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Allumant une bougie, il contempla avec surprise son pyjama déchiré et ses membres tremblants. Il pleurait toujours sans pouvoir s'arrêter, mais le plus fort de la crise était passé. Il refit son lit et se recoucha.
Le délire de Maurice fut comme le coup de tonnerre qui disperse les nuages. L'orage n'avait pas couvé pendant trois jours, ainsi qu'il l'imaginait, mais pendant six ans. Il s'était formé dans les profondeurs obscures de son être, et son entourage l'avait épaissi. Il avait éclaté, et Maurice n'en était pas mort. La splendeur du jour l'entourait. Il se tenait sur la crête des montagnes qui enténèbrent la jeunesse. Maintenant, il " voyait ".
Il avait vécu de mensonges. Les mensonges sont l'aliment ordinaire de la jeunesse, et il s'en était avidement repu. Même si tout le monde s'en foutait, il vivrait désormais loyalement. Ne serait-ce que pour la beauté de la chose. Il essaierait de ne plus se raconter d'histoires. Pour commencer, il ne prétendrait plus être attiré par les femmes alors que seuls les hommes allumaient son désir. Il désirait, n'avait jamais désiré que les hommes. Maintenant qu'il avait perdu celui qui partageait son amour, il l'admettait enfin.
Après cette crise, Maurice devint un homme.
Afficher en entierIl était persuadé qu'il avait la foi. Quand on critiquait les croyances auxquelles il était accoutumé, il en souffrait réellement - sentiment, qui, dans les classes moyennes, passe pour la foi.
Afficher en entierPersonne ne voudrait peut-être d'un tel amour, mais il ne pouvait en avoir honte, parce que cet amour c'était "lui", ni son corps ni son âme, mais tout son être qui s'exprimait à travers l'un et l'autre.
Afficher en entierIl avait vécu dans le mensonge. Ou plutôt il avait vécu de mensonges. Les mensonges sont la pâture habituelle de la jeunesse, et il s’en était nourri avidement. Il vivrait loyalement, même si personne désormais n’en avait cure, simplement pour la beauté de la chose. Il essayerait de ne plus se mentir à lui-même. Il ne prétendrait plus – pour commencer – qu’il était attiré par les femmes, alors que seuls les hommes l’attiraient. Il n’aimait et n’avait jamais aimé que les hommes.
Après cette crise, Maurice devint un homme. Jusque-là – si tant est qu’on puisse évaluer les êtres humains –, il n’avait jamais été digne d’affection : il était conventionnel, mesquin, déloyal avec les autres parce qu’il l’était avec lui-même. Il avait maintenant à offrir ce qu’il y a de plus précieux. L’idéalisme et la sensualité entre lesquelles il se débattait, adolescent, s’étaient finalement fondus en un tout harmonieux et transformés en amour. Personne ne voudrait peut-être d’un tel amour, mais il ne pouvait en avoir honte, parce que cet amour c’était « lui », ni son corps ni son âme, mais tout son être qui s’exprimait à travers l’un et l’autre.
Afficher en entierIl regrettait de ne pas avoir hurlé tant qu’il en avait la force et jeté bas cette façade de mensonges. Que lui importait d’être lui aussi compromis ? Sa famille, sa position sociale – pendant des années elles n'avaient compté pour rien à ses yeux. Il était un hors-la-loi sous son masque. Peut-être, parmi ceux qui jadis s’exilèrent dans les bois, y avait-il deux rebelles comme lui.
Parfois, il caressait ce rêve. À deux, on peut défier le monde.
Oui, le plus atroce, ce serait la solitude.
Afficher en entierIl avait en lui ce penchant qui entraîna la perte de Sodome : jamais il ne s’y livrerait mais pourquoi entre tous les chrétiens ce châtiment lui avait-il été infligé, à lui ?
Il pensa d’abord que Dieu voulait l’éprouver et qu’il le récompenserait s’il ne blasphémait pas. Il courba donc le front, jeûna, et se tint éloigné de tous ceux qui l’attiraient. Sa seizième année fut une torture constante. Il n’en parla à personne mais finalement il tomba malade et dut quitter l’école. Pendant sa convalescence il devint amoureux d’un cousin qui venait lui tenir compagnie, un jeune marié. C’était sans espoir, il était damné. Bien qu’il eût toujours réfréné ses désirs, jamais il ne se méprit sur leur nature. Son corps, il était capable de le maîtriser, mais son âme malade se riait de ses prières.
Afficher en entier[...] Ses garçon formaient pour lui une race, petite certes, mais achevée, tels les pygmée de Nouvelle-Zelande.
Afficher en entierPuis les ténèbres se refermèrent, éphémères ténèbres de l’enfance qui précèdent l’aube douloureuse de l’âge d’homme.
Afficher en entiersi le désir faisait fi des barrières sociales, la civilisation telle que nous l’avons conçue s’écroulerait. p.232
Afficher en entieret l'enfant retombe dans un profond sommeil d'où rien ne pourra le tirer avant son heure.
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