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L'ARRIVÉE À LA COUR
Il est temps d'en venir à la plus célèbre fille des Mortemart, Françoise. Son enfance fut bercée par le doux paysage lussacois : les vertes moirures des prés et des blés mûrissants, les rangées de peupliers frissonnant au vent léger, le murmure des ruisseaux dans les nids de verdure, l'envol frémissant des sarcelles au premier coup d'arquebuse, les eaux fraîches et scintillantes de la Vienne et les hautes futaies de la forêt de Chauvigny, où les seigneurs des environs partaient en bandes joyeuses débusquer le cerf ou le sanglier. Sur ses premières années en Poitou on ne possède guère de renseignements. Ses parents faisant le plus souvent leur service au Louvre, l'enfant était confiée aux domestiques du Grand Logis, la « Nono (la nourrice Auzanneau), la Troubat ou la Gailledrat, des noms qui existent encore à Lussac et dans la région.
Vers douze ou treize ans, Françoise suivit les traces de son aînée et vint étudier au couvent Sainte-Marie de Saintes dont la fondation remontait à l'an 1047. Qu'y apprit-elle? Ce que l'on enseignait ordinairement aux jeunes filles de l'époque. Peu de choses en vérité : la lecture, la calligraphie, un brin de calcul, des rudiments de latin liturgique. L'orthographe ? On n'ose l'affirmer, à en juger par la fantaisie excessive qui, toute sa vie, émaillera ses écrits, fantaisie qui dépassait de beaucoup les libertés permises à l'époque. A cela s'ajoutaient quelques leçons d'économie familiale – rédaction de lettres d'affaires ou de factures –, des travaux d'aiguille et surtout des cours de morale et de bonne tenue, sans oublier naturellement l'apprentissage de la dévotion religieuse sous l'étroite surveillance de la mère supérieure.
Afficher en entierElle était éblouissante en effet cette « admirable Mortemart » avec son « angélique visage », ses yeux d'azur, sa bouche délicate, coralline, et ses blonds cheveux qui tombaient en grappes mousseuses, sur une gorge parfaite. Chacun vantait ses airs doux et modestes, son regard de déesse. La moindre de ses apparitions était prétexte à un petit couplet : témoin les vingt-huit vers de mirliton emmiellés de flatteries que Loret lui consacra après l'avoir vue quêter, le sourire aux lèvres, le jour de la Saint-Sylvestre 1662, en l'église Saint-Germaîn-l'Auxerroîs. Elle n'avait alors ni cette grâce sensuelle, ni cette voluptueuse langueur, ni cet orgueil dominateur qui seront les traits de l'âge mûr. A vingt ans, fraîche émoulue de son couvent provincial, émanait d'elle une impression de pureté que soulignait encore la vertu de son comportement. Bref, on la trouvait « aussi charmante que sage »...
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