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La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas.
Afficher en entierSilence. Je déteste ce mot, on y entend le vacarme de ses définitions multiples. Un souffle rauque traverse ma mémoire chaque fois que le monde se tait.
Afficher en entierAh, tu sais, moi qui pourtant ne me suis jamais soucié d'écrire un livre, je rêve d'en commettre un. Juste un ! Détrompe-toi, il ne s'agirait pas d'une contre-enquête sur le cas de ton Meursault, mais d'autre chose, de plus intime. Un grand traité de la digestion. Voilà !
Afficher en entierJe veux dire que c’est une histoire qui remonte à plus d’un demi-siècle. Elle a eu lieu et on en a beaucoup parlé. Les gens en parlent encore, mais n’évoquent qu’un seul mort –sans honte, vois-tu–, alors qu’il y en avait deux, de morts. Oui, deux. La raison de cette omission? Le premier savait raconter, au point qu’il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré, que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu’il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n’a même pas eu le temps d’avoir un prénom.
Je te le dis d’emblée: celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n’en reste rien.
Afficher en entierJe crois que je voudrais que justice soit faite. Cela peut paraître ridicule à mon âge... Mais je te jure que c'est vrai. J'entends par là, non la justice des tribunaux, mais celle des équilibres. Et puis, j'ai une autre raison: je veux m'en aller sans être poursuivi par un fantôme. Je crois que je devine pourquoi on écrit les vrais livres. Pas pour se rendre célèbre, mais pour mieux se rendre invisible, tout en réclamant à manger le vrai noyau du monde.
Afficher en entierUn jour, je me suis posé une question que toi et les tiens ne vous êtes jamais posée alors qu'elle est la première clé de l'énigme. Où se trouve la tombe de la mère de ton héros ? Oui, là-bas à Hadjout, comme il l'affirme, mais où précisément ? Qui l'a un jour visitée ? Qui est remonté du livre vers l'asile ? Qui a suivi de l'index l'inscription sur la pierre tombale ? Personne, me semble-t-il. Moi, j'ai cherché cette tombe, et je ne l'ai jamais trouvée. Il y en avait des tas, dans ce village, qui portaient des noms similaires, mais celle de la mère de l'assassin est restée introuvable. Oui, bien sûr, il y a une explication possible : la décolonisation chez nous s'en est même prise aux cimetières des colons et on a souvent vu nos gamins jouer au ballon avec des crânes déterrés, je sais. C'est presque devenu une tradition ici, quand les colons s'enfuient, ils nous laissent souvent trois choses : des os, des routes et des mots - ou des morts... Sauf que je n'ai jamais retrouvé la tombe de sa mère à lui. Est-ce que ton héros a menti sur ses propres origines ? Je crois que oui. Cela expliquerait son indifférence légendaire et sa froideur impossible dans un pays inondé de soleil et de figuiers. Peut-être que sa mère n'est pas celle que l'on croit. Je sais que je dis n'importe quoi, mais je te jure que mon soupçon est fondé. Ton héros parle avec tant de détails de cet enterrement qu'il semble vouloir passer du compte-rendu à la fable. On dirait une reconstruction faite main, pas une confidence. Un alibi trop parfait, pas un souvenir. Tu te rends compte de ce que cela signifierait si je pouvais prouver ce que je suis en train de te dire, si je pouvais démontrer que ton héros n'a même pas assisté à l'enterrement de sa mère ? J'ai interrogé, des années plus tard, des natifs d'Hadjout et devine, personne ne se souvient de ce nom, d'une femme morte dans un asile et d'une procession de chrétiens sous le soleil. La seule mère qui prouve que cette histoire n'est pas un alibi, c'est la mienne, et elle est encore en train de balayer la cour autour du citronnier de notre maison.
Afficher en entierLa nuit vient de faire tourner la tête du ciel vers l'infini. C'est le dos de Dieu que tu regardes quand il n'y a plus de soleil pour t'aveugler.
Afficher en entierTu peux en rire : être revendeur d'un silence de coulisse alors que la salle est vide.
Afficher en entierLes femmes ont l’intuition de l’inachevé et évitent les hommes qui prolongent trop longtemps leurs doutes de jeunesse.
Afficher en entierRentrons, jeune homme. Généralement, on dort mieux après l’aveu.
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