Extraits

Elle pince les lèvres, comme si elle voulait s’empêcher de sourire. J’aimerais lui dire que c’est un signe. Qu’elle a été amoureuse une fois, de moi qui plus est, et que ce n’est pas un hasard si nos chemins se recroisent. Je dois me retenir de la supplier.

Dans l’écho, j’entends clairement des myriades d’autres choses. J’entends l’amour que je porte à mon frère, si pur, si sincère, et même celui que je porte à mon père, fragile et chancelant, mais survivant aux épreuves traversées. L’amour que je porte à Noemi, plein de tendresse et de confiance. Et mon amour pour Rhett – d’une grande douceur, léger comme une plume avec, pourtant, une pointe de contrainte. Mais ce qui étouffe le reste, c’est la douloureuse certitude d’avoir, enfin, trouvé cette passion chantée dans des centaines de romans, le poids écrasant de l’amour véritable. Et cet amour, il s’incarne dans l’unique personne qu’il m’est interdit d’aimer.

- Il m’est parfaitement odieux. J’aimerais vraiment que tu m’autorises à débarrasser le palais de sa personne.

- Il te faut un nouveau hobby.

Je refuse de la livrer à la merci des éléments. Non, si elle doit mourir, ce sera de ma main. Et pour avoir le privilège de la tuer, je devais la sauver d’abord. Logique.

Les romans que j'ai lus décrivent toujours la souffrance ressentie quand on est séparé de celui ou de celle qu'on aime. Déchirante ne lui rend pas justice. Ni insoutenable. Entre voir les mots imprimés sur la page et le vivre dans sa chair, il y a un gouffre.

" Un jeune homme m'a protégée de la pluie et du froid en me prenant dans ses bras. Il m'a dit la vérité, et il m'a apporté la paix. "

" La fille que j'aime m'a aidé à faire un feu. Elle m'a donné à manger, elle m'a tenu dans ses bras. Elle a rafistolé mon cœur en miettes. Je lui dois la vie. "

"Elle se tient sous la corniche naturelle, les mains en coupe, pour y recueillir l'eau de pluie. Elle a du mal, à cause de la violence du déluge, et je décide de l'aider en glissant mes mains puissantes sous les siennes, afin de les empêcher de bouger.

Elle reste immobile, les yeux fixés sur nos mains qui s'emboîtent parfaitement, et parvient à récolter un volume suffisant d'eau qu'elle avale avec des manières de tavernier. "

L’amour ne ressemble à rien de connu. L’amour, c’est un son. La mélodie que composent deux cœurs qui battent à l’unisson. Le chant d’une cascade ou le calme du monde au lever du jour. Il vous berce avant de vous endormir et au milieu de la nuit noire de l’âme, il jaillit comme un rire.

Certains savent qu’il faut rester aux aguets s’ils veulent entendre l’amour quand il survient. Chez d’autres, il est noyé par une cacophonie. Cela prend plus de temps. Mais quand il finit par s’imposer, c’est une symphonie.

Elle se met debout d’un bond et se dirige vers l’entrée de la grotte. Alors, elle jette par-dessus son épaule un coup d’œil qu’elle agrémente d’une question qui sonne comme un ordre :

— Vous venez ?

— Certainement, Votre Altesse.

Elle se tient sous la corniche naturelle, les mains en coupe, pour y recueillir l’eau de pluie. Elle a du mal, à cause de la violence du déluge, et je décide de l’aider en glissant mes mains puissantes sous les siennes, afin de les empêcher de bouger.

Elle reste immobile, les yeux fixés sur nos mains qui s’emboîtent parfaitement, et parvient à récolter un volume suffisant d’eau qu’elle avale avec des manières de tavernier. Une fois désaltérée, elle replace ses mains sous la pluie et se débarbouille le visage avec.

— De quoi ai-je l’air ? s’enquiert-elle au bout d’un moment.

Pleine d’espoir. Les cheveux en désordre. Encore plus belle que ta mère.

— Je ne remarque pas une grande différence.

Elle hausse les épaules, un sourire goguenard aux lèvres, puis, sans un mot, elle place ses mains graciles sous les miennes et les élève vers la pluie, pour que je puisse boire à mon tour. Elle n’est pas très forte mais, ensemble, c’est plus facile. Ce contact inopiné déclenche en moi une sensation étrange.