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Voilà, ce serait pour aujourd'hui. Maggie y pensait depuis cinq ans. Une pensée obsédante, à vrai dire. Du coup, elle s'étonna d'être aussi calme. Elle n'aurait pas imaginé les choses ainsi, cela ne ressemblait pas à ce qu'on lisait dans les livres, ou à ce qu'on voyait au cinéma. Pas de sentiments exacerbés, pas de trémolos dans la bande-son, pas d'amers regrets, rien du tout. Une soirée comme les autres à la fin d'une journée normale, si tant est qu'on puisse considérer l'immobilier comme une activité normale.
Afficher en entier- Je me demande comment vous vous supportez vous-même. Vous êtes un monstre, un vampire hypocrite, une vipère sournoise et diabolique. Tant que j'y suis, les chaussures que vous portez sont passés de mode depuis les années 70, et ces boucles d'oreilles grenats ! Plus ringard que ça, on ne fait plus ! Ensuite, vous n'avez aucune déontologie. Vous êtes grossière, infâme, immonde, une menteuse, une tricheuse et une scélérate...
Pliée en deux, Babs était morte de rire.
-... à l'instant où je vous parle, vous devriez être en prison.
Maggie s'interrompit pour la dévisager.
- Maintenant que j'y pense, je me demande si vous n'êtes pas carrément psychopathe !
Ce qui fit rire Babs de plus belle, et Maggie aussi.
Afficher en entierMaggie s'adossa à la banquette pour ruminer ça. Puis elle se pencha vers Babs et lâcha d'une traite :
- Bon, je ne voudrais pas vous vexer, mais compte tenu du fait que vous n'avez aucun scrupule, aucune moralité, ni même une once de dignité, je suppose que c'est assez facile, de vous en foutre.
Babs réfléchit une seconde, puis hocha la tête.
- Exact.
Maggie poursuivit avec son sourire le plus charmant.
- En fait, vous êtes la personne la plus odieuse, la plus méprisable est la plus malfaisante que j'aie jamais rencontrée.
Babs la dévisagea.
- Vous êtes sûre ?
- Certaine. Sans l'ombre d'un doute, je n'ai jamais croisé quelqu'un d'aussi ignoble de toute ma vie, dit Maggie en brandissant l'index du juste. Vous êtes pourrie, corrompue jusqu'à la moelle. Franchement, je ne serais pas étonnée si quelqu'un vous écrasait sur un passage piéton.
Afficher en entierMaggie tenta de démentir.
- Mais non, on ne vous hait pas, Babs... Bon Dieu...
Mais alors que les trois pink squirrels firent l'effet escompté sur un estomac vide, et elle reconnut :
- Bon, si... ce n'est pas entièrement faux !
Afficher en entierVous êtes soit plus dingue, soit plus intelligente que je ne l'aurais cru. Je n'arrive pas à trancher...
Afficher en entierMiss Alabama, alias, Maggy, agent immobilier et ancienne Miss Alabama est un vrai plaisir de lecture, le portrait croisé de plusieurs femmes ; tout en finesse et plein de rebondissements. Une sorte de leçon de vie
Afficher en entierL'âge étant pour Ethel un sujet délicat, Maggie avait soigneusement formulé la question suivante.
- Qu'est-ce qui devient... vraiment pénible à mesure que... les années passent ?
- Le plus pénible ?
- Oui.
Ethel avait réfléchi un instant.
- Oh, je pense que le plus triste, c'est de ne pas avoir de projets. Quand on est jeune, on a hâte de grandir, de se marier, de faire des enfants. Puis, un jour, on s'attend surtout à ce qu'ils s'en aillent.
Afficher en entierOui, elle avait adoré habiter dans un cinéma, mais elle se posait aujourd'hui des questions. Et si c'était à cause d'une telle éducation qu'elle avait tant de mal à affronter la réalité ? Elle avait lu quelque part que les quatre premières années de l'enfance étaient déterminantes, et donc elle avait dû en être affectée.
Maggie avait grandi à la glorieuse époque du Technicolor, avec ses belles comédies musicales, leurs chansons entraînantes et leurs foules ravissantes ; des films dans lesquels, à la fin, le garçon embrassait toujours la fille. Bien qu'elle fût une enfant unique, née de parents âgés, Maggie n'avait jamais été seule. Elle avait eu pour amis et camarades de jeu les stars de Hollywood, qui l'avaient comblée de bonheur. Puis, un jour, la télévision était arrivée et, comme tant d'autres petits cinémas de quartier, le Dreamland avait définitivement fermé ses portes. La famille s'était installée dans un appartement ordinaire, ce que Maggie avait mal vécu.
Dans le monde réel, il n'y avait ni bande sonore ni popcorn, ni confiseries ni lumière rose la nuit, et le scénario était plus difficile à suivre. Le nouvel emploi de son père, dans un magasin de chaussures, n'était pas très bien payé, et ils avaient été obligés d'emménager dans un triste appartement, plus confiné que le précédent. Maggie s'était sentie perdue et angoissée, dans ce monde étrange, encore inconnu. Elle n'en avait rien dit à ses parents, mais elle avait la désagréable impression qu'une erreur avait été commise, qu'elle n'était pas là où il fallait. Sa place, elle devait la trouver par un après-midi chaud et lourd du mois d'août, alors qu'elle avait dix ans. Pour arrondir les fins de mois, sa mère travaillait comme aide-couturière, et elle l'avait emmenée à un essayage chez une dame de Mountain Brook. Maggie n'était encore jamais allée dans cette partie de la ville et, lorsqu'en haut de Red Mountain elle avait aperçu Crestview, le majestueux manoir Tudor perché au sommet, elle en avait eu le souffle coupé. C'était comme un château dans le ciel, tout droit sorti d'un film merveilleux. Puis, quand elles étaient descendues de l'autre côté de la colline, qu'elle avait découvert Mountain Brook, avec ses rues arborées, ses façades couvertes de lierre et ses longues pelouses ondoyantes, elle avait eu la sensation d'être une enfant kidnappée qu'on ramenait chez elle. Elle avait découvert l'environnement qui lui convenait, et ses angoisses se dissipèrent.
Afficher en entierQuitte à écrire une lettre, il fallait l'écrire à la main. Taper ce genre ce message sur un ordinateur aurait quelque chose d'impersonnel et d'assez mauvais goût. Maggie ouvrit le tiroir de droite, dont elle ressortit un petit kit de papeterie contenant dix feuilles bleu clair à monogramme, et autant d'enveloppes assorties. Elle préleva quelques feuilles, une seule enveloppe, et chercha un stylo à bille en état de marche dans le gobelet en cuir brun à gaufrures dorées, où elle les rangeait. Tandis qu'elle en essayait un autre, puis encore un autre -tous des cochonneries en plastique-, elle se mit à regretter de n'avoir pas conservé au moins un bon stylo à plume, et le flacon d'encre marron Montblanc qu'elle avait pourtant gardé des années. Tous ces vieux feutres noirs étant desséchés, Maggie était réduite à utiliser le seul -rouge celui-là- qui fonctionnait encore. Elle l'examina en soupirant. Quel étrange existence! Jamais, au grand jamais, elle n'aurait pensé écrire un message aussi important sur son antique papier bleu clair avec cette pointe épaisse, presque un marqueur, au trait émaillé de paillettes argentées! Le feutre portait en outre l'inscription: "Ed's Crab Shack, le meilleur crabe farci de la ville".
Afficher en entierL'espoir renaît toujours aux heures les plus sombres.
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