Milady présente Les Essentiels de la Romantica #1

Chapitre premier

JOSS BRECKENRIDGE EXAMINA SON REFLET DANS LE miroir. Elle se sentait nerveuse, bien qu’elle n’ait aucune raison de l’être. Elle n’attendait personne. Personne à part Dash, bien sûr. Il ne lui avait rien confirmé, mais elle savait qu’il viendrait la chercher, tout comme il l’avait fait en cette journée bien particulière, les deux années précédentes. Il l’emmènerait au cimetière, où elle déposerait des fleurs coupées sur la tombe de son mari.

Le bouquet se trouvait sur le comptoir, à côté d’elle. Il ne lui restait plus qu’à s’en saisir et à sortir de la maison. Comme l’an passé, et celui d’avant. Cette année, pourtant, elle hésitait, sachant que tout serait différent. Mais elle avait beau nourrir de l’appréhension, elle était mue par une résolution inflexible.

Elle devait passer à autre chose. Il fallait qu’elle lâche prise. C’était douloureux, et, en même temps, l’idée lui procurait un certain soulagement, comme si elle se délestait de l’énorme fardeau qu’elle portait sur les épaules. Oui, l’heure était venue de tourner la page. Tout ce qui lui restait à faire, c’était de se rendre sur la tombe de Carson et d’assumer sa décision.

Elle lissa son chemisier et fit glisser ses mains sur son jean. Ce n’étaient pas les vêtements qu’elle portait habituellement pour se rendre au cimetière, le jour anniversaire de l’enterrement de son mari. Les années précédentes, elle était tout de noir vêtue : elle avait en effet tenu à prêter un caractère solennel à ces visites.

Pourtant, elle était bien consciente que Carson n’aurait pas aimé la voir vivre dans le ressassement des souvenirs. Il aurait voulu qu’elle soit heureuse et il aurait été fort mécontent d’apprendre qu’elle le pleurait encore et qu’il lui manquait toujours terriblement.

Poussant un soupir, elle appliqua une légère touche de gloss sur ses lèvres et se fit rapidement une queue-de-cheval qu’elle releva ensuite en un chignon lâche.

C’était là son vrai visage, pensa Joss. Une apparence simple. Elle se sentait bien plus à l’aise en jean que dans les robes hors de prix et les bijoux magnifiques que lui offrait naguère son mari. Ce qu’il avait pu la gâter ! De cette époque, elle avait juste gardé le goût de la lingerie sexy dans laquelle il aimait plus que tout la contempler.

Elle ferma les yeux, refusant de regarder en arrière, de se rappeler ce qu’elle ressentait quand il la touchait, quand il promenait ses mains sur son corps, ce corps qu’il connaissait bien mieux qu’elle-même. Il savait exactement comment l’embrasser, la caresser, la satisfaire…

Il lui avait donné tout ce qu’elle pourrait jamais avoir. Son amour. Son respect. Oui, tout, à part une chose… Et c’était précisément ce dont elle avait le plus besoin. Mais jamais elle n’aurait pu le lui demander. Elle l’aimait bien trop pour exiger de lui ce qu’il était dans l’incapacité de lui procurer.

Elle secoua la tête, comme pour se débarrasser du lourd voile de tristesse qui venait de s’abattre sur ses pensées, déterminée à surmonter cette journée bien particulière et à aller de l’avant. À entamer une nouvelle vie.

Elle s’empara des fleurs et les porta à son nez, fermant les yeux pour en humer le parfum. C’étaient ses préférées, celles que Carson lui avait toujours offertes pour son anniversaire, pour fêter un événement lié à leur amour, ou bien sans raison précise, juste pour lui faire plaisir. Aujourd’hui, c’était elle qui les lui remettrait, elle les placerait sur sa tombe, et puis elle s’en irait. Pour de bon, cette fois.

Elle n’avait pas besoin de voir la froide stèle de marbre sur laquelle étaient gravées sa date de naissance et celle de sa mort pour se souvenir de son mari. Ce n’était pas la façon dont elle souhaitait se le rappeler. Elle en avait assez de se torturer elle-même en venant se recueillir sur sa tombe, et de pleurer son absence.

Elle le porterait toujours en son cœur, dans son âme. À l’avenir, c’était là qu’elle viendrait lui rendre visite, et pas sur ce tertre recouvert d’herbe sous lequel était enfoui le cercueil.

D’un pas vif, elle se dirigea vers la porte d’entrée et l’ouvrit en grand. Elle fut immédiatement éblouie par la forte lumière du soleil. Ce n’était que le printemps, mais à Houston les températures étaient déjà élevées ; elle se félicita d’avoir mis un chemisier à manches courtes au lieu de la robe noire qu’elle avait toujours portée en cette occasion.

Comme elle s’y attendait, Dash était adossé contre sa voiture, patientant. Il se redressa quand il la vit, et elle eut le temps de distinguer un éclair de surprise dans ses yeux, avant qu’il se ressaisisse et lui tende la main.

Elle glissa ses doigts dans les siens, et il les serra légèrement. Ils n’échangèrent aucune parole, c’était inutile. Tous deux avaient le cœur lourd en ce jour anniversaire, elle regrettant son mari, lui son meilleur ami.

— Tu es ravissante, Joss, lui dit Dash en ouvrant la portière passager.

Elle lui sourit, sachant bien qu’elle n’était pas particulièrement « ravissante », aujourd’hui. Il était sans doute surpris par son apparence décontractée, mais il n’émit pas le moindre commentaire à ce sujet. Il prit les fleurs et les posa délicatement sur la banquette arrière, de sorte qu’elles ne tombent pas. Puis il referma la portière passager, après s’être assuré qu’elle était bien installée.

Elle le vit contourner la voiture en un rien de temps, ses longues jambes dévorant littéralement la distance qui le séparait de la porte conducteur. Quand il se glissa alors derrière le volant, son odeur emplit soudain tout l’habitacle.