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Le nombre de places au paradis était limité, seul l'enfer était ouvert à tous.
Afficher en entierBrise ta montre et tu verras : le temps se transformera et tu ne le reconnaitras plus. Il cessera d'être fractionné, disloqué en morceaux, en heures, en minutes, en secondes. Le temps, à l'instar du mercure, retrouve son caractère uni et indéfini lorsqu'on le fractionne. Les hommes l'ont dressé, accroché au bout d'une chaîne de montre, et, pour ceux qui le tiennent en laisse, il s'écoule uniformément. Mais fais l'essai de le libérer et tu verras : le temps s'écoule différemment pour chacun. Lentement et poussivement pour certains, décompté par le nombre de cigarettes fumées, au rythme des inspirations et des expirations ; pour d'autres, il vole et on ne peut le mesurer que par les incarnations vécues.
Afficher en entier« J’ai lu quelque part que Kalachnikov était fier de son invention, car sa mitraillette était la plus populaire au monde. Il se disait heureux que grâce à son arme les frontières de la mère patrie ne courent plus aucun danger. Je ne sais pas, si j’avais inventé un truc comme ça, si je n’en aurais pas perdu la raison. Imaginer seulement que c’est avec un engin que t’as conçu que sont perpétrés la plus grande partie des homicides sur terre ! Je crois que c’est encore plus effrayant qu’être l’inventeur de la guillotine. »
Une balle, un mort. Une vie qu’on enlève à quelqu’un. Cent grammes de thé : cinq vies. Un saucisson ? Je vous en prie, c’est une broutille : dix vies. Un blouson de cuir de qualité, aujourd’hui en promotion, au lieu de trois cents, seulement deux cent cinquante ! Vous économisez cinquante vies de vos congénères. Le fonds de roulement quotidien de ce marché devait égaler la population de l’ensemble du métro.
Afficher en entier- Vois-tu, Artyom, tu viens manifestement d’une station où les horloges sont en état de marche, où tout le monde les consulte avec vénération et ajuste l’heure de sa montre de poignet aux chiffres rouges au-dessus du tunnel. Vous disposez d’une heure commune tout comme d’un éclairage commun. Ici, tout est à l’envers : personne ne se soucie des autres. Personne ne doit fournir la lumière à tous ceux qui ont échoué ici. Celui qui a besoin de lumière doit l'apporter avec lui. Il en va de même pour l'heure : celui qui a besoin d'une heure, celui qui redoute le chaos, apporte son heure avec lui. Ici le temps est une denrée personnelle, à chaque individu le sien, et toutes les heures sont différentes : tout dépend du moment où chacun en a perdu le compte. Mais tous ont raison. Et chacun a foi dans son heure et ajuste sa vie à son rythme. Pour moi c'est le soir, pour toi le matin, et après ? Tes semblables et toi gardez vos montres durant vos pérégrinations avec autant de précautions que les hommes des temps jadis conservaient une braise qui se consumait dans un crâne déifié en espérant en tirer à nouveau un feu. Mais il en est d’autres qui ont perdu ou peut-être jeté leur braise. Tu sais, dans le métro, par essence, c’est la nuit permanente et, pour cette raison, le temps, ici, n’a plus aucun sens si on arrête de le compter minutieusement. Brise ta montre et tu verras : le temps se transformera et tu ne le reconnaitras plus. Il cessera d'être fractionné, disloqué en morceaux, en heures, en minutes, en secondes. Le temps, à l'instar du mercure, retrouve son caractère uni et indéfini lorsqu'on le fractionne. Les hommes l'ont dressé, accroché au bout d'une chaîne de montre, et, pour ceux qui le tiennent en laisse, il s'écoule uniformément. Mais fais l'essai de le libérer et tu verras : le temps s'écoule différemment pour chacun. Lentement et poussivement pour certains, décompté par le nombre de cigarettes fumées, au rythme des inspirations et des expirations ; pour d'autres, il vole et on ne peut le mesurer que par les incarnations vécues. Tu penses que c’est le matin ? Il y a une certaine probabilité que tu aies raison : elle est à peu près d’un quart. Néanmoins ce matin-là n’a aucun sens puisqu’il n’existe que là-haut, à la surface, où il n’y a plus de vie. En tout cas, où il n’y a plus d’humanité. Ce qui se passe à la surface revêt-il de l’importance pour ceux qui ne s’y rendent jamais ? Non.
Afficher en entierPolis était une entité unique dans le métro. C'était le seul endroit où il était possible de rencontrer des gardiens des savoirs anciens, qui n'avaient pas d'applications dans ce rude monde nouveau dont les règles avaient changé. Ces connaissances devenaient, pour les habitants des autres stations et plus généralement du métro, s'enlisant petit à petit dans le chaos et l'ignorance, parfaitement inutiles, tout comme ceux qui les détenaient. Chassés de partout, ils ne trouvaient refuge qu'à Polis où ils étaient toujours accueillis à bras ouverts car le pouvoir y était détenu par leurs semblables. C'était pour cette raison qu'à Polis, et seulement à Polis, on pouvait rencontrer de vieux professeurs qui occupaient autrefois des chaires dans des universités prestigieuses, aujourd'hui en ruine, que se disputaient les rats et la moisissure. Seulement là, vivaient les derniers peintres, musiciens et poètes. Les derniers physiciens, chimistes et biologistes... Ceux qui conservaient à l'intérieur de leur boîte crânienne tout ce que l'humanité avait acquis en plusieurs millénaires de développement ininterrompu. Ceux dont la mort sonnerait le glas du savoir.
Afficher en entierSpoiler(cliquez pour révéler)Je réalise qu'il est seul au monde.
Je réalise qu'il n'a que moi.
Afficher en entierToute foi n'était qu'une canne pour l'homme
Afficher en entier« Personne ne dérangeait les rats. Nul ne descendait dans leur domaine. Nul n’avait le coeur de violer leurs frontières. Mais les rats vinrent d’eux-mêmes. »
Afficher en entierCe n'est pas la mort qui effraie, c'est son attente.
Afficher en entierCelui qui trouvera en lui-même assez de patience et de courage pour scruter toute sa vie les ténèbres sera le premier à y apercevoir un éclat de lumière.
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