Extraits

-Papa ? gémit la fillette, des larmes commençant à rouler sur ses joues. Bouh est blessé.

-Je sais ma chérie, mais...

-J'ai appelé la marchecorps Wolfgard, annonça Henry Beargard dans un grondement en émergeant du passage voûté. Elle nous retrouvera au cabinet médical et fera de son mieux.

-Mais c'est un ours ! geignit Lizzy.

Un peu plus de rembourrage jaillit des déchirures de la peluche.

-Moi aussi, répliqua Henry. Mais je suis le seul Grizzli de l'Enclos. Quand je me fais mal, la Louve s'occupe de moi.

[...]

-L'ours Bouh est malade, décréta Henry. Il doit se faire soigner.

Après quoi il se glissa chez Meg en passant par la porte de la cuisine, et la trouva arc-boutée sur la table.

— Meg ?

Il s’élança vers elle.

— J’ai des courbatures partout, déclara-t-elle en clignant des yeux. Même aux fesses. Pourtant, je n’ai rien fait avec mes fesses. Pourquoi est-ce qu’elles me font mal ?

— Aucune idée.

Tandis qu'ils marchaient en direction du groupe qui les attendait près des voitures, sa main effleura celle de Meg. Il hésita un instant, puis lui prit la main, prêt à la relâcher si Meg se mettait à grogner. mais, après un regard surpris, elle sourit et enroula les doigts autour des siens.

-Ce n'était pas très délicat, fit remarquer Steve.

-Si, rétorqua Simon. C'est la menacer de la dévorer si elle ne partait pas sur-le-champ qui aurait été indélicat, vu que les employés ne se mangent pas.

Les coups redoublèrent d’intensité.

Meg se réveilla en sursaut, rattrapant de justesse le livre qui avait glissé de ses genoux avant qu’il tombe sur le crâne déjà endolori de Simon. Après avoir posé l’ouvrage sur le côté, elle se leva du canapé, puis contourna pattes et queues pour répondre à celui ou celle qui frappait à la porte.

Simon et Nathan remuèrent, allant jusqu’à faire mine d’essayer de se redresser pour défier l’intrus.

— Vous deux, lança-t-elle en les pointant du doigt. Couchés.

Elle marcha jusqu’au battant, qu’elle ouvrit en maugréant :

— Ce n’est pas pour rien que je n’avais pas fermé à clé.

Steve Batelier la dévisagea.

— Vous vous êtes coupé les cheveux.

Meg poussa un soupir exaspéré.

— Oui, ça ressemble à du duvet de louveteau. Et, non, vous ne pouvez pas toucher.

Il s’efforça à grand-peine de ne pas sourire. Soudain, un bruit leur indiqua qu’au moins un des Loups tentait de se lever.

— Simon, couché ! ordonna Meg d’un ton sec.

S’ensuivit une protestation agacée qui n’en était pas moins un geignement.

— Il doit se reposer, je ne vais pas entrer, déclara Steve. Tous les journaux parlent de l’attaque du marché aux puces. Je suis passé pour vous dire que les Intuits et les Autres de Great Island sont prêts à vous fournir toute l’aide dont vous pourriez avoir besoin. Et aussi pour vous apporter ça. (Il posa un grand panier dans le vestibule.) Des biscuits pour eux, dont certains tout frais à la camomille, et quelques sandwichs et pâtisseries pour vous.

— Merci.

Il baissa les yeux sur son genou.

— Ça va ?

Elle contempla le volumineux bandage destiné à empêcher les Loups de lécher la plaie.

— C’est superficiel. Je suis tombée dans l’escalier alors que j’essayais de localiser l’origine de ma démangeaison.

— Et vous avez énoncé une prophétie.

— Oui.

Meg frissonna. Elle ne se souvenait pas des images qu’elle avait vues, ce qui valait sans doute mieux, mais elle ressentait encore la terreur qu’elles avaient suscitée en elle.

Tous deux sursautèrent quand Simon et Nathan se mirent à hurler.

— Ils se sont fait mal ? demanda Steve. Enfin, depuis l’incident ?

— Non, ça, ça veut dire « on veut des biscuits ».

Il fixa son regard sur Michael Debany, puis s’éloigna, attendant de l’humain qu’il le suive.

— Un problème ? s’enquit Michael.

— Merri Lee est votre compagne. Pourquoi tient-elle la main de Meg ?

Il ne se rendit compte qu’il était en colère et se sentait menacé que lorsqu’il s’entendit gronder ces mots.

Michael cilla, hésita un moment, mais n’eut aucun mouvement de recul.

— C’est un truc de filles. Un signe d’amitié. De réconfort. De la communication non verbale.

Simon étrécit les yeux.

— Vous n’êtes pas une femelle, et vous tenez la main de Merri Lee. C’est un signe d’amitié ? Michael ébaucha un sourire.

— Oui. Mais, entre moi et Merri Lee, c’est aussi romantique.

« Romantique ». Il devrait y réfléchir plus tard. Pour l’instant, il devait se concentrer sur un autre sujet.

Steve se passa les mains sur le visage.

- Tout le monde au village a peur. Peur à en pisser dans son pantalon, et nous avons besoin d'aide.

Simon se retint au dernier moment de se baisser sous la table pour renifler, une réaction qui fit naître un sourire sur les lèvres de Steve.

- C'est une expression, précisa-t-il. Ça veut dire que nous avons très peur.

Au moins, Meg avait l’air de se sentir mieux. Le docteur Lorenzo avait enveloppé son genou d’un bandage moins volumineux, principalement destiné à garder la plaie propre et dissuader quiconque de la lécher.

Simon s’en était abstenu la veille au soir, quand Meg s’était assoupie sur le canapé. Nathan aussi. En revanche, ils avaient passé la langue sur la main et le pied qui pendaient juste devant leur museau, ce qui les avait suffisamment apaisés pour dormir pendant quelques heures avant que la douleur les tire du sommeil. Ça ne lui avait pas semblé prêter à mal, et, si elle avait été éveillée, Meg aurait autorisé quelques coups de langue à titre médicinal, il en était persuadé. Cela dit, il aurait peut-être dû lui demander d’abord la permission, car, après tout, Meg n’était pas un flacon de médicament.

À un autre moment, il se serait amusé de voir Meg dans son humeur de bison colérique, avec son duvet de louveteau sur la tête et son regard gris déterminé, mais à présent…

S’il te plaît, ne me tape pas, pensa-t-il. Il éprouva un sentiment de reconnaissance envers Vlad lorsque celui-ci s’interposa entre les Loups et la prophétesse du sang.

— Tu as raison. Je ne peux pas savoir. Et je ne peux pas me couper chaque fois qu’un de mes amis a un choix à faire.

— Non, en effet. (Il lui caressa les cheveux et la gratta doucement derrière l’oreille.) Tu te sens mieux, maintenant ?

— Un peu, répondit-elle avant d’afficher un mince sourire. Suffisamment pour ne plus faire de nœud dans les poils de Nathan.

— *J’étais inquiet*, se justifia l’intéressé depuis l’accueil.

— *À raison*, assura Simon. *Mais Meg a l’air embarrassée, comme un écureuil qui est tombé d’un arbre et tente de faire croire qu’il l’a fait exprès.*