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Mort ! Comme si je ne savais pas ! Comme si mes deux ans et demi m’en éloignaient, alors qu’ils m’en rapprochaient ! Mort ! Qui mieux que moi savait ? Le sens de ce mot, je venais à peine de le quitter ! Je le connaissais encore mieux que les autres enfants, moi qui l’avais prolongé au-delà des limites humaines. N’avais-je pas vécu deux années de coma, pour autant que l’on puisse vivre le coma ? Qu’avaient-ils donc pensé que je faisais, dans mon berceau, pendant si longtemps, sinon mourir ma vie, mourir le temps, mourir la peur, mourir le néant, mourir la torpeur ?
La mort, j’avais examiné la question de près : la mort, c’était le plafond. Quand on connaît le plafond mieux que soi-même, cela s’appelle la mort. Le plafond est ce qui empêche les yeux de monter et la pensée de s’élever. Qui dit plafond dit caveau : le plafond est le couvercle du cerveau. Quand vient la mort, un couvercle géant se pose sur votre casserole crânienne.
Afficher en entierIl existe pourtant des êtres qui ne subissent pas la loi de l’évolution, qui ne rencontrent pas d’accident fatal. Ce sont les légumes cliniques. Les médecins se penchent sur leur cas. En vérité, ils sont ce que nous voudrions être. C’est la vie qui devrait être tenue pour un mauvais fonctionnement.
Afficher en entierIl ne pleurait jamais. Même au moment de sa naissance, il n’avait émis aucune plainte ni aucun son. Sans doute ne trouvait-il le monde ni bouleversant ni touchant.
Afficher en entierLes parents s’amusaient du flegme de leur Plante et décidèrent de la mettre à l’épreuve. Ils cesseraient de lui donner à boire et à manger jusqu’à ce qu’elle réclame : ainsi, elle finirait bien par être forcée de réagir.
Tels furent pris qui crurent prendre : le tube accepta l’inanition comme il acceptait tout, sans l’ombre d’une désapprobation ou d’un assentiment. Manger ou ne pas manger, boire ou ne pas boire, cela lui était égal : être ou ne pas être, telle n’était pas sa question.
Afficher en entierLes seules occupations de Dieu étaient la déglutition, la digestion et, conséquence directe, l’excrétion. Ces activités végétatives passaient par le corps de Dieu sans qu’il s’en aperçoive. La nourriture, toujours la même, n’était pas assez excitante pour qu’il la remarque. Le statut de la boisson n’était pas différent. Dieu ouvrait tous les orifices nécessaires pour que les aliments solides et liquides le traversent.
C’est pourquoi, à ce stade de son développement, nous appellerons Dieu le tube.
Afficher en entierEt en quoi la masculinité était-elle si formidable qu'on lui consacrait un drapeau et un mois - a fortiori un mois de douceur et d'azalées ? Alors qu'à la féminité, on ne dédiait pas même un fanion, pas même un jour!
[...]
Je n'étais plus si sûre d'aimer le mois de mai. D'ailleurs, les cerisiers du Japon avaient perdu leurs fleurs : il y avait eu comme un automne de printemps. [...]
Mai méritait bien d'être le mois des garçons : c'était un mois de déclin.
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"- Alors pourquoi on meurt?
- Tu parles de ta grand-mère? C'est normal de mourir quand on est vieux.
-Pourquoi?
-Quand on a beaucoup vécu, on est fatigué. Mourir, pour un vieux, c'est comme aller se coucher, c'est bien.
-Et mourir quand on est pas vieux?
-ça, je ne sais pas pourquoi c'est possible."
Afficher en entierIl existe pourtant des êtres qui ne subissent pas la loi de l'évolution, qui ne rencontrent pas d'accident fatal. Ce sont les légumes cliniques. Les médecins se penchent sur leur cas. En vérité, ils sont ce que nous voudrions être. C'est la vie qui devrait être tenue pour un mauvais fonctionnement.
Afficher en entierDepuis le commencement de l'univers, Dieu dormait dans la chambre de ses parents. Il ne les gênait pas, c'était le moins qu'on pût dire. Une plante verte eût été plus bruyante. Il ne les regardait même pas. Le temps est une invention du mouvement. Celui qui ne bouge pas ne voit pas le temps passer.
Afficher en entierEn quoi tous se trompaient. Car les plantes, légumes compris, pour avoir une vie imperceptible à l'œil humain, n'en ont pas moins une vie. Elles frémissent à l'approche de l'orage, pleurent d'allégresse au lever du jour, se blindent de mépris lorsqu'on les agresse et se livrent à la danse des sept voiles quand la saison est aux pollens. Elles ont un regard, c'est hors de doute, même si personne ne sait où sont leurs pupilles.
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