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Extrait

Extrait ajouté par simple-system 2016-01-26T19:29:50+01:00

Extrait du roman tome 2, chap 7

(Pas de gros spoil, mais mini spoil quand même)

Les lieux ne sont jamais ce qu’ils semblent être.

Ils sont pleins de facettes. Uniques dans l’espace, mais étirés dans le temps comme un élastique. Les évènements s’y succèdent, les acteurs y défilent, mais le lieu, lui, est l’insatiable trou noir qui emmagasine l’Histoire. Regardez-le de face et vous verrez un point. Contournez-le, c’est un immense serpent qui ondule dans le temps.

Un hôpital, un massacre, une déclaration d’amour, une naissance, une forêt ancestrale ou un brasier ardent, un lieu peut être tout ça à la fois, en différents instants de son existence.

En un point précis du grand élastique temporel, se trouvait un minuscule village. Pour ce lopin de terre, qui avait connu la dérive des continents, avait été piétiné par des reptiles géants, recouvert de lave, d’océans et de végétation, ce village venait tout juste d’apparaître, d’un battement de cils. Pour ses habitants, c’était le village de leurs ancêtres. Solide et granitique, chargé de souvenirs et de tradition, il était constitué d’une trentaine de maison, d’une petite église et d’une épicerie-bar-tabac-presse-boulangerie. Il n’y avait pas de médecin, pas de notaire, pas de pharmacien, de restaurant ou même de pompes funèbres, malgré son petit cimetière bien rempli. Juste une poignée d’individus, qui n’avaient simplement aucune envie d’aller vivre ailleurs.

Dans une ruelle au sol déformé par le gel, d’énormes pattes crasseuses foulaient le pavé d’un pas conquérant. Sous la peau galeuse et les touffes de poils clairsemées, deux omoplates roulaient comme les pistons d’un moteur bien huilé. Cela faisait déjà plus de 6 ans que Poison était ici chez lui. Ses cicatrices, ses oreilles déchirées et sa queue cassée en divers angles insolites étaient autant de témoignages de sa détermination farouche à rester l’unique maître des lieux. L’esprit de Poison aurait pu servir à tordre de l’acier.

Ses narines frémirent. Il leva la tête et jeta un regard mauvais à une innocente jardinière de géraniums posée sur un rebord de fenêtre. Il éternua, très mécontent. Comment se faisait-il que personne ne lui avait demandé la permission d’occuper cette fenêtre ? En plus, il détestait particulièrement l’odeur du géranium, et celle des fleurs en général. D’un bond parfaitement calculé, l’énorme chat atterrit sur le terreau encore frais. Il le flaira avec méfiance, et se mit à creuser frénétiquement, arrachant les jeunes plants et projetant la terre jusqu’à atteindre le fond du pot en terre cuite. Satisfait, il se soulagea d’un air songeur, avant de recouvrir sommairement son méfait.

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