Miwaukee blues

Les échos des échanges de tirs résonnaient dans les rues de Bagdad, une danse dangereuse où chaque seconde comptait pour survivre. La tension monta d'un cran alors que l'équipe ripostait avec détermination.

- Attention RPG

Un souffle, de la poussière. Je ne vois plus rien, j’entends à peine des bruits sourds. Je me tiens un genou à terre tel un cerf au moment de l’hallali, j’attends la fin. Je n’ai jamais aimé la chasse. Je préférais m’évanouir. Quand j'ai rouvert les yeux, des têtes s'emblaient se moquer de moi, histoire d'y voir plus clair, j'ai préféré les refermer. Nouveau battement de paupières épuisant. Au bout d'une seconde qui me parurent une éternité j'ai pu garder les yeux ouverts.

- Sergent, ...sergent…, sergent

Pourquoi ne me laisse-t-on pas tranquille dans mon rêve, la verdure du Montana avec une rivière qui coule au milieu. J’émerge, Dylan est penché au-dessus de moi. Rapidement l’étourdissement disparaît, j’émerge et reprends mon rôle.

- Ça va, ça va..., des blessés ?

- Gavin est mort, Mike est salement touché.

- Il faut contacter la base.

- C’est fait, ils seront sur zone dans dix minutes.

- C’est bien, il faut tenir et aller chercher la mallette de secours pour Mike, tu crois que tu peux y arriver ?

- Ok je vais y aller.

- On va te couvrir. Allez les gars, on se positionne, envoyez les fumigènes.

Un nuage de fumée remplit la rue, nous étions positionnés dans un bâtiment criblé de balles.

- Et maintenant, on envoi la sauce.

Pendant que nos M16 crachaient à l’aveugle leur rafales en direction des toits, Dylan plongeant bravement dans la fumée réussit à rejoindre le VAB, à s’emparer de la mallette et à revenir sain et sauf.

Pendant que nous continuions à vider nos chargeurs à la cadence de 800 coups théoriques par minutes, Dylan, mains tremblantes, essayait d’ouvrir le pantalon de Mike. Voyant son stress, je l’invitais à me remplacer et déchirais avec mon couteau le pantalon de Mike afin d’y poser un pansement compressif. La plaie n’était pas belle. Je lui administrais une piqure de morphine. Mike avait perdu beaucoup de sang. Les impacts nombreux continuaient à s’abattre sur les murs du bâtiment qui nous servait d’abri précaire. Des tirs arrivaient désormais de l’arrière traversant les fenêtres. Dylan hurla de douleur. Il venait d’être touché par un éclat qui lui avait brisé le coude. Des combattants nous priment alors à revers. Si d’autres tireurs arrivaient avec des RPG nous étions cuits, faits comme des rats. Putain que fait la cavalerie ?

Soudain dans le vacarme désorganisé, un bruit sourd de retord commençait à parvenir à nos oreilles. Ce bruit salvateur s’intensifiait, suivit par le bruit des mitrailleuses lourdes qui nettoyaient les toits. D’autres bruits de VAB. Les tirs cessaient. Des voix, des ordres criés. J’émergeais du bâtiment. La rue était pleine de fumée et sentait la poudre. Les soldats de l’infanterie étaient en position et tenaient la rue pendant que l’hélico continuait à survoler la zone.

- Par ici, 2 hommes à terre, vite.

Quatre soldats arrivèrent et évacuèrent les deux corps dans un VAB. Je regardais partir le corps sans vie de Gavin qui ne reverrait jamais le doux sable chaud d’une plage Californienne. Putain Gavin, si jeune. J'imaginais déjà le coup de fil aux parents. Qu'est-ce qu'ils en auraient à foutre qu'on leur dise que leur fils avait été un héros maintenant qu'il se faisait bouffer par les vers. L'armée, ma famille ! J'en avais perdu combien des membres de ma famille depuis le début de ce conflit ? Et souvent les plus jeunes, les plus innocents, ceux qui avaient une haute idée de la mission qu'on leur avait confiée.

Les autres soldats commençaient à remonter la rue et à inspecter les bâtiments un à un pour essayer de débusquer les derniers combattants. Mais ce furent surtout des civils effrayés, parfois blessés qui sortirent mains en l’air, craignant la fureur vengeresse de nos soldats. Certains suppliaient, craignant pour leur vie. Une femme vint vers nous avec une cagette de fruits. Je la voyais, son regard était vague, elle se mit à parler toute seule doucement, la cagette tomba de ses mains, une de ses mains glissa sous sa burqa, je dégainais, je visais, sa boîte crânienne explosa.