Messer

Ce recueil n'est selon moi pas destiné aux afficionados du groupe, mais bien aux personnes qui apprécient l'indéniable qualité littéraire du chanteur.

Messer est un ouvrage que je juge perturbant, en bien, et ce à plus d'un titre : son genre me paraît inédit - je n'ai en tout cas jamais lu de poésie similaire - et la plume est aiguisée. À travers ce recueil, l'auteur-poète paraît s'explorer lui-même en abordant des sujets dont il serait incapable de parler à voix haute. La dépression, le rejet de soi, le deuil côtoient l'amour et la sexualité, et chacun de ces thèmes est traité avec une gravité qui peut paraître déroutante (je pense notamment à ce poème de quelques vers décrivant un homme qui se lève, va dans sa salle de bain, se regarde dans le miroir, s'ouvre les veines et se laisse mourir par déception amoureuse ; l'enchaînement est tel quel et fait un peu l'effet d'un poing dans la poitrine tant la transition est brute).

La structure des textes elle-même déconcerte. Tantôt, la métrique et les rimes seront conventionnelles, tantôt l'auteur s'affranchit de toute règle poétique pour livrer des vers sans majuscules, ni rimes, ni ponctuation, ce qui offre une semi-prose remarquable car elle laisse les sentiments et les émotions à vif, sans retouche.

Qu'on se le dise : l'ensemble des poèmes est incontestablement pessimiste et défaitiste, ce n'est pas une lecture rafraîchissante, mais la beauté de la plume et de l'expression est saisissante. Cet ouvrage a suffit à hisser Lindemann parmi mes poètes favoris car il est, à mes yeux, brillant à la fois par son originalité et la force de ses mots. Des traductions ont souvent été tentées, et j'ai moi-même voulu proposer ma version française, mais cela m'a finalement paru impossible. C'est une œuvre très allemande et une traduction lui ferait perdre de sa puissance. L'auteur use par ailleurs de nombreux germanismes et jeux de mots qui ne peuvent guère être interprétés dans d'autres langues que celle de Conrad Ferdinand Meyer (à qui un poème est justement dédié).