Maxime et les gardiens des mondes, livre 3 : Le cercle de l'étoile

L’arrivée de Camille

Le lendemain… Vers sept heures du matin, lorsque Joseph se lève pour préparer les petits déjeuners de la famille Abotte, il jette un coup d’oeil machinalement par la fenêtre du salon.

Il fronce les yeux un instant, croyant distinguer au loin deux personnes. À regarder de plus près, il aperçoit la silhouette de deux femmes. L’une d’elles porte une très grosse valise et peine à marcher sur le chemin boueux qui mène au manoir. Elle est suivie par une plus jeune qui pourrait être sa fille. Même de loin, toutes les deux semblent très pâle. Elles avancent d’un pas hésitant et paraissent inquiètes, car elles scrutent de tous côtés les environs.

Joseph descend rapidement pour aller à leur rencontre. Il ouvre à peine la porte lorsqu’elles arrivent sur le perron. Il les observe attentivement et ne peut s’empêcher de remarquer leur nervosité.

— C’est pourquoi ? demande-t-il, d’un ton peu aimable.

— Bonjour, je vous prie de m’excuser pour le dérangement, je m’appelle Jane, dit la femme, et j’ai autrefois été au service de M. Blanchard. Je souhaiterais le voir pour savoir s’il avait une place de disponible aujourd’hui.

Joseph est intrigué. Il ne se souvient pas de cette personne et cela fait pourtant un certain nombre d’années qu’il travaille ici. Il l’invite à entrer ainsi que la jeune fille qui l’accompagne.

— Suivez-moi, s’il vous plaît.

Joseph les escorte jusqu’au petit salon sans un mot. Jane ne pose pas plus de questions et le talonne, un peu surprise de l’accueil.

Soudain, elle regarde, gênée, l’état de ses chaussures et tente de marcher sur la pointe des pieds pour ne pas mettre de la boue partout. Immédiatement, elle se retourne vers sa fille qui enlève simplement les siennes et continue pieds nus. Elles rient doucement en faisant mine de se moquer un peu de l’intendant qui paraît si austère. Levant la tête dans tous les sens, Jane redécouvre avec nostalgie le manoir qu’elle connaissait si bien. Là où elle vécut il y a si longtemps.

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Cette époque semble pourtant incroyablement proche et le lieu lui offre le même apparat, d’une beauté presque irréelle. La décoration s’avère toutefois plus moderne que dans ses souvenirs.

— Je vais prévenir M. Abotte.

— Mais, M. Blanchard n’est plus ici ? interroge Jane, se souvenant soudainement qu’on lui avait annoncé sa disparition, il y a 4 mois.

— Hélas, Monsieur est mort, il y a quelque temps maintenant. Le manoir a été repris par son légataire.

— Ah ! Il avait un fils ?

— Non, c’est effectivement un jeune homme, mais nous ne connaissons pas ses liens de parenté avec l’ancien maître du domaine.

— Que c’est étrange, lance-t-elle sans s’en rendre compte. Euh… ! fait-elle en secouant la tête. Pardonnez-moi… ce ne sont pas mes affaires. Pourrais-je donc m’entretenir avec l’actuel propriétaire ?

— Avec ses parents plutôt, car M. Maxime n’a que 10 ans !

Jane se met à rire frénétiquement, finissant sa réponse par un gloussement rauque, la bouche ouverte. Elle ne s’imaginait pas le nouveau maître des lieux en culottes courtes. N’arrivant plus à parler, elle préfère tourner la tête et laisse Joseph en plan. Se mordant les lèvres, Jane fixe sa fille pour tenter de stopper son fou rire.

La gamine reste debout, impassible, le regard dans le vide. Perdue dans ses pensées, elle s’avance l’air hagard vers la fenêtre sans se préoccuper de l’embarras de sa mère. Elle observe la forêt sans mot dire. Pourtant, elle paraît nerveuse et triture son pull avec acharnement du bout de ses doigts, seul détail qui trahit son état émotionnel.

Joseph finit par sortir du salon, se demandant certainement si la jeune femme a toute sa tête.

Quelques minutes se passent puis Philippe arrive d’un pas vif et déterminé. Jane se lève prestement en le voyant et lui tend sa main maladroitement.

Après quelques mouvements ratés, il la lui serre chaleureusement et prend rapidement la parole.

— Bonjour Madame ! Et Mademoiselle… Joseph m’a appris que vous connaissiez M. Blanchard ? Je suis ravi de rencontrer l’une de ses amies, et de longue date, m’a-t-il dit !

— Bonjour Monsieur… Abotte, n’est-ce pas ?

— Oui, tout à fait ! Et en quoi puis-je vous être utile ? Madame… ?

— SÉNEVILLE, Jane Séneville ! Enchantée, Monsieur Abotte.

Camille sursaute en entendant sa mère se présenter. Pourquoi utilise-t-elle son nom de jeune fille ?

— Je ne tournerai pas autour du pot. J’ai exercé ici comme femme de chambre, il y a de nombreuses années. J’étais alors très jeune et M. Blanchard avait bien voulu m’aider. À l’époque, j’avais perdu mes parents et je me suis retrouvée orpheline, il fallait bien que je gagne de l’argent pour vivre.

— Il est donc question de travail, aujourd’hui encore, n’est-ce pas?

— Tout à fait ! Je suis marquée par le malheur, Monsieur, car mon mari a disparu, il y a 4 mois.

Nous avions une petite entreprise de maçonnerie et sans lui, je ne peux la continuer seule, comme vous pouvez l’imaginer. Alors, j’ai pensé que je pouvais revenir ici. M.Blanchard avait été si charitable pour moi.

— Je comprends. Écoutez... cela tombe bien. Nous cherchons, ma femme et moi, une personne pour nous aider. Nous venons d’emménager dans ce manoir qui est, pour le moment, encore un peu vaste pour nous. Nous pouvons ainsi discuter ensemble de vos conditions. Êtes-vous seule avec votre fille ?

— Tout à fait ! Excusez-moi, j’en oublie les bonnes manières, je vous présente Camille, elle a 13 ans.

— Enchanté Camille. Si tu le veux bien, Maxime, qui est l’actuel propriétaire de cette demeure, pourra te tenir compagnie le temps que nous parlions avec ta mère. Cela vous convient-il, Madame Séneville ?

— Oui, c’est parfait ! Mais appelez-moi Jane, s’il vous plaît !

Sur ces mondanités, Maxime arrive et entre dans le salon sans imaginer que son père n’est pas seul. Camille est juste derrière la porte. Il reste figé devant l’adolescente avant que Philippe n’intervienne.

— Maxime ! Tu tombes à pic ! Voici Jane et sa fille Camille. Je pense que si ta mère est d’accord bien sûr, nous allons embaucher Jane au manoir.

— Camille ! Alors, c’est toi ?

— Maxime ? réplique-t-elle, en fronçant les yeux de surprise.