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Dans son message, le commandant avait demandé à chacun de conserver son sang-froid afin que tout se déroule du mieux possible, mais comme toujours, la panique d'une ou deux personnes suffit à mettre le feu aux poudres et un vent de folie prit possession de la base. En l'espace de quelques minutes, couloirs et tarmacs se retrouvèrent assaillis par une foule terrorisée et les patrouilleurs chargés de maintenir l'ordre eurent beaucoup de mal à contenir cette masse compacte mue par une seule volonté : sa survie.

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C'est bien d'avoir de la fierté, mais en avoir trop, peut vite devenir une faiblesse.

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C'est surtout pour le protéger qu'elle s'était résolue à lui faire comprendre que, pour ne plus avoir à se battre, il valait mieux être le plus fort. Il devait avoir sept ans à l'époque, mais je peux vous assurer que, du jour au lendemain, plus personne n'a osé venir lui chercher des noises.

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Alen le fixa d’un œil songeur. Sans en avoir l’air, sa réponse avait été lourde de sous-entendus. Ce voile à peine soulevé sur un coin de sa vie lui laissait entrevoir un passé plus sombre qu’il ne l’aurait cru. Il n’eut pour une fois aucun mal à faire taire sa curiosité naturelle. Non, finalement, il n’avait pas vraiment envie d’en savoir plus, même s’il sentait qu’en cet instant il lui aurait suffi de peu de chose pour partager les souvenirs où Mark semblait s’être plongé.

Même pas 17 ans…

Son entrée dans la Horde s’était faite bien avant l’âge limite. Le cas était suffisamment rare pour que cela fasse de lui l’une des plus jeunes recrues. Ce n’était pas une étiquette qui plaisait à tout le monde. Le plus hostile fut sans conteste le chef du groupe dans lequel le hasard des répartitions l’avait fait entrer. La force et la richesse de ces groupuscules semi-indépendants à l’intérieur de l’organisation mère dépendaient exclusivement des capacités de ses membres. Trop jeune et trop inexpérimenté à ses yeux pour être un élément valable, Denon n’avait pas apprécié de devoir l’accepter parmi les siens. Ne pouvant malheureusement faire autrement, les règles étant ainsi, il lui avait tout de suite fait payer sa contrariété par un traitement de faveur lourd de conséquences.

Bien décidé à lui faire comprendre qu’il n’avait rien à faire dans la Horde, il n’épargna rien à sa nouvelle recrue, quel que soit le domaine. Têtu, Mark fut contraint de déployer beaucoup d’énergie pour lui prouver le contraire et s’accrocher à sa place. Il était prêt à tout pour cela, évidence dont Denon s’était amusé à user et abuser à tous les niveaux, que ce soit dans la vie quotidienne du groupe, durant les entraînements ou les attaques.

S’il était connu que la vie au sein de la Horde était difficile et dangereuse, la sienne était vite devenue un petit enfer savamment entretenu par son chef. Il le poussait sans cesse au-delà de ses limites, physiques ou psychologiques, cherchant le point de rupture qui lui ferait abandonner la partie. Finalement pris au piège de son propre ego, Mark n’eut d’autre choix que de combler au plus vite le fossé qui le séparait de ses co-équipiers s’il voulait survivre parmi eux, essayant de ne pas réfléchir à ce que cela signifiait parfois.

Obligé de mûrir et de grandir très vite, il s’était intégré, peu à peu. Mais cela ne lui apporta aucune bonne grâce de la part de Denon. Bien sûr, celui-ci l’avait vu se transformer par la force des choses, devenant un élément plutôt rentable, mais il n’aimait pas sa capacité à lui tenir tête. Cette animosité le poussait à ne jamais lui laisser une possibilité d’erreur et il se faisait un plaisir de le lui rappeler lorsque cela se produisait. Mark le savait et faisait en sorte que cela ne se produise pas. Mais nul n’était parfait.

Quelques mois à peine après son arrivée, il fut la cause de la perte d’une partie du butin qui aurait dû revenir à son groupe après une action collective. Denon ne leva pas le petit doigt lorsqu’une partie de ses co-équipiers se chargèrent de lui faire comprendre toute l’ampleur de leur frustration. Laissé au sol à moitié inconscient après un passage à tabac en règle, il l’avait alors seulement rejoint d’un pas tranquille.

− Je te préviens morveux, fit-il une fois accroupi auprès de lui, tu me refais une fois un coup pareil et je te jure que tu me supplieras de t’achever.

Ce n’était pas une menace à prendre à la légère. Les exécutions communes à la Horde n’étaient pas réservées à ses seuls ennemis et elles pouvaient être plus féroces encore quand elles visaient l’un de ses membres. Mark avait parfaitement compris le message. N’ayant pas plus envie d’en faire les frais que d’abandonner la partie, il se moula plus encore dans cette vie devenue sienne, mettant un point d’honneur à affirmer cette appartenance que Denon lui refusait toujours.

Etait-ce pour cela que ce dernier le désigna un jour comme « combattant » lors d’une contestation de partage ? Pour éviter que des groupes s’entretuent lorsqu’une répartition de butin posait problème, la Horde avait instauré un concept simple et efficace : deux hommes issus de chaque camp s’affrontaient et le vainqueur récupérait la mise. Hormis les armes lasers, ils pouvaient utiliser tout ce qui leur tombait sous la main. Pour gagner, il fallait récupérer le sigle du groupe attaché autour du poignet de l’adversaire. Lorsque c’était chose faite, le vainqueur ramenait non seulement la part contestée à son groupe, mais également l’entier du butin du groupe adverse. Contester un partage n’était donc pas anodin.

Avait-il eu, dès le départ, la moindre chance de gagner ? Un seul regard sur l’homme choisi par le camp adverse suffisait à en douter. Sa carrure était impressionnante et puis, surtout, il était depuis longtemps surnommé « le tueur » au sein de la Horde elle-même. Mark y mit toute sa hargne, mais de miracle il n’y eut pas. S’il résista plus longtemps que les paris lancés sur lui l’avaient prédit, Gius finit par le mater et il se retrouva plaqué au sol, à moitié étranglé, avant de se faire arracher le précieux bracelet.

Il était encore en train d’essayer de reprendre son souffle lorsqu’un nouveau poids s’abattit sur sa poitrine. C’était le pied de Denon.

− Je tiens toujours mes promesses, asséna-t-il d’un ton mauvais avant de se pencher vers lui.

Le laser à peine posé, il lui tira dans l’épaule à bout portant. La puissance de l’arme n’était pas maximale, juste de quoi le transpercer sans pour autant provoquer de blessure mortelle.

Cedrus, le chef du groupe mis au défi, observa la scène d’un œil songeur. Pourquoi une telle réaction ? Ce « gamin » n’aurait pas pu gagner contre Gius même s’il avait été impressionné par sa résistance et ses capacités au combat. Et pourtant, c’est lui qui avait été désigné, comme si sa défaite avait été recherchée. Si c’était le cas, il trouvait cela ridicule. Pourquoi gâcher tant de talents ?

− Je te l’échange contre ta part de butin, lança-t-il au moment où il vit Denon changer de cible.

Denon eut un froncement de sourcil agacé. Il savait que ses hommes avaient entendu sa proposition et que l’appât du gain serait plus forte que de savoir ce qu’il adviendrait de Mark.

− Si tu y tiens…, concéda-t-il au bout d’un long silence. Sauvé sur le fil on dirait morveux, murmura-t-il ensuite avant de se relever. Mais on se recroisera bien un jour.

D’un claquement de doigt, il ordonna à ses hommes de récupérer la marchandise puis se dirigea vers son appareil sans un regard derrière lui.

Sur l’ordre de Cedrus, Gius s’était chargé récupérer leur nouveau co-équipier toujours à terre. Il l’avait relevé et ramené vers son chef d’un seul bras.

− Bah ! Ça ne te tuera pas, constata Cedrus en jetant un œil sur l’épaule transpercée. Dis-moi, reprit-il alors que sa jeune recrue faisait de son mieux pour tenir debout tout seul, tu étais dans ce groupe depuis combien de temps ?

− Plus d’un an, répondit Mark d’une voix atone.

− Oh… ? Et tu es toujours vivant ? Et bien on dirait que tu es plus coriace que je ne l’aurais cru ! fit Cedrus d’un ton aussi surpris que satisfait. Tu sais…, reprit-il avec un léger sourire, c’est toujours bien d’avoir de la fierté, mais en avoir trop peut vite devenir une faiblesse. Si Denon l’a compris, d’autres le feront, alors je te conseille de travailler très vite là-dessus si tu veux rester en vie.

Ce n’était pas une invitation, c’était un ordre, Mark l’avait bien compris. Cedrus n’était pas du genre à se répéter et si les exploits de son groupe étaient enviés c’est parce qu’il attendait de ses hommes d’être plus que des pirates de seconde zone.

− Oh, encore une chose, lança-t-il alors que Gius s’apprêtait à l’emmener à l’infirmerie du vaisseau. Contrairement à d’autres groupes, je ne tolère ni alcool ni drogues avant ou pendant une action !

− C’est pas mon truc, se défendit sa nouvelle recrue dans un froncement de sourcils.

Cedrus eut un imperceptible sourire. Il connaissait Denon et ses méthodes.

− Ne l’oublie pas ! répéta-t-il simplement.

En l’intégrant dans son groupe, Cedrus ne lui avait pas seulement sauvé la vie, Mark le comprit très vite. Sa nouvelle famille n’était pas plus facile que les autres, mais il y avait sa place et, surtout, un chef qui avait deviné en lui un potentiel à ne pas négliger. Surveillant tout particulièrement sa formation, Cedrus y avait prit tout de suite une part importante, lui enseignant peu à peu tout ce qu’il pouvait savoir. Au bout de deux ans, il en vint même à lui confier de petites missions, le jugeant capable de les assumer seul.

C’est au retour de l’une d’elles, que Mark avait retrouvé Denon sur sa route. Averti d’un souci dans la répartition des prises lors d’une action commune, il était allé consulter le tableau de partage lorsqu’une voix qu’il connaissait bien s’était élevée derrière lui.

− Eh le morveux ! Ça faisait longtemps !

Morveux. C’était un sobriquet qui n’avait plus lieu d’être, Denon l’avait remarqué tout de suite. Il avait beaucoup changé en deux ans, et pas que physiquement. Il dégageait une présence qui aurait pu faire douter qu’il avait tout juste vingt ans.

− Un problème avec nos parts respectives ? reprit Denon après avoir jeté un œil sur la partie du tableau que Mark venait de consulter.

− Je vérifiais, c’est tout, rétorqua Mark en tournant des talons.

Denon sourit.

− Pour moi il n’y a pas de problèmes, tu peux le contester…, laissa-t-il échapper d’un ton anodin.

Mark s’était figé à quelques pas. Lancée devant les membres des deux groupes, la proposition ne pouvait rester sans réponse, mais elle était délicate à prendre. La prise du jour était trop importante pour la mettre en danger sur un coup de tête. Les regards de ses coéquipiers étaient plutôt clairs sur ce point, mis à part celui de Gius qui, d’un signe, lui avait proposé de le choisir.

− Mais…, reprit Denon au bout d’un long silence, tu préfères peut-être éviter….

Mark eut un froncement de sourcils. Il le mettait clairement au défi et cela n’avait rien à voir avec un problème de partage. Cedrus n’approuverait pas, il le savait.

− Si c’est contre toi, répliqua-t-il en se tournant vers lui, alors je conteste.

Le sourire de Denon s’élargit alors qu’il décrochait sa ceinture laser de sa taille. Une fois le signe de la Horde attaché autour de leur poignet gauche, ils se mirent en place sous l’œil intéressé des spectateurs. La contestation n’était qu’un prétexte, ce n’était un mystère pour personne, et tous étaient curieux de savoir comment cela allait se terminer.

S’ils avaient l’un et l’autre quelque chose à se prouver, Mark était certainement le plus concerné des deux. Denon comprit très vite que le niveau de son ressentiment à son égard le pousserait à bien plus que la seule récupération de son sigle.

− Si ça t’amuse…, murmura-t-il comme pour lui-même.

Alors que les paris allaient bon train parmi les spectateurs, les deux hommes se lancèrent dans une lutte aussi violente qu’acharnée. Sentant qu’il n’aurait peut-être pas aussi facilement le dessus, Denon profita de ce que son adversaire soit à distance pour récupérer un poignard laser sur l’un de ses hommes. Toujours à main nue, Mark dut reculer face à des attaques devenues dangereuses, mais si Denon crut avoir pris le contrôle de la situation, Gius changea la donne en lançant un bout de la barrière qu’il venait d’arracher du sol. Mark l’attrapa au vol, juste à temps pour désarmer son adversaire dont la lame venait de flirter avec son visage.

C’est pour cette barre de tiuim que les deux hommes luttèrent bientôt. Dans le feu de l’action, tous deux roulèrent deux ou trois fois à terre. Denon fut le plus habile à ce petit jeu et, gardant le contrôle, il réussit à plaquer son adversaire au sol. Assis sur lui, il repoussa la barre de toutes ses forces vers sa gorge. Mark la sentait glisser de plus en plus sans qu’il ne parvienne à retourner la situation. Il décida alors une manœuvre dangereuse. Lâchant sa prise d’un coup, il posa les deux mains contre son ventre alors qu’il tombait vers lui, il le souleva puis l’éjecta d’un coup de genou. Denon plongea en avant tête la première. Il eut juste le temps de poser un bras au sol pour terminer sa chute dans une roulade qui le laissa à genou, les mains par terre. À peine libéré, Mark récupéra le poignard qu’il venait d’apercevoir près de lui puis roula sur lui-même afin de rejoindre son adversaire. En un seul mouvement, il le poussa alors d’un violent coup de pied dans les côtes, se saisit de son poignet tandis qu’il retombait sur le dos et le trancha de part en part juste en dessous du bracelet. La lame vola si vite dans les airs qu’elle balafra au passage la joue de Denon en train de hurler de douleur avant de venir se poser sur son cou.

− Mark ! Ça suffit !

Réalisant qu’il irait jusqu’au bout, Cedrus, qui venait seulement de rejoindre ses hommes, avait décidé d’intervenir. Les contestations ne devaient pas se solder par la mort des participants, c’était la règle. Toujours assis sur le ventre de son adversaire, Mark resta immobile, de longues secondes. Cedrus ne réitéra pas son ordre. C’était à lui de choisir. Sans un mot, il finit par se lever et prit la direction de son groupe. Arrivé à la hauteur de son chef, il lui tendit son trophée ensanglanté.

- Leur part est à nous, lâcha-t-il d’un ton glacial avant de rejoindre leur vaisseau sous le regard songeur de Cedrus.

− Fier et rancunier, se dit-il en secouant la tête. Enfin…, s’il en assume les conséquences, il ira loin.

Ce qui lui convenait parfaitement.

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