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Ça fait longtemps que je ne me suis pas regardé dans un miroir. Je vérifie que je suis toujours aussi blond. Que j’ai les yeux toujours aussi bleus. Rien n'a changé.
Si, un détail : je pleure.
Pour la première fois, je pleure. Est-ce que ça signifie que je suis devenu un enfant comme les autres ?
Lukas avait pleuré lui aussi, le jour où, à l'infirmerie de Kalish, je lui avais raconté mon histoire. La première partie, celle que j'avais vécue avant de le connaître. Ce jour là il m'avait dit : Spoiler(cliquez pour révéler)"Il faudra qu'on témoigne, tous les deux. Moi, pour ce qu'ils font aux Polonais et aux Juifs; toi, pour ce qu'ils t'ont fait."
J'ai tenu ma promesse.
Je n'avais pas compris pourquoi Lukas avait pleuré en écoutant mon histoire. Je n'avais pas non plus compris la signification du mot "témoigner". Maintenant, si. Normal. J'ai grandi. J'ai neuf ans et demi. Et je crois bien qu'en temps de guerre, pour un enfant, les années comptent double.
Afficher en entierHé! Tu sais à quoi ça sert les livres? Ça sert à être lus, pas à être brûlés comme le font tes potes en hurlant comme des sauvages.
Afficher en entier"Je n'ai pas eu de chagrin après la mort de la femme blonde. Je n'ai pas eu de chagrin après la mort du Führer;
Mais après celle de Lukas, oui, j'en ai.
Maintenant, maintenant seulement, je me sens orphelin. Terriblement, foutrement ORPHELIN."
Afficher en entierPeut-être après tout que "homme" et "monstre", c'est la même chose?
Afficher en entierNotre Führer bien-aimé a dit : "Nous devons construire un monde nouveau ! Le jeune Allemand du futur doit être souple et élancé, vif comme un lévrier, coriace comme du cuir et dur comme de l'acier de Krupp !"
Voilà. C'est exactement ce que je veux : être souple. Élancé. Vif. Dur. Coriace. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d'aimer. Je combattrai au lieu de prier.
Afficher en entierCependant lorsque le silence retombe, une appréhension me saisit. Ce silence ne va-t-il pas être interrompu par un cri? un coup de feu? un mouvement de panique prouvant qu'un incident est survenu dans le groupe de l'Oberschule? J'imagine Lukas refusant de prêter serment. Ou déformant le serment. Criant haut et fort quelque chose comme :
"La destruction de votre putain d'Allemagne et de son Führer de merde deviens à présent le but de tous mes efforts. Je lui foutrai sur la gueule aujourd'hui, demain, éternellement!"
Je l'imagine crachant à la figure de l'officier qui lui remet son poignard... En un mot, je l'imagine déjà glisser de son fil et tomber dans le vide.
Je tends l'oreille. Je guette. Jette des regards furtifs aux alentours.
Rien. Tout semble normal. Lukas ne s'est pas fait remarquer.
Afficher en entierDifficile de savoir s'il faut avoir peur de mourir ou se réjouir de combattre. Ou avoir peur de se battre en se réjouissant de mourir.
Afficher en entier"Je suis l'enfant du futur. L'enfant conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d'autre que la force et la rage.
Heil Hitler!"
Afficher en entier"Faites un cadeau utile, offrez un cercueil!"
Le mot d'ordre de ce Noël 1944.
Afficher en entierQui est au juste cette femme ? Une Juive ? Une Tzigane ?... Impossible ! Elle a les yeux bleus... À moins que... À moins qu'il n'y ait des Juifs et des Tziganes aux yeux bleus ? La nature peut-elle donner lieu à de telles aberrations ?
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