Moi, mon frère et le nouveau

Rufus

Mon frère et moi, on a tout de suite pensé qu'il était nul, le nouveau. Mais ma mère chantait ses louanges.

- Comme il est chou ! disait-elle. Le nouveau, il est vraiment trop chou !

- Trop chou ? C'est pas une fille, non plus ! on marmonnait entre nous.

Non, en effet, ce n'était pas une fille. Et là, tout était dit. On aimait bien les filles, nous. Les nanas, ça peut être cool. On en avait eu une juste avant, et on s'était bien marrés. Mais, après son départ, mon frère et moi, on avait demandé aux parents, s'il vous plaît, d'arrêter provisoirement les frais. On en avait un peu ras la patate de partager nos vieux avec des enfants tombés du ciel.

Bon, j'explique. Nous sommes une famille d'accueil. En clair, on reçoit des enfants qui ont des problèmes chez eux. Parfois, ils restent chez nous plusieurs mois ; parfois, ils repartent au bout de deux jours.

Nos parents ont promis.

- Bon, d'accord, ils ont dit. Plus d'enfant d'accueil pendant un petit moment.

La fête ! Et même pas une semaine plus tard, ce Rufus sonnait à la porte avec sa valise.

- Désolée, les garçons ! Une urgence ! a dit ma mère.

Ça oui, on peut le dire. Rufus... Déjà, ce nom ! Et ces yeux noirs tristes à pleurer ! Et ce ventre boudiné ! Rufus... Ah... ! Vraiment trop chou, oui !

- Jan ! Toon ! a dit ma mère. Vous êtes terriblement gâtés, de vrais petits veinards ! Vous vivez dans une belle maison, avec vos deux parents, vous ne manquez de rien, vous avez tout...

- Euh... euh... faut pas exagérer non plus ! on a rétorqué.

Mais ma mère n'était pas d'humeur à rire.

- Vous avez la chance avec vous. Pas Rufus.

- Pourquoi ?