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Je vois défiler dans ma tête une sorte de montage photo de toute ma carrière chez Harper Frankwell. J'ai commencé comme stagiaire zélée après deux années passées au sein d'une société de marketing, puis je suis passée rapidement du poste d'assistante à celui de chef de produits. Et ainsi de suite... On aurait dit que j'étais faite pour ce job, et une chose est sûre, j'adore mon métier. J'adore rédiger des communiqués de presse, manier les mots pour en tirer des phrases destinées à faire passer une image plus palpable, plus accomplie, voire plus high-tech ou plus expérimentée de nos clients. J'adore « vendre ma salade » à la presse, harceler sans en avoir l'air producteurs et rédacteurs en chef jusqu'à décrocher la victoire — ce moment fabuleux où je les vois céder et accepter de nous donner accès à leurs pages (ou à leur longueur d'onde).
Tout le monde trouvait normal, moi la première, que je me dirige tout droit vers un poste de directrice adjointe. Mon ancien patron, Jack Varner, m'a même dit que ce n'était qu'une question de mois. C'est alors que Jack a trouvé Dieu — ou quelque chose d'approchant — et qu'il a suivi cet être divin jusqu'en Californie où il suit actuellement un entraînement intensif pour devenir instructeur de Yoga Bikram. Et puis Roslyn est arrivée, anéantissant tous mes rêves de gloire professionnelle.
Nous continuons à nous toiser en silence dans la salle de conférences. Je sens une goutte de sueur se former sous la ceinture de mon pantalon, et les regards de toute l'équipe se poser alternativement sur Roslyn et moi.
Roslyn finit par baisser les yeux sur le bloc-notes posé devant elle. Je la vois barrer quelque chose d'une croix, sans doute mon avenir dans cette boîte, après quoi elle décrète que la réunion est terminée.
Evan m'attend à la porte de la salle et nous empruntons ensemble le couloir.
Afficher en entierMon Dieu, mais que se passe-t-il, ici? Je rêvais que mon mari s'occupe un peu plus de moi, et voilà que je suis confrontée quotidiennement à la passion et à la prévenance. Trop c'est trop. Il existe bien une solution entre les deux, non? Mais je me vois mal expliquer tout cela à Chris dans l'état où il est. Son regard est triste, presque douloureux.
Afficher en entierCette suggestion me fait un peu de peine. Que Dustin et Hadley s'y connaissent en quincaillerie, ça ne fait aucun doute, mais là n'est pas le problème. Le problème, c'est que mes sœurs évitent ma mère, invoquant le manque de temps. Si ma mère mentionne leurs noms, c'est uniquement pour savoir si je leur ai parlé et avoir des nouvelles de ses deux autres filles qu'elle ne connaît plus très bien.
Afficher en entierJe vois défiler dans ma tête une sorte de montage photo de toute ma carrière chez Harper Frankwell. J'ai commencé comme stagiaire zélée après deux années passées au sein d'une société de marketing, puis je suis passée rapidement du poste d'assistante à celui de chef de produits. Et ainsi de suite... On aurait dit que j'étais faite pour ce job, et une chose est sûre, j'adore mon métier. J'adore rédiger des communiqués de presse, manier les mots pour en tirer des phrases destinées à faire passer une image plus palpable, plus accomplie, voire plus high-tech ou plus expérimentée de nos clients. J'adore « vendre ma salade » à la presse, harceler sans en avoir l'air producteurs et rédacteurs en chef jusqu'à décrocher la victoire — ce moment fabuleux où je les vois céder et accepter de nous donner accès à leurs pages (ou à leur longueur d'onde).
Tout le monde trouvait normal, moi la première, que je me dirige tout droit vers un poste de directrice adjointe. Mon ancien patron, Jack Varner, m'a même dit que ce n'était qu'une question de mois. C'est alors que Jack a trouvé Dieu — ou quelque chose d'approchant — et qu'il a suivi cet être divin jusqu'en Californie où il suit actuellement un entraînement intensif pour devenir instructeur de Yoga Bikram. Et puis Roslyn est arrivée, anéantissant tous mes rêves de gloire professionnelle.
Afficher en entierJe m'appelle Billy. Pas B-I-L-L-I-E, comme Billie Holiday — un prénom de femme sensuelle qu'on prononce dans un murmure. Non, c'est B-I-L-L-Y, un prénom de petit garçon joufflu en tenue de base-ball. Le fait est que mon père aurait bien voulu de ce petit garçon joueur de base-ball ! Il ne rêvait que de mômes en boxeurs, bagarreurs et futurs chasseurs. Mais tout ce dont il a hérité, c'est de trois filles.
Alors il nous a donné des prénoms de mecs. (Ma mère prétend avoir été dans un état comateux à cause des drogues puissantes qu'on donnait alors aux accouchées...)
Il nous a appelées Dustin, Hadley et Billy. J'ignore quel résultat il comptait obtenir en choisissant des prénoms masculins — peut-être une sorte de miracle génétique post partum. Ou bien espérait-il nous voir, mes sœurs et moi, nous transformer pendant la nuit en charmants petits garçons... Notez bien, ça a failli marcher avec mes sœurs. Dustin et Hadley sont de grandes femmes maigrichonnes qui dirigent des entreprises la semaine et courent le marathon le week-end. Elle boivent du scotch, possèdent chacune au moins deux jeux de clubs de golf. Je les vois très bien en train de dire à leurs maris respectifs :
— Je me fiche de ce à quoi ressemblent les rideaux, tout ce que je te demande, c'est de ne pas dépenser plus de dix mille dollars.
Afficher en entierLa tour Sears est à présent dotée d'un impressionnant système de sécurité. Normal... La dernière fois qu'elle est venue ici, elle était étudiante en première année. Sa copine et elle ne se préoccupaient alors que de leur prochaine sortie en boîte, plus soucieuses de déguster un bon petit vin de Boone's Farm que d'admirer le panorama depuis la terrasse.
Aujourd'hui encore, elle a la tête ailleurs. Elle a un truc très important à faire.
Elle fait la queue devant l'ascenseur, derrière un groupe de mômes hilares mâchouillant leur chewing-gum en faisant des bulles, quelques routards venus d'Australie et deux touristes japonais agrippés à leurs guides touristiques comme à des bouées de sauvetage.
Elle tient l'objet dans la main droite, de peur de le perdre au fond de son sac. Il suffit qu'elle ait une seconde, rien qu'une seconde à elle, pour pouvoir s'en débarrasser.
Une guide se tient près des portes de l'ascenseur. C'est une jeune femme noire portant un pantalon moulant terriblement sexy avec le chemisier de l'uniforme de la tour Sears. On la dirait prête à se saisir d'un micro pour devenir la prochaine idole des jeunes Américains.
La guide crie d'une voix haut perchée, en insistant sur le dernier mot :
— Par ici !
La terrasse panoramique occupe tout le dernier étage de la tour Sears. Elle est entourée d'immenses baies vitrées courant du sol au plafond. Au centre, deux expositions retracent toute l'histoire de la ville de Chicago.
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