Extraits

J'énonçait simplement un fai. Rien de plus. Et je pensais qu'il le savait. Pourtant , à en croire sa réaction, il a été surpris: il c'est jeté sur moi pour membrasser.

J'ai eu l'impression que le monde, qui n'avait pas tourné rond ces dernieres semaines, retrouvait enfin sa normale. J'étais dans les bras de Jesse, il m'enbrassait, et tout allait bien.Mieux que bien. Tout était parfait. Parce qu'il m'aimait.

-Jesse est mort. Et ça ne signifie pas que tu doives vivre comme si toi aussi...

-Ce n'est pas vrai, je ne...

Je n'ai pas pu finir ma phrase parce qu'au beau milieu Paul m'a embrassée.

- C'est mon premier jour ici, a déclaré Paul avec un de ses souries ravageurs. Mais j'ai la chance de connaître déjà Suze.

- Quel heureux hasard, en effet! a rétorqué Sissi, en haussant un de ses sourcils blond pâle.

Admirez la richesse de son vocabulaire : elle n'est pas rédactrice en chef du journal du lycée pour rien...

-Vous étiez dans le même bahut avant? a-t-elle poursuivi.

-Non, me suis-je empressée d'intervenir, pas du tout. On ferait mieux d'y aller maintenant sinon on va s'attirer des ennuis...

C'était apparemment le cadet des soucis de Paul. Il faut dire qu'il avait l'habitude d'être à l'origine des ennuis.

-On a vécu un truc ensemble ,Suze et moi,cet été, a-t-il expliqué à Sissi.

-Euh...salut, Sissi, ai-je répondu. Salut, Adam. C'est sympa de passer. On vous a jamais appris à frapper ?

-Je t'en prie ! a rétorqué Sissi. Pourquoi ? Parce qu'on risquerait de vous interrompre, toi et ton Jesse chéri ?

A ces derniers mots, Jesse a arqué les sourcils. Et pas qu'un peu.

-Tais-toi, Sissi, ai-je dit en rougissant une nouvelle fois.

Tu as envie de savoir, mais pas au point de risquer ta réputation.

- Je ne m'en fais pas pour ma réputation, ai-je répondu d'un ton acide (et légèrement tremblant). Mais pour ma vie. Tu as essayé de me tuer, tu as déjà oublié ?

Ayant parlé un peu trop fort, j'avais attiré les regards curieux de plusieurs élèves. Paul,lui,a affiché une mine ennuyée.

-Tu ne vas pas recommencer avec ça. Ecoute, Suze, tu me forces à me répéter ... Je suppose que tu croiras ce que tu as envie de croire, mais, je t'assure, tu étais libre de sortir de cet endroit.

- Pas Jesse, en revanche ...

- Eh bien, non pas Jesse. Mais franchement, Suze, tu ne trouves pas que tu en fais un peu trop ? Il n'y a pas de quoi se mettre dans tous ses états. Il est déjà mort de toute façon ...

- Tu ... tu me dégoûtes, ai-je riposté d'une voix qui manquait de force tant elle tremblait.

Puis je me suis éloignée. Ou plutôt, j'ai voulu. Parce que Paul m'a presque aussitôt retenue, avec son flegme habituel.

- Tu n'oublies pas quelque chose, Suze ?

J'ai tourné la tête pour le fusiller de regard.

- Si tu veux dire que j'ai oublié de te demander de ne plus jamais m'adresser la parole, oui, en effet.

- Non, je pensais plutôt à tes chaussures ..., a-t-il rétorqué avec un sourire moqueur.

Je m'apprêtais effectivement à quitter la pièce sans mes Jimmy Choo, ce qui aurait collé une crise cardiaque à Soeur Ernestine si je l'avais croisée dans les couloirs. Furieuse que ma sortie théâtrale ait été gâchée, je suis revenue sur mes pas.

- Avant de partir, Cendrillon, a poursuivi Paul sans se départir de son sourire, tu devrais peut-être récupérer ça aussi ...

Il m'a tendu mon devoir de trigonométrie. Il m'a suffi d'un coup d'oeil pour constater qu'il l'avait terminé - et les réponses devaient être correctes en prime.

- Merci, ai-je dit en le lui arrachant des mains.

Je me sentais de plus en plus mal ... C'est vrai, pourquoi étais-je autant à cran ? Et si je me trompais ?

Et si Paul n'avait pas réellement essayé de nous zigouiller, Jesse et moi ? Et s'il n'était pas le monstre que j'avais toujours cru qu'il était ? Et s'il ...

Et s'il était juste comme moi ?

Une heure de colle.

Voilà ce qu’on récolte à l’Académie pour avoir envoyé un pain à son demi-frère dans la cour du lycée, sous l’œil malheureusement attentif d’un prof.

– Je n’arrive pas à comprendre ce qui vous a pris, Susannah, a dit Mme Elkins, qui, en plus d’enseigner la biologie aux secondes, était chargée de rester à la fin des cours avec les délinquants juvéniles comme moi. Et le jour de la rentrée, en prime. Vous souhaitez vraiment commencer la nouvelle année ainsi ?

– Je suis désolé, Susannah. J’ai été si accaparé par les préparatifs pour la rentrée, sans parler des festivités consacrées au père Serra qui se tiennent le week-end prochain, que je n’ai pas jeté un seul coup d’œil à la liste des nouveaux élèves… Je suis sincèrement désolé, a-t-il ajouté en secouant sa tête chenue.

Je n’ai pas pu retenir une grimace. C’était bien joli d’être désolé. Et moi alors ? Il n’allait pas se retrouver dans les mêmes cours que Paul Slater, lui ! En anglais et en histoire, pour être précise : j’allais passer deux longues heures, chaque jour, dans la même salle que le mec qui avait essayé d’éliminer mon amoureux et qui m’aurait abandonnée dans le royaume des morts sans broncher. Sans parler des intercours ou du déjeuner. En arrondissant, ça faisait plus de trois heures quotidiennes !

– Même si je ne vois pas très bien comment j’aurais pu y changer quoi que ce soit, a repris le père Dominic en parcourant le dossier de Paul. Ses bulletins scolaires sont… remarquables. Je suis au regret de t’apprendre que, sur le papier, Paul était un bien meilleur candidat pour l’Académie que toi, lorsque tu t’es présentée ici.

– Vous ne pouvez pas juger la fibre morale de quelqu’un à partir de ses notes, lui ai-je fait remarquer.

J’étais un peu susceptible sur le sujet : devant la médiocrité de mes résultats scolaires, l’Académie avait hésité à m’accepter, huit mois plus tôt. À cette époque, ma mère m’avait annoncé que nous partions nous installer en Californie pour qu’elle puisse épouser Andy Ackerman, l’homme de ses rêves devenu depuis mon beau-père. Avant de me répondre, le père Dominic a retiré ses lunettes pour les essuyer avec le bas de sa longue robe noire. J’ai remarqué des ombres sombres sous ses yeux.

J’avoue donc que, même si j’ai un amoureux – enfin, ce terme mériterait un débat à lui tout seul –, je me suis recoiffée avant de me retourner pour voir quel beau gosse m’avait interpellée. Où est le mal ? Surtout qu’en prévision de ma rentrée en première j’avais apporté un soin tout particulier à mes cheveux et qu’ils étaient au mieux de leur forme. Ce n’est donc qu’après avoir rabattu ma sublime chevelure sur mon épaule que j’ai pivoté sur les talons… et découvert que le beau gosse en question n’était pas dans mes petits papiers.

Je suis carrément sortie de mes gonds-parce qu'il avait vu juste et que ça me brisait le cœur.

-Si tu ne dégages pas immédiatement ,ai-je lâché, les dents serrées ,je t'arrache un œil.

Il s'est mis à glousser ... et s'est arrêter dès que mon pouce est entré en contacte avec sa cornée.

Je me retrouvais donc coincée sous un mec de dix-sept ans , qui devait bien peser quatre-vingts kilos, autrement dit la position idéale si on veut prendre ses jambes à son cou.Ou si on a une morale.

J'ai réussi à détacher mes lèvres des siennes suffisamment longtemps pour lâcher,d'une voix étranglée (eh, vous avez déjà essayé de parler en étant écrasée par quatre-vingts kilos de muscles ?):

-Laisse-moi Paul.

-Allez Suze...,a-t-il répondu avec je suis au regret de vous l'apprendre des intonations passionnées.