Extraits

Tout à fait, monsieur le président. N'oubliez pas que c'est le principal éditorialiste du Times, et leur spécialiste des …tats-Unis. Ses éditoriaux sont repris dans le New York Times, le Boston Globe... L'opinion publique le suit. Si vous pouviez l'amener de votre côté...

Asseyez-vous, Mike, dit le président. Je ne tiens pas à ce que vous me réclamiez des millions de dollars de dommages et intérêts pour vous être brisé le cou. Le pilote vient de nous prévenir que ces turbulences pourraient durer encore quelques minutes.

Le mari de Laura, le commandant Jim Crawford, chef de l'escadron B, venait de rentrer son F-15 au hangar. Au premier coup d'oil, il comprit ce qui se passait. Laura lui avait souvent fait part de ses sentiments à l'égard de Reynolds, et il connaissait suffisamment sa femme pour savoir quand elle était en colère.

Il connaissait sa partie mieux que personne, aussi avait-il été chargé de la sécurité de la base. Mais il se sentait frustré, et avait le sentiment qu'aucun officier supérieur de Simonsford ne lui faisait vraiment confiance. Puis la nouvelle arriva que le président viendrait visiter la base. Depuis lors, le vieux Buzz se gonflait d'orgueil, comme si le président devait venir le voir en personne. Pourtant, le plus clair de son travail consistait à interférer avec les dispositions de sécurité que prenait Laura.

Reynolds était un type de la vieille école, un dur qui aurait été plus à sa place chez les marines. Féru de discipline, il entendait faire respecter à la lettre le règlement, y compris certains articles de son invention. Le major ne s'était jamais adapté aux changements intervenus dans l'armée au cours des dix années précédentes, et ne perdait jamais une occasion de faire savoir que s'il tolérait la présence de femmes à ses côtés, c'était parce que le règlement l'y obligeait.

Dépourvue ou non de signification, la phrase avait pincé une corde sensible aux …tats-Unis. Les Américains d'origine italienne, irlandaise, polonaise, et surtout les Juifs américains, tous y avaient entendu comme un encouragement à réaffirmer leur identité ethnique. Les Noirs et les Hispaniques le font bien, avaient-ils argué, pourquoi pas nous ? Certains prétendant qu'il dévalorisait ainsi leur identité américaine, il avait répliqué en rendant visite dans chaque pays à la base aérienne américaine la plus proche.

Le premier président juif : c'était comme dire le premier président noir, ou la première présidente, voire le premier président homosexuel. Pour certains électeurs, seule une femme rabbin noire et lesbienne aurait pu être pire. Mais, finalement, on avait voté pour lui, ou en tout cas ses électeurs avaient été suffisamment nombreux pour lui donner une majorité aussi généreuse que l'homme lui-même.

Le mari de Laura, le commandant Jim Crawford, chef de l'escadron B, venait de rentrer son F-15 au hangar. Au premier coup d'oil, il comprit ce qui se passait. Laura lui avait souvent fait part de ses sentiments à l'égard de Reynolds, et il connaissait suffisamment sa femme pour savoir quand elle était en colère.

Sa femme avait divorcé quelque temps plus tard, et il avait laissé sombrer son cabinet. Lorsqu'il s'était remis à pratiquer le droit, c'avait été pour le compte du Conseil national pour les libertés civiles, et pour un salaire équivalant à celui d'une de ses anciennes secrétaires. Mais il était efficace. L'énergie qu'il avait déployée pour défendre les coupables, il la consacrait désormais aux innocents. Il faisait casser des jugements, plaidait en appel, et avait traîné dans la boue le gouverneur d'un Etat qui avait tenté d'envoyer à la chaise électrique un innocent âgé de quinze ans.

Ce n'avait donc pas été une surprise lorsque, au lendemain de son élection, le président Waterstone lui avait demandé de prendre en charge la direction de la CIA, alors qu'il s'attendait à ce qu'on lui confie un poste au FBI. Sa nomination avait été plutôt mal accueillie au sein de l'agence, mais il avait rétabli la confiance de l'opinion envers cette institution, ce qui importait avant toute chose à Waterstone. Quant à Cohen, le fait d'être le grand manitou à Langley ne tuerait pas ses démons - rien ne pourrait y parvenir -, mais cela l'aidait à les tenir à distance.

On l'enterra trois jours plus tard au cimetière d'Arlington, sous la pluie, alors que la tempête menaçait. Aucun oiseau ne chantait, et lorsque le clairon retentit, ses notes résonnèrent comme du cristal, majestueusement, au milieu des jardins de pierre.

Le vice-président Heller lui avait accordé les honneurs militaires, faveur réservée d'ordinaire aux présidents, aux ministres de la Défense et aux personnalités de rang égal. Il n'avait pas eu le choix. Plusieurs de ses assistants le lui avaient déconseillé, mais d'instinct il avait compris qu'il valait mieux écouter l'opinion publique et non les professionnels de la politique. En trois jours, Laura Crawford était devenue le symbole de la grandeur et des vertus de l'Amérique, et Heller ne voulait pas passer pour le Vice-Président qui aurait tenté de minimiser son sacrifice.