Extraits

— Je ne suis pas une menace, mec. Je ne suis pas ici pour foutre la merde. Je suis ici pour tenir un refuge et avoir un endroit où…

Où quoi ?

— Où je n’ai pas à vivre en total reclus parce que je ne supporte plus les gens. Tim se détendit. Il sourit un peu.

— Je comprends. Je sais ce que c’est de perdre ses illusions avec la race humaine.

— Bien. Alors, on est cool ? demanda-t-il en tendant le poing. Je suis inoffensif. Parole de scout.

Tim cogna son poing avec un ricanement gêné.

— Si toi, tu es un scout, moi, je suis un biker des Hells Angels.

— Je m’en étais douté, le taquina Rav. Les têtes de mort sur la poussette de Molly t’ont trahi.

— Rock and roll.

 Rav observa son visage, le regard doux.

— Tu as l’air épuisé.

— Ah bon ?

Sammy était beaucoup resté au soleil avec Bon Garçon aujourd’hui. Il était un peu fatigué.

— Crois-tu que…

Rav se racla la gorge.

— Crois-tu que peut-être tu aurais besoin d’un câlin ?

Sammy s’immobilisa. Rav savait. Il savait que Sammy voulait être caressé ! Devait-il se sentir gêné ? Peut-être. Mais il était fatigué, et il en avait marre d’être troublé.

— Oui, dit Sammy. J’ai besoin d’un câlin.

Rav afficha un sourire de travers, comme s’il avait dit quelque chose d’amusant. Il tendit les bras.

— Tu as de la chance. Il se trouve que j’offre des câlins gratuitement aujourd’hui.

Son cœur manqua un battement dès qu’il le vit. Bon Dieu. De nombreux éveillés étaient beaux, mais aucun ne lui coupait le souffle comme Sammy. Il ressemblait à une de ces beautés métisses, le produit le l’ADN de différentes cultures, secoué et rassemblé, et qui pourtant parvenait à toutes les éclipser. Sa peau caramel laissait entendre un sang africain ou polynésien, ainsi que les cheveux brillants chocolat au lait qui retombaient en vagues sur ses épaules, toutefois ses traits étaient européens. Il n’avait jamais vu d’yeux dorés tels que les siens chez un humain.

Bon Dieu, ils semblaient tous sacrément heureux. Le cerveau de Rav voulait se moquer de lui. Personne n’était si heureux. Il devait y avoir une embrouille. Sauf que Rav comprenait que c’était Mad Creek, là où la réalité faisait un doigt d’honneur au reste du monde.

— Je crois… Oui, Milo. Je crois que c’est une excellente idée. Vraiment. Nous avons tous un… un lien spécial avec les chiens.

Il jeta un regard à Lance.

— Après tout, la plupart des gens en ont. Je pense qu’un refuge pour les sauver serait une bonne chose pour cette communauté.

— Nous avons déjà assez à gérer ! s’exclama Lance, son visage s’assombrissant encore plus.

— Je ne vous demande pas votre aide, rétorqua Rav d’un ton sec. Ni votre approbation, shérif.

Son ton n’avait pas été agressif, cependant le shérif Beaufort commençait un peu à l’agacer. Il avait dû tomber dans une marmite de rabat-joie quand il était bébé. Ou chiot. Seigneur.

Mais son petit tour de passe-passe ne pouvait plus durer. Il avait de plus grands problèmes maintenant, des problèmes qu’il ne pouvait ignorer. Si porter un costume était ce qu’il fallait pour accomplir son travail, alors il le ferait.

Il espérait juste qu’il n’aurait pas à vendre son âme pour sauver Mad Creek.

Sammy aboya avec excitation.

L’étrange chien plissa les yeux vers lui et puis… il fit quelque chose que Sammy n’avait jamais vu chez un chien. De façon très délibérée, il secoua la tête. Non. Pas maintenant. Il lui fit aussi un clin d’œil, un clin d’œil, puis partit explorer la partie extérieure de sa cage.

Sammy devenait de plus en plus futé.

Il pouvait sentir qu’il comprenait de mieux en mieux ce que le méchant monsieur et maman Marie disaient, à la fois les mots et la signification derrière eux. Sa vision changeait, toutefois il ne savait pas quoi faire de ces nouvelles pensées et de ces nouveaux sentiments. 

En revanche, il exécrait la chaîne. Elle le maintenait en place et était tellement ennuyeuse. C’était déjà assez mauvais quand le temps était chaud et doux. Mais dans le froid…

Non, pitié. Je suis désolé. Je resterai sous le lit. Promis. Tu ne me verras même pas. S’il te plaît, ne me laisse pas là !

Maman Marie suppliait, mais le méchant monsieur la poussa à l’intérieur et claqua la porte.

Sammy était tout seul.

Tout cet échange lui fit réaliser quelque chose. L'hostilité de Beaufort n'était pas seulement due au fait qu'il était un étranger quelconque. Non, c'était par crainte qu'il sache. C'était comme lorsque l'identité secrète du super-héros d'un comics était découverte par quelqu'un. C'était mauvais. C'était une menace qui devait être éliminée.

Bordel, Rav jouerait les durs lui aussi, s'il était dans la position de Beaufort.

Il venait de se prendre en pleine tronche un plein chargement de sidération, d'émerveillement, de supercherie et possiblement de technologie extraterrestre.

Quoi que ce soit, ce n'était pas quelque chose qu'il était censé savoir.

Sauf qu'il savait.