Extraits

« Shane passa l’entièreté du concert dans un état d’euphorie à part entière. C’était tout ce qu’il avait toujours voulu, tout ce dont il avait rêvé pendant ces longues années. Ce ne fut qu’après, une fois la montée d’endorphine redescendue dans sa loge, qu’une vague de chagrin le frappa avec une telle intensité qu’il se plia en deux de douleur. Car il manquait quelque chose, ce soir. Quelqu’un. La personne sans qui Luck n’aurait peut-être jamais attiré l’attention d’une maison de disques, pour commencer. »

Jesse aurait pu protester si les baisers de Shane ne l’avaient pas distrait avec autant de zèle. Au lieu de ça, il s’y abandonna, l’embrassant avec toute la ferveur des désirs qu’il refoulait depuis qu’il avait réalisé à quel point il était raide dingue de son meilleur ami. Il les avait gardés enfouis en lui pendant si longtemps, certain que jamais Shane ne pourrait éprouver la moindre chose pour quelqu’un comme lui. Pourtant, ils étaient là, s’embrassant, se caressant, et c’était tellement merveilleux que Jesse avait l’impression que son cœur était sur le point d’exploser face à la tendresse insupportable qu’ils échangeaient.

Kayden exhala longuement.

— Parce que j’en avais envie.

Et alors, avant que Shane n’ait le temps de réagir, Kayden prit sa mâchoire en coupe et passa le pouce sur sa lèvre inférieure. Les nerfs de Shane se mirent à chanter des arias.

— Kay…

Il fut interrompu par des lèvres douces et légèrement orangées qui vinrent effleurer les siennes, et une langue circonspecte qui sortit pour le goûter.

— J’aimerais tellement ne pas en avoir envie, murmura Kayden contre la bouche de Shane.

— Mais tu en as envie.

Shane ne pouvait plus supporter l’anticipation. Il leva la main et tira sur la nuque de Kayden, l’attirant plus près jusqu’à ce que son nez soit contre le sien et qu’ils doivent respirer le même air.

Et c’est là, dans cette obscurité silencieuce, que ça se produisit. Tout ce que Shane avait désiré, tout ce dont il avait besoin, depuis leur toute première rencontre à Londres. Ses lèvres rencontrèrent celles de Kayden, sa langue faisait des incursions. Il prit les bras de Kayden, les mit autour de son cou, et frissonna aux sensations que cela éveilla en lui.

— C’est comme je me le…

— Hmm ?

Shane écoutait à peine, bien trop pris par tout ce qu’il ressentait.

— C’est comme je me l’imaginais, murmura Kayden avant de mordiller la lèvre inférieure de Shane.

Il ne se fit pas prier et ouvrit la bouche pour approfondir le baiser. C’était parfait, peut-être même encore plus ce que ce qu’il s’était imaginé. C’était comme rentrer à la maison. Shane s’attendait à ce que Kayden s’écarte, saute sur ses pieds et s’écarte à toute vitesse. Mais ça n’arriva pas. Il continua de l’embrasser, de le goûter, emmêlant ses doigts dans ses cheveux.

Bordel de merde ! Shane avait envie de… Il allait… Les lèvres de Jesse se rapprochaient. Il pouvait sentir la chaleur de son haleine effleurer son visage. Il n’arrivait pas à y croire ; il voulait embrasser Jesse… Jesse ! Et Jesse voulait l’embrasser aussi. Shane leva la main pour passer son pouce sur l’une des joues rondelettes bronzées par le soleil de cette fin de printemps. Leurs lèvres s’effleurèrent, à peine, puis Jesse referma les doigts autour de sa nuque et l’embrassa. Pour de vrai. Et c’était génial. Shane, qui n’était même plus capable de réfléchir, faillit presque oublier de respirer. Il pouvait seulement sentir la bouche de Jesse sur la sienne, douce et fervente à la fois, pure et délicieuse, exactement ce qu’il ignorait vouloir. Et son monde trouva enfin un sens.

Le souffle de Jesse se coinça dans sa gorge. Respire… respire. Ce n’était que Shane. Juste Shane, comme toujours. Le problème, c’était qu’il n’y avait jamais vraiment eu de « juste » et de « que » à propos de Shane. Au tout début, il était le type le plus intimidant que Jesse ait jamais rencontré, puis il était devenu son tout premier vrai ami, et ensuite… Ensuite, il était passé par la case du béguin le plus pathétique depuis le début de son existence, à quelques jours près. Eh ouais. « Juste Shane » : grosse connerie.

Shane était tout pour lui. Et ce depuis le tout premier jour. Jesse savait qu’il l’aimait en retour. Mais pas comme ça. Jamais comme ça.

Que ferait Shane si Jesse rappliquait chez lui ? Il passerait sans doute pour un psychopathe. Mais non. Il se tramait quelque chose, Jesse en était sûr. Ils s’étaient retrouvés pour le déjeuner, la veille, entre le dernier cours de Jesse et son shift à la bibliothèque, et Shane l’avait attiré dans les toilettes du resto pour l’embrasser pendant quelques minutes de bonheur avant qu’ils trouvent la force de se séparer. On ne passait pas de ce genre d’affection à ne plus vouloir voir l’autre en une journée. Pas sans une bonne raison. Et il devait connaître cette raison.

Jesse se força à tourner la tête et à ouvrir les yeux. Le visage de Shane n’était qu’à quelques centimètres de lui. La lumière des réverbères était suffisamment prononcée pour que Jesse puisse voir ses traits distinctifs : ses hautes pommettes, ses lèvres encore enflées de leurs baisers.

— Tu es magnifique, murmura Shane avant de se pencher pour recouvrir la bouche de Jesse de la sienne.

Jesse entrouvrit les lèvres pour le laisser entrer. Pour la toute première fois, Jesse arrêta de douter de Shane. À sa façon de l’embrasser et de le toucher, il sut que Shane pensait sincèrement qu’il était beau. Shane avait besoin de lui, envie de lui. Cela suffit à lui faire monter les larmes aux yeux.

Ils restèrent dans la même position pendant de longues minutes qui semblèrent s’étirer en une éternité, leurs baisers s’échauffant de plus en plus, un besoin désespéré enflant toujours plus entre eux à chaque caresse, jusqu’à ce que Shane écarte enfin la bouche et se mette à tirer sur les pans du tee-shirt de Jesse.

— Enlève. Je veux que tu l’enlèves.

Jesse secoua la tête et attrapa les mains de Shane. Il ne voulait pas qu’il le voie torse nu. Il était grassouillet. Tout mou. Son ventre n’était pas plat comme celui de Shane, et il était loin d’avoir l’empreinte d’une tablette de chocolat comme Shane et Nick.

Non, je peux pas. C’est trop gênant.

— Shane, j’ai pas en-envie…

Shane repoussa les mains de Jesse et recommença à tirer sur son tee-shirt.

— Allez. J’ai envie de sentir ta peau.

— M-mais…

— Je pensais qu’on en avait déjà parlé, Jess.

Jesse le dévisagea.

Le front de Shane se rida.

— Mais merde, tu piges pas ? Je kiffe ton corps. J’ai envie de te voir. Putain, j’en rêve tous les jours.

— Mais je ne… te ressemble pas.

— Sans blague.

Shane leva les yeux au ciel.

— J’ai pas envie de fréquenter quelqu’un qui me ressemble. J’ai envie de toi.

Ils tombèrent sur le matelas, Jesse sur le dessus. Ses pensées se tournèrent immédiatement vers son poids, et la façon dont Shane devait se sentir écrasé et mal à l’aise sous lui. Il essaya de s’écarter, mais Shane l’en empêcha. Il posa les mains sur ses fesses et le coinça dans cette position, leurs bassins collés l’un à l’autre.

Les lèvres de Shane dévorèrent le reste de sa phrase. Ses bras se refermèrent autour de la taille de Jesse et l’attirèrent plus près encore. Ce dernier grogna à travers le baiser quand la langue de Shane se mit à contourner la sienne. Il passa les doigts dans les cheveux soyeux de la nuque de Shane, tira dessus avec douceur.