Extraits

Il y avait encore deux portes au bout de ce couloir. Tout n’était pas perdu. J’ouvris la première et tombai sur une espèce de cagibi vide. Bien sûr, pourquoi aurait-on rempli un cagibi ? On avait toujours besoin d’endroits où entreposer de l’air.

Je soupirai si fort de soulagement en arrivant à la chambre d’Elzbieta que je faillis me faire une entorse au poumon.

Mon frère n’était roi que de la ménagerie qui habitait sa tête.

— Tu es sortie par la fenêtre.

Il faisait d’énormes efforts pour empêcher sa voix de grimper dans les aigus. J’étais admirative.

— Ben, c’est quand même rudement haut. Donc oui, je suis plutôt fière de moi.

Il me gifla.

— Je suis toujours fière de moi, dis-je calmement.

Il me gifla de nouveau.

Je lui aurais volontiers tendu l’autre joue en lui faisant remarquer que, comme je n’avais plus de pouvoirs, il allait vite se retrouver tout seul à jouer, mais dans la mesure où j’ignorais s’il savait que j’étais une pauvre femme démunie, je décidai d’opter pour un angle d’attaque différent.

— Tu es à court de petit personnel ?

Oh, je vis bien que sa main le démangeait. Cependant il ne frappa pas. Il me dévisagea d’un regard qui brûlait de hargne. J’avais presque envie de lui faire un bisou sur le nez, mais il risquait encore de penser que c’était une marque d’affection.

Oh, Connor était semblable à lui-même. Petit, les cheveux noirs, les yeux trop clairs, il avait toujours cet air d’enfant gâté bête comme ses pieds et irritant au possible. Mais il semblait soulagé, et c’était vraiment bizarre. Ça lui conférait une prestance étrange. On aurait dit une mouche à merde dans un costume trois-pièces.

Tiens, je me demandais comment se portait cette chère Elzbieta. J’espérais qu’elle était en train de brouter les pissenlits par la racine, comme la bonne grosse vache qu’elle était.

Tu viens pour la libérer, et tu n'as pas de plan ? Tu t'es débrouillé pour pouvoir entrer en ayant conscience qu'il te serait peut-être impossible de ressortir ? J'ignore si je dois admirer ta bravoure ou avoir pitié de ta folie.

L'immortalité n'est pas un cadeau dont les humains sont dignes, répondit-elle d'un ton égal en observant tranquillement l’intérieur de la demeure. Beaucoup ne méritent même pas la vie.

Comme pour me relancer, elle pencha sa petite tête verte sur le côté.

— Laisse tomber. Mais fais attention à tes fesses. Ou ta fesse. Ce serait bête que je te tue accidentellement. Parce que, ça aussi, c'est mon truc.

Elle redressa son corps imposant et se retrouva à la hauteur de mon visage. Sa langue bifide siffla lorsqu'elle ouvrit légèrement la bouche, et je compris exactement ce qu'elle s'apprêtait à faire. Dans. Tes. Rêves.

— J'adore les ceintures et les bottes de cow-boys en peau de serpent. Réfléchis bien avant de faire quelque chose que tu regretterais.

Sa langue eu un dernier soubresaut, puis Rosita referma les mâchoires.

— Brave bête, la félicitai-je en lui tapotant affectueusement la tête.

De toutes mes forces. Elle siffla de mécontentement mais se tint correctement.

— Tu aurais dû m'avertir de ce que tu comptais faire.

[...]

— J'allais t'en parler, plaidai-je.

— M'avertir, comme dans "le faire avant", précisa-t-il.