Maxime et les gardiens des Mondes, livre1 : Le testament

La dispute, le divorce

Maxime ABOTTE a 10 ans cette année ! Il vit près de Paris dans un petit village se nommant Sept-Sorts. C’est un nom magique, disent certains anciens de cette commune. Sa maison est l’une des plus anciennes. Elle est haute de trois étages et se trouve à l’angle de la rue de la Paix. Elle possède la particularité d’avoir une fenêtre ronde tout en haut du pignon principal, juste sous les toits.

C’est là que Maxime avait l’habitude de jouer quand il était petit. C’est une sorte de grenier, là où l’esprit d’un enfant y découvre un monde extraordinaire. Un endroit où l’imagination peut créer un univers à l’image des plus grands rêves.

Mais Maxime n’y joue plus depuis longtemps… Le temps a passé et il se sent très seul maintenant. Une plaque à l’entrée de la demeure indique pourtant qu’elle s’appelle « L’espérance ». Maxime sait ce qu’est l’espérance… et chaque jour il attend que cette maison la lui apporte.

Il y a deux ans que son frère Damien est mort, lors d’un accident de la route. Depuis ce terrible jour, ses parents, Laure et Philippe, se disputent à tout rompre. À qui la faute ? Personne ne pourra jamais répondre à cette question. Alors, pourquoi ne pas faire la paix ? Il ne sait plus quoi faire. Il se sent paralysé. Qui sont maintenant ses parents ? Il ne les reconnaît plus. Sont-ils devenus mauvais ? Toutes ces interrogations tournent dans sa tête chaque jour lorsqu’il les entend se faire les pires reproches, s’insulter avec des mots qui lui étaient jusque-là interdits de prononcer !

Maxime prend son petit déjeuner, seul. Les céréales dans une petite assiette blanche, un verre de lait et une pomme… Chaque jour la même chose ! Mais, depuis plusieurs mois, il ne mange plus que quelques graines, car il sent une boule au fond de son ventre qui l’empêche d’engloutir le repas qu’il préférait fut un temps, comme il avait l’habitude de le faire avant, lorsque sa mère lui préparait des crêpes ou des gaufres. Il a mal, mais ne dit rien. Il ne pleure pas. Il prend ses clés et chaque jour, il part pour l’école sans dire un mot. Sa montre sonne, il doit partir.

Il y va seul cette année, car elle est au bout de la rue et ses parents lui ont précisé qu’il était assez grand pour faire les 145 mètres qui le séparent de la porte de son établissement.

Chaque matin, à 7 h 45 précisément, il dit au revoir à sa mère qui, absorbée par ses pensées, ne lui répond jamais. Il est devenu comme transparent. Il n’existe plus. Est-il responsable ? Pourquoi elle, qui le cajolait, il n’y a pas si longtemps, ne lui parle plus ? Lorsqu’il lui pose une question, elle feint même de ne pas l’avoir entendu… Avec son père, c’est pire, car il crie à longueur de journée. Jamais rien ne lui convient, si bien qu’il ne lui adresse plus la parole. Maxime est seul, maintenant ! Il ne comprend pas. C’est ça, devenir grand ? se demande-t-il.

Il fait froid ce matin. Maxime est dans sa chambre et pour la première fois, il pleure. Il pleure parce que ses parents se disputent encore, comme d’habitude. Mais au-delà des controverses, ils sont en train de parler de séparation, de divorce!

C’est quoi le divorce ? Sera-t-il obligé de choisir avec qui il devra vivre ? Comment faire ce choix qui lui est impossible ?

Il prépare difficilement ses affaires pour l’école et descend sans faire de bruit. Il se dirige vers la cuisine pour prendre son petit déjeuner, même s’il n’a pas vraiment faim. Il ne peut pas partir sans écouter. Il veut savoir ce qui se passe.

Laure est dans tous ses états ; elle court dans tous les sens. Philippe est assis au bar, impassible, le regard noir ; il boit son café. Il ne voit même pas Maxime passer devant lui. Il semble tranquille ; pourtant, il s’apprête à lancer une phrase, une terrible phrase !

— Ma pauvre fille, tu me fais vraiment pitié ! Regarde-toi, tu ressembles à une folle… je me demande encore comment j’ai pu t’aimer un jour ?

Il l’a dit ! Philippe n’aime plus Laure ! Son père a clairement dévoilé la pire des nouvelles. Et qu’en est-il de Maxime ? Est-ce que c’est la même chose ? Philippe n’aime plus sa famille ?

Laure ne fait pas attention, elle monte et descend les escaliers en cherchant quelque chose. Elle marmonne, mais Maxime ne comprend pas ce qu’elle dit. Il n’ose pas lui parler et il n’ose pas partir non plus.

Il veut entendre la suite. Il veut comprendre. Il reste là, immobile, dans la cuisine, un paquet de céréales dans la main.

C’est bientôt Noël. Il n’a écrit qu’un seul souhait sur sa liste. Il a demandé un animal. Un compagnon pour se sentir moins seul ! Ses parents ne lui ont pas répondu. Maxime ne comprend pas tous les mots de cette discussion. Il se demande de quelle manière sa vie va changer. Ne va-t-il plus avoir le choix de rien ?

Une chose est sûre pourtant : plus personne ne l’écoute depuis plusieurs mois. Il a la sensation de disparaître peu à peu avec le temps.

— Maman…

Laure ne l’écoute pas comme de coutume, et s’adresse à son mari.

— De toute façon Philippe, cela n’a plus d’importance. Nous allons divorcer. Je n’en peux plus. Je suis fatiguée de cette situation. Je ne t’aime plus non plus, sache-le !

Elle l’a dit, elle aussi ! Les choses tournent au cauchemar. Un bruit sourd retentit dans la cuisine. Laure se retourne et voit Maxime.

Il est là, planté dans l’entrebâillement de la porte, fixant ses parents les larmes aux yeux. Les céréales sont tombées sur le sol et maculent le carrelage de petites étoiles de toutes les couleurs. Le soleil les fait briller sur le sol, comme pour embellir le carrelage, dirait Maxime qui a de l’imagination, mais là, il n’a pas envie de parler.

— Maxime, tu n’es pas encore parti. Mais, tu vas être en retard à l’école.

— Mais maman… Vous allez divorcer ?

— Maxime, cela n’est pas une discussion pour toi mon chéri… Allez, va à l’école.

Il a l’impression qu’il va perdre toute sa vie. Est-il obligé de suivre les plans des adultes sans rien dire ? N’a-t-il pas un avis à donner sur son avenir ? Changer de maison, d’école… et ne plus voir ses amis ! Bon, même s’il n’en a pas ! Et pour Noël ? Il pense à son cadeau pour se raccrocher à quelque chose de positif.

— Je voulais savoir… Tu sais, c’est bientôt Noël et j’aimerais avoir un chien ou même un chat. Je me sens souvent seul, et avec tout ça… alors, avoir un compagnon, ce serait cool. Tu es d’accord ?

Sa mère le pousse. Elle l’attrape par son tee-shirt fermement et le dirige vers la porte sans répondre. Elle semble en colère qu’il ait entendu ses paroles.

Mais qu’est-ce qui se passe ?

— Maman, attends ! Mais, je ne peux pas partir !? Maman !

Maxime se retrouve sans manteau, sans chaussures ; il n’a même pas eu le temps de prendre son sac d’école que sa mère l’a poussé hors de la maison. Elle a refermé la porte. La réponse à sa question est donc claire : il n’aura pas de chien pour Noël. Il a regardé son visage, elle pleurait. L’annonce de son père a été comme un couperet pour elle. C’est la fin ! Elle a ensuite prononcé les mêmes mots qui allaient définitivement changer sa vie et celle de Maxime en particulier. Il sonne. Il ne pouvait pas partir à l’école sans ses affaires et en chaussettes !

— Oh ! Désolée, voilà tes affaires… Maxime, va-t’en, s’il te plaît. Ne te mets pas en retard. Nous discuterons de tout ça plus tard. Et ne t’inquiète pas !

Elle pleure. C’est le divorce !