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Chapitre 1
Rimouski, 5 mars 2011
Ses yeux. Ses yeux qui l’observent constamment. Ses yeux sur son corps et dans sa tête. Il ne veut plus qu’elle le regarde. Il ne veut plus la voir. Il veut la paix. Et il aura la paix quand il aura fermé ses yeux noirs comme l’enfer. Claude dit qu’elle est au paradis avec lui, mais lui est en enfer. Il brûle quand elle s’approche avec cet air qui signifie : « Tu crois que tu ne veux pas, mais au fond tu en as envie. Je le sais, car personne ne te connaît autant que moi. Ne l’oublie pas. » Trevor n’oublie pas. Pas ça, en tout cas. Pas cet air-là qui lui donne envie de lui écraser la figure jusqu’à ce qu’elle ne ressemble plus à rien. Avec un marteau. Il en ferait une bouillie sanguinolente. Se souviendrait-il ensuite de cette image de Claude défigurée, les yeux enfoncés dans le crâne ? Il se rappelle beaucoup de choses, en a oublié autant. Il ne sait pas où elles sont tapies dans son cerveau, ces choses, mais elles y sont, il suffit qu’il trouve le bon tiroir. Aujourd’hui, par exemple, il se souvient que son oncle avait loué un chalet après le décès de son père, il se rappelle le jour où son oncle lui a appris à tirer avec une carabine. Peut-être qu’il l’aura oublié demain, le jour où tout a commencé. Claude répète toujours que l’eau du lac est de la couleur de ses yeux à lui. Saphir. Et que les saphirs, ça vaut très cher. Qu’il est son trésor. Il ne s’appelle pas Trevor pour rien. Trevor-trésor, c’est pareil. Elle dit que personne ne peut aimer son trésor autant qu’elle. Mais il ne se sent pas comme un trésor. Il est un insecte prisonnier d’une toile d’araignée. Il pense que la mante religieuse finira par le dévorer s’il ne lui ferme pas les yeux définitivement. Pourquoi est-ce qu’il ne se décide pas à fermer ses yeux pour toujours ? Parce que Claude a raison, elle est la seule qui l’aime. Personne ne l’aimera jamais comme elle. Il la hait et il l’aime, et ça change toutes les heures dans sa tête. Ça l’épuise. Ça le tue.
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