne pourrai pas le supporter s'ils étaient encore anéantis, tu comprends?

Ca fait trop mal."

Je vire mes chaussures et me mets à courir. Le footing et moi avons divorcé après que j’avais perdu assez de poids. Mais courir me fait un bien fou, là tout de suite. Même la BMW est imprégnée de l’odeur nauséabonde de Kelly. Courir sur cette plage est le seul moyen pour moi de laisser tout ce merdier derrière.

C’est une expérience à la fois drôle et unique. Avec beaucoup de sable. Je trébuche sur un caillou et me cogne l’orteil si fort que je pense me retrouver avec un pied de hobbit difforme. Je halète tellement que j’ai envie de vomir. Une fiente de mouette rate mon bras de peu.

— C’est pas grave, ma poule, t’inquiète !

Je mets une main au-dessus de mes yeux et scrute le ciel.

— Heureusement pour toi, je suis à la fois belle et pleine d’abnégation. Je te pardonne !

Une énorme fiente macule alors mon épaule en signe de gratitude.

Je soupire. La situation pourrait être pire. Il pourrait y avoir du monde. Et l’un de ces témoins pourrait être Jack Hunter.

Mon estomac convulse soudain comme un prodige yogi. La vision de deux yeux bleu glacier me traverse l’esprit et me transit aussitôt le cœur. J’intime à la petite flamme encore en moi de la faire fondre sur-le-champ.

Pas maintenant.

Plus jamais.

Je me fous de ce que tu peux ou non me donner. Je te veux toi. Même si tu es cassé. Personne d’autre. Je veux Jack.

Même après deux ans, Isis continue de m'appeler Mec aux Couteaux.

Tous ceux qui l'entendent ont la même question à la bouche : "tu ne connais pas son vrai prénom ?"

J'ai toujours envie de les reprendre ; bien sûr, qu'elle le connait. Elle m'a envoyé une invitation pour son mariage, après tout. Et pour qui aurais-je fait tout ce trajet et porté un smoking trop grand pour moi dans une espèce de pré perdu dans la campagne française ?

"- Espèce de crétine ... Je t'aime, moi aussi."

Le regard chaleureux d’Isis croise alors le mien. Elle se précipite aussitôt vers moi et me prend par le bras avant de m’entraîner vers le gâteau. Elle fourre quelque chose de froid et de métallique dans ma main : un couteau.

— Nous ferez-vous l’honneur, cher Mec aux Couteaux ? demande-t-elle.

J’opine et pose la lame sur la tour.

— Évidemment.

— Attends, attends, attends ! crie Kayla. Tu ne peux pas le couper comme ça ! Tu dois dire quelque chose avant !

— Comme quoi ? Je suis nul pour les discours. C’est le truc d’Isis, pas le mien, je grogne.

— Un seul mot suffira, intervient Jack.

— Ou deux, si jamais tu te sentais d’humeur généreuse, me taquine Isis.

Je soupire et réfléchis dans un silence assourdissant. Je contemple le visage d’Isis, puis celui de Jack avant de regarder autour de moi. C’est fou. C’est fou d’être là, avec eux, à leur mariage. La vie passe tellement vite. Et pourtant, je sais sans l’ombre d’un doute que tout ira bien pour Isis et Jack.

Je les regarde et souris.

— Tout ira bien pour vous.

C’est tout. Je n’ai jamais été très doué avec les mots ni pour dire ce qu’il faut au bon moment. Ce n’est pas un grand discours digne d’applaudissements. J’ai presque honte. Mais je vois alors la poitrine de Jack se gonfler, de fierté ou de gratitude, et les yeux d’Isis devenir humides, sur le point de pleurer de joie.

Je lève alors le couteau et l’enfonce dans le gâteau sous les acclamations de tous.

Jack enfonce alors ses doigts dans ma peau. Je glousse de rire et me détourne, mais il se penche et m’attrape de nouveau.

— Et tu serais… tu serais Isis Hunter. Si… si ça te convient, bien sûr. Tu n’y es pas obligée. Je suis parfaitement heureux comme ça, mais je me disais que… je ne sais pas… juste que…

Je me tourne et l’embrasse avant de le pousser sur le lit pour m’asseoir sur son ventre.

— OK. Admettons que je t’épouse. Qu’est-ce que ça me rapporte ?

— Je dédierais ma vie à ta seule personne, répond-il avec sérieux.

— Tu es déjà plutôt dévoué, fais-je, tout sourire, avant d’embrasser sa mâchoire, puis sa clavicule.

— Je te protégerais. Comme toute bonne ennemie jurée se doit de l’être.

Je ris de nouveau contre sa poitrine et y laisse traîner mes lèvres.

— Je serais à toi, ajoute-t-il. Dans tous les sens du terme.

— C’est déjà le cas.

Il me tire vers lui pour m’embrasser avec fièvre avant de nous retourner et de me plaquer contre les coussins.

— Alors c’est facile, dans ce cas, déclare-t-il avant de me mordiller l’oreille. Tout ce qu’il te reste à faire, c’est choisir une robe blanche, préparer un gâteau et prévenir nos familles.

— Tu veux juste me voir en robe de mariée…, je ricane.

Il me regarde de haut en bas avant de m’adresser un petit sourire présomptueux et de faire claquer l’élastique de mon maillot de bain contre ma cuisse.

— Tu ne vas quand même pas me le reprocher, si ?

Je voudrais rire, mais Jack me serre plus fort. Quelque chose ne va vraiment pas.

— Hé, toi…, fais-je en me dégageant pour prendre son visage entre mes mains. Si tu ne me dis pas tout de suite ce qui ne va pas, je vais mourir. Et m’envoler. Ou attends… faire l’inverse. Je ne crois pas que des trucs morts puissent voler à moins qu’il s’agisse de zombies croisés anges. Et je ne suis certainement pas un ange…

La bouche de Jack se colle à mon oreille.

— Épouse-moi.

Je me fige à ces mots. Une horde de frissons glacés me parcourt le corps.

— Qu… quoi ?

Il ronchonne et fourre son nez dans mon cou. Je sens ses joues rougir contre ma peau.

— Ne m’oblige pas à me répéter…

— Jack, qu’est-ce que…

— Épouse-moi, répète-t-il malgré tout. Sois ma femme. Je veux que tu sois ma femme, Isis. Je veux que… je veux que tu sois à moi.

— Je suis à toi, espèce de crétin, fais-je avant de l’embrasser dans le cou.

— Je sais. Mais je veux que tout le monde le sache. Je veux que ta mère et ton père viennent, je veux que Wren et Kayla soient là, Diane et Yvette, et Charlie…